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Le "Cénacle des amis de François"

Historique. La dernière réunion en date, racontée par Giuseppe Rusconi. Repli stratégique de Kasper & Cie?

Photo ci-dessus: le président, Raffaele Luise signe l'acte constitutif du Cénacle (https://twitter.com/vaniadeluca)

Historique

Le 11 novembre 2014, fête de la Saint Martin, et trois semaines après la conclusion du très polémique Synode sur la famille (5-19 octobre 2014) se réunissait pour la première fois, à deux cents mètres du Vatican, dans le quartier pittoresque du Borgo Pio, «un groupe de réflexion, coordonné par le vaticaniste Raffaele Luise», s'intitulant, en toute modestie le «Cénacle des Amis du Pape François».

Giuseppe Rusconi était le seul vaticaniste présent (ou les autres étaient là incognito, et je ne parle pas des membres du Cénacle), et il avait fait le compte-rendu de cette première rencontre, dont les deux protagonistes principaux étaient les cardinaux Kasper (qu'on ne présente plus!) et Coccopalmerio, prélat italien né en 1938, ex-proche du cardinal Martini, créé cardinal par Benoît XVI en 2012 (!!), et président du Conseil pontifical pour les textes législatifs.
J'avais traduit ce compte-rendu ICI, en lui donnant un titre significatif: Grandes manoeuvres en vue du Synode 2015.
Réagissant à l'article de Rusconi le lendemain de sa publication, Riccardo Cascioli, directeur de la Bussola, apportait des précisions intéressantes sur le coordonateur Raffaele Luise, journaliste et activiste pro-gay notoire (benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/le-cenacle-des-amis-de-franois-1).
Il n'est pas inutile pour comprendre la suite d'en relire quelques passages:

(...) il est intéressant de souligner un aspect de ce Cénacle, et de l'activité de Luise qui ne perd jamais une occasion - même dans ses émissions pour la RAI - d'inciter à la révolution dans l'Eglise, balayant les foyers de résistance au changement radical que le Pape François a l'intention de porter à son accomplissement. Luise - comme il le dit à cette occasion - «se trouve face à un pontificat et un homme extraordinaire qui reprennent ce printemps qui s'est flétri au cours des cinquante dernières années. Ils vont même plus loin, aux sources du christianisme, à Jésus».
Il faut donc effacer «1700 ans d'Église constantinienne» et compte tenu des fortes résistances au sein de l'Eglise, le Cénacle se présente comme une sorte de «garde présidentielle» pour faire avancer la révolution.
Mais au bout du compte, il semble que ces révolutionnaires soient surtout intéressés à changer la doctrine qui concerne la morale sexuelle (et après cela, ils vont dire que l'Eglise est obsédée par le sexe!): en particulier, ils visent à la légitimation de l'homosexualité. Luise, sur ce plan, est un grand activiste, et il semble s'être fixé pour tâche d'amener le plus grand nombre possible d'évêques sur cette position.
...
[Lors d'une conférence en présence de l'évêque local] Luise s'est laissé aller à un exposé sans complexes du sujet: «Il y a 486 espèces d'animaux qui prévoient l'homosexualité. Donc, ce n'est pas une caractéristique purement humaine. Ce n'est pas une déviance, mais cela fait partie de la nature. L'homosexualité est une attitude humaine. Nous sommes donc confrontés à un grand défi, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'Église».
Et en parlant de l'Église, Luise n'a pas fait de mystères: «Il y a de nombreux gays, actifs et passifs, même au sommet».
Il sait sûrement de quoi il parle.

