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Assez avec la culpabilisation

Nous n'avons pas de leçon à recevoir de ceux qui ont passé huit temps à démolir Benoît XVI. Formidable "tribune d'un prélat anonyme" sur Rorate Caeli (24/11/2014)

J'avais dit, Benoît XVI régnant, que je n'aimais pas l'artifice du soi-disant haut prélat anonyme, qui profite de cet anonymat pour déverser sa bile contre le pape à travers une fiction littéraire. A l'époque, je pensais aux opus signés Pietro di Paoli (je ne savais pas encore qui en était l'auteur) et d'Olivier Legendre, avec son "cardinal" qui successivement se "confessait" puis "espérait" (on pourrait suggérer une suite: "le triomphe du cardinal") [(*)].
Il n'y a que les sots qui ne changent pas d'avis (Benoît XVI docet!). Je réalise aujourd'hui que ce sont les auteurs et leurs idées, que je n'aimais pas. D'autant plus que sous Benoît, le risque de sanction de la part de la hiérarchie était pratiquement nul, et l'anonymat ne se justifiait que par la lâcheté: il est malgré tout plus facile de faire les mauvais coups en douce.
Il en va tout autrement aujourd'hui, plusieurs faits de censure récents sont là pour le prouver (pas seulement les FFI et l'épuration en cours à la curie et parmi les épiscopats, même des blogs ont été dans le collimateur!)
Sur le site Rorate Caeli, je lis une "tribune" signée d'un anonyme "ecclésiastique très sage, bien informé et très influent, écrivant sous le nom de plume de don Pio Pace" (de quoi bien sûr exciter notre curiosité).
Je me reconnais pleinement dans l'agacement éprouvé envers les néo-papistes mais éternels donneurs de leçon.
Pour le reste, mon avis est "de l'extérieur", ne me rangeant à proprement parler dans aucune des deux catégories, mais je n'ai pas encore lu une analyse aussi lucide des raisons pour lesquelles les "conservateurs" ont le vent en poupe (maîtrise - inattendue - des nouveaux médias, jeunesse, vitalité), et les "libéraux", qui croient peut-être triompher, pourraient s'inquièter (à l'inverse, veillissement, dessèchement, idées "modernes" mais dépassées à l'ère du post-modernisme): tout ce que Benoît avait compris, et même prévu, à la différence de son successeur, qui est un homme du XXe siècle, encore prisonnier d'idéologies qui ont fait faillite partout, et qui, au niveau de la religion, n'ont réussi qu'à vider les églises et à faire fuire les gens.

Ma traduction.

     

LA GRANDE PEUR DES CONFORMISTES
«Obéissance»? «Respecter»? Nous ne tolérons pas de leçons de ceux qui moralement assassiné Benoît XVI!
rorate-caeli.blogspot.com
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Nous sommes très honorés de publier ce nouvel article par un ecclésiastique très sage, bien informé et très influent, écrivant sous le nom de plume de don Pio Pace.

* * *

Depuis quelque temps, des journaux et des blogs modernistes, libéraux, ou auto-définis «modérés» et même «légèrement conservateurs» fulminent contre la «guerre sans merci» menée par les catholiques orthodoxes contre François et ses orientations .

Nous sommes en plein dans la parabole de la paille et la poutre!
N'ont-ils pas critiqué, sans un moment de repos, Jean-Paul II et sa tentative de «restauration» mineure, ces bonnes âmes qui donnent maintenant des leçons? N'ont-ils pas détruit Benoît XVI jussqu'à ce que l'on peut appeler son assassinat moral? Benoît XVI, au sujet duquel les libéraux disaient entre eux, le lendemain de son élection: «Cela ne durera pas plus de deux ou trois ans!». Benoît XVI, aux ennemis duquel l'archevêque Piero Marini fournit ouvertement leur cri de guerre: «Resistere! resistere! resistere!».
Ils aimeraient ensuite nous donner des leçons, ceux qui, à travers leurs attaques incessantes et brutales contre Benoît XVI, de la part des catholiques ou des médias mainstream, par des fuites de documents, par des pressions financières, en le détruisant sur ce qu'il a faisait ou sur ce qu'il ne faisait pas, sur ce qu'il disait ou sur ce qu'il ne disait pas, l'ont poussé à présenter sa renonciation. Ils veulent non seulement nous anéantir comme ils l'ont fait avec lui, mais ils veulent que nous les remercions d'être exécutés, trouvant hilarant que nous soyons massacrés, et aussi que nous leur présentions des excuses si notre sang tache leurs vêtements impeccables. ..

