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Que faire du Cardinal Burke?

"Si j'étais le pape"... Un amusant exercice de travaux pratiques pour pape hésitant sur le sort à réserver au leader des contestataires du Synode, traduit du site <Messa in latino> (7/11/2014)

Moi, si j'étais le Pape, je ne le limogerais pas: il y a plus à perdre à l'écarter qu'à le garder (notamment cela ferait voler en éclat l'hypothèse de la normalité et de la continuité, une position difficile à tenir si l'on veut maintenir chez les fidèles l'idée que le Pape réforme l'Eglise en douceur; et le cardinal Burke gagnerait une liberté de ton gênante qu'il ne peut pas avoir comme membre de la Curie épargné par le Prince), et ce serait de la très habile politique de le maintenir en place (les catholiques de l'aile conservatrice sont tout prêts à fondre de gratitude et à admettre leurs torts, et les libéraux parleront de grande mansuétude, qui s'exercent aussi bien à droite... qu'à gauche) tout en essayant, d'une manière ou d'une autre, de réduire son rôle à pas grand chose à la pénitencerie apostolique.

L'article a été écrit la veille de la célébration de la messe Pontificale dans la Basilique Saint-Pierre par le cardinal Burke. Le dernier paragraphe est donc obsolète (l'auteur imaginait que le Pape pourrait profiter de l'occasion pour se débarrasser de l'encombrant cardinal...), mais le reste est plutôt bien vu:

JOUONS AU JEU DU «SI J'ÉTAIS»
blog.messainlatino.it/2014/10/che-fare-del-card-burke
24 octobre 2010
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Imaginons que je sois le pape, un pape d'inclination progressiste et, à ce titre, naturellement, entièrement et viscéralement illibéral et intolérant envers les opinions différentes des miennes, ouvertes et éclairées.

Imaginons aussi que, dans l'exercice de mon Haut Ministère, j'aie décidé de faire un peu de 'bricolage' sur le dépôt poussiéreux de la foi.
J'ai décidé de commencer par la morale sexuelle, parce que j'en ai assez que l'Église, dont je suis le Chef absolu, reçoive des critiques parce qu'elle ne distribue pas de préservatifs aux pauvres populations d'Afrique noire, ou parce qu'elle se comporte de manière obscurantiste envers les metrosexuels d'Occident; qui ne sont pas vraiment des pauvres des périphéries, car ils ont un revenu par habitant qui n'est dépassé que par les banquiers, mais qui sont encore un lobby puissant. Il ne faudrait pas qu'ils me fassent rater le prix Nobel!

Si j'étais Pape, et CE Pape, alors je penserais à un consistoire et / ou un synode, juste pour ne pas montrer que je décide tout moi-même. Bien sûr, j'aurais la prévoyance de le faire diriger par des personnes de confiance, et de le manipuler un peu par des pressions et des ruses de procédure. Mais surtout, je penserais à le diluer en sessions, au moins deux, pour le prolonger sur une très longue période. Parce que, avec le temps, ce qui semblait impossible au début peut devenir, plus encore que probable, complètement inévitable.

Imaginons, cependant, que la première partie de mon beau synode ait mal tourné, à cause d'une résistance inattendue de ceux qui auraient dû se limiter à applaudir, et que j'aie donc subi une défaite cuisante. Et que le chef de la révolte, en particulier, qui m'insupportait déjà avant, m'insupporte encore plus aujourd'hui, au point que nous ne nous saluons même plus à la fin des cérémonies.

Que faire de ce casse-pieds trouble-fête, qui se prend pour un 'defensor fidei' et s'agite comme un saint Athanase?

La première possibilité est: je me le garde, car à ce stade si je le dégrade et le mets à la retraite avec plein d'éloges (en Italie, un cigare toscan et le titre de chevalier ne se refusent à personne; soit dit en passant, le reléguer à l'aumônerie d'un ordre de chevalerie conviendrait parfaitement à son cas), on pensera que je réprime l'opposition, juste après que j'aie demandé que l'on parle librement. Je ne pensais pas que ceux-ci se permettraient de me prendre à la lettre ...

L'alternative est: je le chasse. Puisque l'intéressé lui-même a confirmé publiquement qu'il serait rétrogradé, un changement d'avis serait perçu comme une marche arrière humiliante.

Oui, je le chasse. Mais il reste à décider quand. La solution la plus logique: j'attend encore un peu, je laisse les eaux se calmer et quand tout le monde pense à autre chose (ou peut-être quand il y a quelque grosse nouvelle qui monopolise l'attention), je passe à l'action. Rien ne presse: encore un an avant le deuxième tour , quand il sera impératif qu'il ne vienne plus - lui, avec beaucoup d'autres - gâcher mes plans (rompermi le uova nel paniere).

A moins que... mais bien sûr! Justement demain ici à Saint-Pierre, ces obsédés de traditionalistes viennent étaler leurs tissus de dentelle pour un "pontificalone" (messe pontificale, avec le suffixe augmentatif 'one') tridentin; ils vont me remplir la basilique d'encens, et des mites qui ont survécu à la naphtaline de ces parements démodés. Et mon cardinal réfractaire s'apprête même à célébrer pour eux. Quelle meilleure occasion de sortir en même temps le communiqué de sa destitution?
Dans les journaux, ils pourront broder sur un cardinal rétrograde et homophobe qui s'amuse avec la 'cappa magna' et les rites nostalgiques - même ses alliés du synode ont pour la plupart de l'aversion pour cette paccotille traditionaliste; ainsi, le timing donnerait le maximum de publicité à ce penchant tridentin. Cela pourrait aider à faire digérer l'exil du «chef de l'opposition» aux yeux de la plupart des gens.

Il faut que j'y réfléchisse ...