La seconde rencontre avait lieu un mois plus tard, le 11 décembre 2014. Là encore, Giuseppe Rusconi avait fait un compte-rendu, dont on peut litre ma traduction ici: benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/le-cenacle-des-amis-de-franois.
Parmi les présents, outre les deux cardinaux et le coordonnateur déjà cités, il y avait Mgr Mario Toso, secrétaire du Conseil pontifical Justice et Paix, le directeur de la Civiltà cattolica, le Père Spadaro, et un "intellectuel de gauche", le professeur Raniero La Valle.
Simultanément, mon attention était attirée par un article paru sur l'Obs, qui là encore, mérité d'être cité à nouveau:

Face aux « campagnes de délégitimation » s'est constituée il y a quelques mois la première initiative de soutien au pape argentin.
Une contre-offensive discrète, jusque-là souterraine, qui depuis le synode a décidé d'apparaître au grand jour. A quelques mètres du Vatican sur le Borgo Pio, dans l'arrière-boutique de la librairie Centro Russia Ecumenica, siège le Cénacle des amis de François regroupant une trentaine d'intellectuels et de théologiens. ....
Ce 10 décembre, elle devait tenir en fin d'après-midi une réunion introduite par Mgr Mario Toso, secrétaire du Conseil pontifical pour la Justice et la Paix, en présence du cardinal Walter Kasper, sur le thème de la rencontre du pape avec les mouvements populaires du monde.
«Les Vatileaks, la pédophilie, les scandales financiers de l'IOR ont presque fait mourir l'Eglise, argumente Raffaele Luise. Grâce à ce pape, elle a changé de visage auprès de l'opinion publique. Maintenant, il faut l'aider à attaquer les réformes structurelles : nous sommes pour le Printemps de 1'Eglise! »

Il y a sans doute eu d'autres rencontres entretemps, mais le 20 avril, Rusconi faisait état d'une nouvelle édition de la «réunion mensuelle» des Amis de François, où avait été saluée l'initiative "grandiose" d'une Année de la Miséricorde.
Et Giuseppe Rusconi écrivait:

Ce n'est pas par hasard que depuis le dimanche 12 avril (fête de la Divine Miséricorde) s'est ouvert le site du «Cénacle», dirigé par Raffaele Luise et coordonné par le théologien milanais et martinien Marco Vergottini, avec la collaboration de l'intellectuel catholique «de gauche» Raniero La Valle et du (de la?) journaliste Vania De Luca.
Les «amis» se proposent d'accompagner avec un soutien convaincu, une argumentation calme, sans tons extrémistes, tant l'Année de la Miséricorde que le prochain Synode, sur lequel l'Année étendra - espère le «Cénacle» - son manteau.

Un peu plus tard, et même si l'initiative n'est pas directement liée au Cénacle, le 16 mai «quelque deux cents catholiques italiens "de base" se sont réunis à Rome pour commémorer 'Gaudium et Spes' et réfléchir sur le pape François et les défis du prochain Synode».
A cette rencontre, Raniero del Valle (dont il est question ci-dessous) prenait la parole - occasion pour Giuseppe Rusconi de dresser son portrait (cf. Les catholiques de gauche aiment François)

Enfin, le 28 mai se tenait, toujours en présence du vaticaniste suisse, la dernière réunion en date du Cénacle.
Giuseppe Rusconi lui-même avoue sa surprise: le ton a changé, et les présents - en particulier Kasper - ont tenu des propos plus modérés que ce qu'on aurait pu attendre, au lendemain de la victoire du 'oui' au référendum irlandais.
Mais il pourrait s'agir (c'est moi qui le dis !) de sa part d'une tactique de repli stratégique provisoire. Il suffit pour s'en convaincre de transposer les propos du même Kasper, donnant à peu près cela:

«nous ne pouvons pas mener une guerre idéologique, puisque nous ne pouvons pas gagner. Les rigoristes au sein de l'Eglise ont comme soutien deux mille ans d'histoire de l'Eglise, de doctrine et de magistère. Nous devons donc "désarmer" notre langage»...

Finalement, même si la rencontre, telle que rapportée par Giuseppe Rusconi, s'est déroulée dans une atmosphère "détendue" et dépourvue de sectarisme et si on y a même tenu des propos que ne renierait pas le plus intransigeant des catholiques (mélangés il est vrai preque systématiquement à d'autres nettement moins orthodoxes), il n'en reste pas moins le fait inouï que deux cardinaux de la Sainte Eglise Romaine, n'ont formulé publiquement aucune condamnation de l'acte homosexuel, et ont rejeté le "mariage gay" au nom de considérations purement utilitaires et techniques.
On en est là...