Aujourd'hui, ces bons apôtres ont soudain découvert les vertus de «l'obéissance» et de «l'humilité», nous prêchant le «respect» de Pierre, comme si, en proclamant la vérité - pas toujours facile à entendre, et d'une manière plus beaucoup plus douce et proportionnée qu'ils ne l'ont jamais fait - nous manquions à cette obéissance et à ce respect. Or c'est précisément à cause de notre foi en Pierre et en raison de notre obéissance inconditionnelle à l'Eglise et à toute sa tradition que nous devons parler comme nous le faisons.

La vérité, c'est qu'ils ont peur.

Je vois trois raisons à cela.

1. La première raison est que les conservateurs ont montré une capacité absolument remarquable et inattendue d'adaptation aux nouveaux médias. Leur capacité à être présents, leur empressement à réagir, à commenter immédiatement, à fournir des analyses dès que les événements se produisent, multiplié par les blogs, les sites web, par le monde entier des médias sociaux ... Il faut dire que le catholicisme traditionnel aujourd'hui, sous toutes ses formes et tendances, est en partie le résultat de la modernité et ... de Vatican II. Ce Concile a voulu donner la parole aux laïcs. Et, à l'étonnement des gardiens de l'«esprit du Concile», les laïcs ont pris la parole! Mais pas les laïcs cléricalisés de l'establishment libéral, mais les nouveaux catholiques orthodoxes. De la promotion de l'individualisme qui a résulté des changements mis en œuvre dans l'Église, ils ont su profiter d'une manière que les artisans et les partisans de ces changements n'ont jamais prévu. À l'époque de Vatican II, la rage des libéraux s'est déchaînée contre le cardinal Ottaviani, qu'ils ont réussi à liquider. Aujourd'hui, les libéraux ont devant eux des armées de petits Ottavianis dans tous les forums et médias catholiques. Et beaucoup d'entre eux sont tout à fait armés!

2. La deuxième raison est que la faction pro-Vatican II vieillit rapidement et est frappée par une hémorragie de «laïcs engagés», des laïcs cléricalisés devenus «dé-spiritualisés», autrement dit découragés, et tombés victimes des mœurs et pratiques bourgeoises actuelles. Il y a aussi un nombre important de catholiques que Joseph Malègue - un romancier français apprécié par François - appelle «la classe moyenne du salut», des catholiques qui pratiquent leur religion de façon plus ou moins régulière, qui ne vont pas se confesser, qui organisent leur religion et leur système de croyance d'apparence catholique sur la base des tendances libérales de pensée et d'action dans lesquelles ils vivent. Ce sont des brebis sans bergers, parce que l'Eglise actuelle ne perturbe pas du tout leur léthargie spirituelle. (Et ne croyez pas que c'est une tendance qui concerne seulement les pays du «Nord» , bien au contraire: en Amérique latine, alors que ceux qui sont spirituellement engagés et vibrants et célébrent les mœurs de la famille traditionnelle, ne trouvent pas de place et ne sont pas bienvenus dans l'Eglise, et choisissent le Pentecôtisme, la plupart de ceux qui restent nominalement catholiques sont précisément les membres de ces «classes moyennes» léthargiques et désengagées.)

