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Les voeux à la Curie Romaine 2010

Il y est question de la conscience, des visions d'Hildegarde de Bingen, et de la Chute de l'Empire romain... (27/11/2014)

Pour alimenter cette rubrique, il suffit d'ouvrir au hasard une page du site du Saint-Siège dans la rubrique consacrée à Benoît XVI.
Souvent aussi, je recherche dans mon propre site des discours qui collent à l'actualité, ou à une idée qui m'est venue à l'esprit. Ou je m'inspire de sites amis (italiens) qui tiennent une rubrique analogue.
Hier, sur le site de Raffaella, j'ai retrouvé le discours de Zagreb. A pertir de la notion de conscience, de fil en aiguille (ou plutôt à travers un lien) je suis remonté aux voeux à la Curie Romaine de 2010.
Plutôt que recopier le texte complet du discours (qu'il faut évidemment lire, ici), je reprends l'article que j'avais écrit à ce moment (mes commentaires d'alors en italique).

     

Une modeste tentative de "lecture" personnelle. (21/12/2010)

Nous en sommes encore à rechercher les pépites dans le fracassant (il n'y a pas d'autre mot!) discours de 2005 sur l'herméneutique correcte de Vatican II, nous devons donc pour le moment nous contenter d'une lecture approfondie, certes, mais sans trop insister sur les interprétations possibles, et les implications, qui mûriront, et viendront en leur temps (par exemple la partie sur le Moyen-Orient).

Tout d'abord, des considérations statistiques. Sur un texte d'un peu moins de six pages (tel que téléchargé sur le site du Vatican), deux pages entières sont consacrées aux affaires de pédophilie, une au Synode pour le Moyen-Orient (avec un long paragraphe sur le voyage à Chypre, et la rencontre avec les orthodoxes) et une à la figure de John Henry Newman, qu'il a béatifié lors de son voyage au Royaume-Uni.
Aux autres voyages effectués dans l'année (Malte, Portugal, et Espagne) le Saint-Père a juste fait allusion dans un paragraphe, tout à la fin de son discours:

"A travers eux, s’est rendu de nouveau visible que la foi n’est pas une chose du passé, mais une rencontre avec le Dieu qui vit et agit maintenant. Cela nous remet en cause et s’oppose à notre paresse, mais justement nous ouvre ainsi le chemin vers la joie authentique".

Je vais juste essayer de relever les passages qui m'ont particulièrement touchée, en les écoutant en direct sur Telepace, et que je retrouve sur le texte écrit
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LE DÉCLIN DE L'EMPIRE ROMAIN

1. Introduction:
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Le monde d'aujourd'hui évoque par beaucoup d'aspects "la période de déclin de l'Empire romain".
(Ce serait une découverte pour tous ceux qui courent vers la catastrophe avec l'insouciance de l'ignorance, mais malheureusement, ceux-là risquent de ne pas lire le texte du Pape, ou de n'en connaître que les passages - soigneusement expurgés par les medias - relatifs aux affaires de pédophilie).
C'est en effet particulièrement frappant, dans les mots du Saint-Père, qui s'ouvre sur cette invocation de la liturgie de l'Avent: '
Excita, Domine, potentiam tuam', et veni ("Etends ton pouvoir, Seigneur, viens") et se poursuit avec cette évocation historique:

La décomposition des systèmes porteurs du droit et des attitudes morales de fond, qui leur donnaient force, provoquaient la rupture des digues qui, jusqu’à ce moment, avaient protégé la cohabitation pacifique entre les hommes. Un monde était en train de décliner. De fréquents cataclysmes naturels augmentaient encore cette expérience d’insécurité. On ne voyait aucune force qui aurait pu mettre un frein à ce déclin. L’invocation de la puissance propre de Dieu était d’autant plus insistante : qu’il vienne et protège les hommes de toutes ces menaces !
« Excita, Domine, potentiam tuam, et veni ! ». Aujourd’hui aussi nous avons des motifs multiples pour nous associer à cette prière d’Avent de l’Église. Le monde, avec toutes ses nouvelles espérances et possibilités, est, en même temps, tourmenté par l’impression que le consensus moral est en train de se dissoudre, un consensus sans lequel les structures juridiques et politiques ne fonctionnent pas ; en conséquence, les forces mobilisées pour la défense de ces structures semblent être destinées à l’échec.
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LA VISION DE SAINTE HILDEGARDE

2. Les affaires de pédophilie.
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L'année sacerdotale qui avait commencé "avec grande joie", s'est au contraire "déroulée tout autrement que nous l'aurions attendue".