La rencontre du 28 mai

Amis de François: Les surprises de Kasper

Giuseppe Rusconi
www.rossoporpora.org
29 mai 2015
Ma traduction
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Lors de la réunion mensuelle du «Cénacle», qui a eu lieu jeudi 28 mai, on a discuté de l'Irlande, du Synode, des couples homosexuels et de l'avortement. L'expression utilisée par le cardinal secrétaire d'Etat Parolin pour désigner le «oui» de Dublin (une «défaite pour l'humanité») a également fait discuter. Pour le cardinal Coccopalmerio, on peut largement la partager. Pour sa part, le cardinal Kasper met en garde contre les effets dévastateurs du désir d'enfant que la nature ne peut pas donner: on rompt ainsi la chaîne de la génération, l'adoption pose d'énormes problèmes, de même que l'insémination artificielle et la maternité de substitution (ndt: les mères porteuses) sont l'expression d'une société dans laquelle l'homme est seulement considéré comme un produit intéressant économiquement et technologiquement.

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Elle avait été annoncée comme une «discussion sur le résultat du référendum en Irlande et ses importants contrecoups sur le processus synodal en cours. À la lumière des paroles de François, réitérées lors du Regina Coeli le dimanche 23 mai: "La Mère Eglise ne ferme la porte à personne. À personne, pas même au plus grand des pécheurs. Elle ouvre tout la porte à tous parce qu'elle est mère" ». On pouvait donc penser que le rendez-vous mensuel du «Cénacle Amis du pape François» serait caractérisée par un enthousiasme sans réserve pour le résultat de Dublin et un fort souhait «révolutionnaire» pour le prochain synode d'Octobre. Au lieu de cela, aussi grâce aux "fidélissimes" cardinaux Kasper et Coccopalmerio, la réunion du jeudi 28 mai, a été caractérisée par des échanges de vues intéressants (et également vifs, y compris sur des questions telles que l'avortement) parmi ceux qui étaient présents au Centro Russia Ecumenica de Borgo Pio. La star était le cardinal allemand, mais son confrère (Cocopalmero), même s'il a peu parlé, a laissé sa marque. Comme nous le verrons ci-dessous.


Raffaele Luise: il n'est plus temps de concevoir l'homosexuel comme ontologiquement désordonné
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Mais prenons les choses dans l'ordre.
L'introduction du coordinateur Raffaele Luise a présenté comme d'habitude des éléments véridiques. Pour le journaliste, après le résultat de la consultation irlandaise, «l'affrontement au sein du Synode sera beaucoup plus âpre, étant donné que les "rigoristes" utiliseront probablement le résultat de Dublin pour tenter de bloquer toute et chaque ouverture».
Le vote «a été légitime et il faut aussi dire que beaucoup d'entre nous, catholiques, sommes pour les positions du "oui" à la reconnaissance du mariage gay», a observé Luise, qui - à propos de l'évaluation du Secrétaire d'Etat, le Cardinal Parolin ("une défaite aussi pour l'humanité") - a dit: «Je me la serais volontiers épargnée».
En somme, «nous devons changer, désarmer le langage» quand nous affrontons les thèmes anthropologiques: «il n'est plus temps de concevoir l'homosexuel comme ontologiquement désordonné».
Toujours sur Parolin, la journaliste Vania De Luca a semblé contrite d'avoir posé la question à propos de l'Irlande... «Hélas, c'est moi qui l'ai fait!».


«Une défaite pour l'humanité»: l'évaluation de Parolin partagée par Coccopalmerio et Raniero La Valle
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L'intellectuel catholique de gauche Raniero La Valle a pour sa part noté que «la phrase de Parolin est parfaitement défendable et partageable sous l'aspect anthropologique» parce que «ceux qui disent qu'il n'y a plus de distinction entre homme et femme blessent l'image de Dieu en l'homme ".