D'un autre côté, le catholicisme «conservateur» représente, dans toutes ses nuances, tendances, courants, de nouvelles communautés, des communautés traditionalistes, des mouvements de jeunesse, des groupes d'identité, des séminaires néo-classiques, des «nouveaux prêtres», des «religieuses voilées», des écoles et des collèges décidément catholiques, ce qu'on peut appeler les «forces vives» de l'Eglise aujourd'hui. C'est un monde extrêmement diversifié, c'est vrai, mais pour qui, des traditionalistes d'un côté aux conservateurs modérés de l'autre, incluant la presque totalité de l'Eglise africaine, la nouvelle orientation prise par Rome en Mars 2013 «ne peut pas être avalée». Eh bien, ce catholicisme est clairement le catholicisme de demain. Il est évidemment minoritaire, mais c'est une minorité qui ne cesse de croître, parce que c'est le seul qui est vraiment fertile en vocations (ou même fertile tout court!).

3. Cette deuxième raison, souligné par le débat public offert par la première, met en évidence l'existence d'un «fossé» entre une partie considérable de l'establishment catholique courant et de «l'élite» des cardinaux et des évêques d'un côté, et le «nouveau catholicisme» de l'autre; un fossé de plus en plus flagrant.

L'erreur fondamentale du pontificat de Benoît XVI est de ne pas avoir réduit ce fossé par le biais de nominations épiscopales fortes (sauf, en partie, aux Etats-Unis). Quelle que soit l'interprétation «profonde» qu'on peut donner de l'actuel pontificat, il est bien évident que ce fossé se creuse. François, avec toute son habileté de manoeuvre, est un homme d'un autre âge. Il a commis des erreurs considérables, comme l'affaire des Franciscains de l'Immaculée, et la soumission au vote synodal de l'indissolubilité du mariage le montre, des erreurs qui ont endommagé sa crédibilité (en profondeur) beaucoup plus que l'affaire Williamson et Vatileaks n'ont coûté à Benoît XVI.

* * *

En somme: si les libéraux souhaitent remplir les conservateurs d'un complexe de culpabilité, c'est en fait eux-mêmes qui se montrent réduits à une attitude très défensive. Ils ne parviendront pas à réduire au silence ceux qui agissent par la voie de la prière, des écrits, des pétitions, des discussions, des protestations. Et qui le font car inspirés par Celui qui est la Vérité et de la Justice. Et qui savent que le Christ de la béatitude de la paix est le même qui a chassé les marchands du Temple.

Note

[*] Une amie me signale qu'Oliveir Legendre n'est plus. Qu'il repose en paix, selon la formule consacrée.
Cela ne m'empêche pas de continuer à penser beaucoup de mal des ses mémoires d'un vrai-faux prince de l'Eglise .
Il avait été interrogé par Christiane Pedotti (justement!) en avril dernier, pour Témoignage Chrétien.
Extrait:

Qui ne connaît pas Olivier Legendre et « son » cardinal ? Confession d’un cardinal et, quelques années plus tard, L’Espérance du cardinal ont été l’un et l’autre de grands succès de librairie.
Ce personnage est-il réel ? Est-il composé de plusieurs cardinaux de chair et de sang assemblés en une unique figure par le talent d’une plume ?
Peu importe. Avec lui, Olivier Legendre a contribué à nous faire espérer qu’il était possible, même dans les hautes sphères de l’Église, que des hommes – peut-être même « éminents » – ne se satisfassent pas de l’enfermement dogmatique et identitaire dans lequel Rome s’engageait en réponse aux réalités du troisième millénaire et à ses nouveaux défis.
Dans un rire, Olivier Legendre confie : « Le soir de l’élection de François, et les jours qui ont suivi, les amis me disaient : « Mais c’est ton cardinal qui a été élu ! »
Est-ce le cas ? Non ! D’ailleurs, le cardinal d’Olivier est réputé être en retraite depuis déjà quelques années, après d’importantes de responsabilités à Rome.
Pourtant, l’écrivain reconnaît avec jubilation et gourmandise que Jorge Mario Bergoglio a bien des parentés avec « son » cardinal – plus qu’il n’aurait osé l’espérer.
(http://www.baptises.fr/)
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