On retrouve dans ces mots cette idée que d'un mal absolu peut sortir un grand bien.
Et aussi que la révélation de l'ampleur du phénomène a été un énorme choc pour lui (comme il l'a rappelé en conversant avec Peter Seewald): cela me semble une preuve supplémentaire que si étouffement il y a eu, il s'est situé au niveauu des épiscopats locaux, et que la plupart des affaires ne remontaient pas à Rome, situation à laquelle le préfet de la CDF avait déjà tenté de remédier en 2001 avec l'instruction "De delictus gravioribus" (cf.
benoit-et-moi.fr/2010-I).
Le Saint-Père a choisi de l'aborder à travers une vision d'Hildegarde de Bingen - à laquelle il a consacré le mercredi 1er septembre la
première de ses catéchèses dédiées aux femmes.
L'Eglise, l'épouse du Christ, est représentée par "
une femme d’une beauté telle que l’esprit humain n’est pas capable de comprendre".

"Mais son visage était couvert de poussière, son vêtement était déchiré du côté droit. Le manteau aussi avait perdu sa beauté singulière et ses chaussures étaient souillées sur le dessus"
(...)
Justement le fait que les blessures du Christ restent ouvertes est la faute des prêtres. Ils déchirent mon vêtement puisqu’ils sont transgresseurs de la Loi, de l’Évangile et de leur devoir sacerdotal. Ils enlèvent la splendeur à mon manteau, parce qu’ils négligent totalement les règles qui leur sont imposées. Ils souillent mes chaussures, parce qu’ils ne marchent pas sur les droits chemins, c’est-à-dire sur les durs et exigeants chemins de la justice, et ils ne donnent pas aussi un bon exemple à ceux qui leur sont soumis. Toutefois je trouve en certains la splendeur de la vérité’".

Ce passage est sombre, et peut sembler pessimiste, mais il convient de souligner cette phrase, qui est un encouragement, et un merci, aux innombrables bons prêtres qui se dévouent pour leurs frères:

"C’est l’occasion pour remercier aussi les si nombreux bons prêtres qui transmettent dans l’humilité et la fidélité, la bonté du Seigneur et qui, au milieu des dévastations, sont témoins de la beauté non perdue du sacerdoce".

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LA PERMISSIVITÉ POST-SOIXANTE HUIT

3. Les affaires de pédophilie (suite)
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Le Saint-Père dénonce l'ambiance délétère qui a pu permettre ces horreurs, "la dictature de mammon qui pervertit l'homme", le marché de la pornographie, le tourisme sexuel, la folle idéologie post-68, allant jusqu'à présenter la pédophilie comme un choix de vie possible.

Nous sommes conscients de la gravité particulière de ce péché commis par des prêtres et de notre responsabilité correspondante. Mais nous ne pouvons pas taire non plus le contexte de notre temps dans lequel il est donné de voir ces événements.
(..)
Pour nous opposer à ces forces nous devons jeter un regard sur leurs fondements idéologiques. Dans les années soixante-dix, la pédophilie fut théorisée comme une chose complètement conforme à l’homme et aussi à l’enfant. Cependant, cela faisait partie d’une perversion de fond du concept d’ethos. On affirmait – jusque dans le cadre de la théologie catholique – que n’existerait ni le mal en soi, ni le bien en soi. Existerait seulement un « mieux que » et un « pire que ». Rien ne serait en soi-même bien ou mal. Tout dépendrait des circonstances et de la fin entendue. Selon les buts et les circonstances, tout pourrait être bien ou aussi mal. La morale est substituée par un calcul des conséquences et avec cela cesse d’exister. Les effets de ces théories sont aujourd’hui évidentes.