Le cardinal Francesco Coccopalmerio est ensuite intervenu, observant qu'«il ne faut pas confondre l'homosexualité avec le mariage homosexuel'» et qu'il n'était «pas d'accord avec l'assimilation des unions homosexuelles à des formes de mariage». Partageant l'expression utilisée par le Cardinal secrétaire d'Etat, le Président du Conseil pour les Textes législatifs a noté que «si toutes les unions étaient homosexuelles, l'humanité ne pouvait pas continuer» (ndt: c'est tout ce qu'il trouve comme argument??!!!).

Kasper: Respecter, mais ne pas tomber dans le piège du relativisme - Énormes problèmes créés par le désir d'un enfant que la nature ne permet pas d'avoir
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La parole est passée au cardinal Walter Kasper, qui a insisté sur deux «nécessités» pour les catholiques engagés dans le défi anthropologique.
La première: «Tenir solidement dans notre conception du mariage».
La seconde: se demander comment réussir à «concilier la position catholique sur le mariage avec le respect des personnes qui ont des inclinaisons personnelles différentes» (ndt: même remarque que pur son confrère), ce qui «n'est pas facile». Il faut être «respectueux et aussi miséricordieux, mais sans tomber dans le piège du relativisme, pour lequel tout se vaut: il y a une tendance à assimiler que nous ne pouvons pas accepter».
Pour Kasper, le défi pour l'Eglise est extrêmement difficile dans l'éducation des jeunes et en raison des problèmes que comportent les unions homosexuelles : «Non seulement l'adoption mais aussi l'insémination artificielle (ndt: le mot italien est très explicite et renvoie plus directement à des pratiques vétérinaires!) et quelque chose d'aussi inhumain que les mères porteuses».
Le cardinal a mis en garde contre la promotion «uniquement des droits des homosexuels, mais [il y a] aussi les droits des enfants que personne ne défend». Un enfant, a poursuivi le cardinal, «a le droit de savoir qui sont son père et sa mère»; en tout cas, «les problèmes juridiques et psychologiques liés sont énormes». Et dans «la chaîne générationnelle, il se produit une rupture qui fait de l'homme un produit économique et technique pour les énormes intérêts financiers en jeu».

Pour Kasper - dont certaines assertions en cette l'occasion peuvent avoir été très surprenantes pour certains - «nous ne pouvons pas mener une guerre idéologique, puisque nous ne pouvons pas gagner. Les autres ont à leur disposition des ressources financières immenses, et aussi les médias ». Nous devons donc «désarmer notre langage», cherchant à entrer en contact avec le monde sécularisé.


Kasper: il ne fait aucun doute que l'avortement est un homicide, mais la femme ne doit pas être criminalisée
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Le théologien Marco Vergottini a constaté que «les attentes pour le Synode sont nombreuses et c'est pourquoi il faut ramener à la maison quelque chose de concret». Ce ne sera pas facile, car il y a des «secteurs traditionalistes, en toute bonne foi, qui cherchent à empêcher tout changement».
Pour Vergottini, il faut «repenser le discours de l'encyclique 'Humanae Vitae' de Paul VI, ouvrir à l'admission des divorcés remariés à l'Eucharistie, «reconnaître les couples de même sexe», notant que «dans une société démocratique, les unions civiles sont un droit» (!!!).
Vergottini a ensuite souligné que «l'avortement aussi est une défaite pour l'humanité». Bien que cela ne signifie pas qu'il faille «tirer dans les jambes des médecins qui pratiquent l'avortement». Là, le cardinal Kasper a convenu qu'«il ne fait aucun doute que l'avortement est un homicide», mais - cela étant dit - «il faut se rapporter aux cas concrets et alors, on ne peut pas qualifier la femme qui a avorté de criminelle».
Enfin, le «droit à avoir un enfant» a été également mis sur le tapis: s'agit-il d'un vrai droit? a demandé l'une des personnes présentes.

On ne peut certes pas dire qu'il ait manqué de fers au feu lors de cette réunion du «Cénacle». Qui s'est déroulée dans une atmosphère détendue, et a été menée avec «parrhêsia» et en même temps avec courtoisie. En somme: «bergogliens» oui, mais ouverts à une confrontation rationnelle. Dans le milieu des médias, où s'illustrent les douaniers renfrognés et jamais souriants de la nouvelle pensée unique, cela arrive désormais rarement.

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