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OECUMÉNISME, MOYEN-ORIENT

4. Chypre, et le Synode
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Après avoir évoqué la cordialité de l'accueil qui lui avait été réservé à Chypre par les orthodoxes, lors de la remise du document de travail en vue du Synode, et s'être réjoui de "la richesse des rites de l’Église antique aussi à l’intérieur de l’Église catholique" mais aussi avoir déploré "le problème du pays divisé" , le Saint-Père, avec le Synode proprement dit, a ensuite étendu son regard au Moyen-Orient tout entier.

"Dans les bouleversements des dernières années l’histoire du partage a été ébranlée, les tensions et les divisions ont grandi, si bien que toujours à nouveau nous sommes témoins avec épouvante d’actes de violence dans lesquels ce qui est sacré pour l’autre ne se respecte plus, dans lesquels même les règles les plus élémentaires de l’humanité s’écroulent. Dans la situation actuelle, les chrétiens sont la minorité la plus opprimée et tourmentée. Pendant des siècles ils ont vécu pacifiquement avec leurs voisins juifs et musulmans. Au Synode nous avons entendu les paroles sages du Conseiller du Mufti de la République du Liban contre les actes de violence à l’égard des chrétiens. Il disait : avec l’agression des chrétiens, nous sommes blessés nous-mêmes. Malheureusement, cependant, cette voix de la raison et d’autres analogues, dont nous sommes profondément reconnaissants, sont trop faibles. Ici aussi l’obstacle est le lien entre avidité de lucre et aveuglement idéologique...".

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LA VÉRITÉ ET LA FOI

5. Voyage au Royaume-Uni: discours à Westminster Hall

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Dans le débat actuel autour de "la question de la vérité et de la foi elle-même...l’Eglise doit apporter sa propre contribution".

"Alexis de Tocqueville, en son temps, (ndr: De la démocratie aux Etats-Unis) avait observé qu’en Amérique, la démocratie était devenue possible et avait fonctionné, parce qu’il existait un consensus moral de base qui, allant au-delà des dénominations particulières, les unissait toutes. C’est seulement s’il existe un tel consensus sur l’essentiel, que les constitutions et le droit peuvent fonctionner. Ce consensus de fond provenant du patrimoine chrétien est en péril là où, à sa place, à la place de la raison morale succède la simple rationalité finaliste dont j’ai parlé il y a peu.
... L’avenir du monde est en jeu. "

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LA CONSCIENCE SELON NEWMAN

6. Voyage au Royaume-Uni: béatification de John Henry Newman

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En Newman, la force motrice qui le poussait sur le chemin de la conversion était la conscience.
Mais qu’entend-on par cela ?
Dans la pensée moderne, la parole « conscience » signifie qu’en matière de morale et de religion, la dimension subjective, l’individu, constitue l’ultime instance de la décision. Le monde est divisé dans les domaines de l’objectif et du subjectif. A l’objectif appartiennent les choses qui peuvent se calculer et se vérifier par l’expérience. La religion et la morale sont soustraites à ces méthodes et par conséquent sont considérées comme appartenant au domaine du subjectif. Ici, n’existeraient pas, en dernière analyse, des critères objectifs. L’ultime instance qui ici peut décider serait par conséquent seulement le sujet, et avec le mot « conscience » on exprime justement ceci : dans ce domaine peut seulement décider un chacun, l’individu avec ses intuitions et ses expériences.
La conception que Newman a de la conscience est diamétralement opposée. Pour lui « conscience » signifie la capacité de vérité de l’homme : la capacité de reconnaître justement dans les domaines décisifs de son existence – religion et morale – une vérité, la vérité.
La conscience, la capacité de l’homme de reconnaître la vérité lui impose avec cela, en même temps, le devoir de se mettre en route vers la vérité, de la chercher et de se soumettre à elle là où il la rencontre.
La conscience est capacité de vérité et obéissance à l’égard de la vérité, qui se montre à l’homme qui cherche avec le cœur ouvert. Le chemin des conversions de Newman est un chemin de la conscience – un chemin non de la subjectivité qui s’affirme, mais, justement au contraire, de l’obéissance envers la vérité qui, pas à pas, s’ouvre à lui.

Note

(*) Michel de Jaeghere publie ces jours-ci un ouvrage intitulé Les Derniers Jours. La fin de l'empire romain d'Occident. Je viens de le commander.
On lira ici l'interview de son auteur: www.lefigaro.fr