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Patient ensemencement en Europe

Un article de José-Luis Restan. Regard croisé sur des faits récents touchant l’Eglise en Europe, qui incitent à un (relatif) optimisme.

C'était, il me semble, en septembre 2009 que Carlota traduisait pour mon site un article de José-Luis Restan, qui allait devenir le premier d'une longue série (il suffit de taper <Restan> dans le moteur de recherche Google interne pour accéder à la plupart).
Ceux de mes lecteurs qui ne le connaissent pas pourront lire un bref rappel ici: benoit-et-moi.fr/2013-I/articles/diario-de-un-pontificado.

Entre 2009 et 2013, il nous a accompagnés très régulièrement dans notre chemin aux côtés de Benoît XVI, qu’il a défendu inlassablement et avec panache contre toutes attaques, et je dois dire que j’attendais souvent ses analyses avec impatience.
Depuis l’élection de François, j’avoue que je l’ai perdu de vue. Probablement parce qu’il est un «légitimiste», et ce qu’il pense du Pape actuel m’intéresse modérément. Je constate que j'ai fait la même expérience avec la plupart des commentateurs que je suivais avant le 13 mars 2013 - un évènement qui a servi en quelque sorte de révélateur, une "ligne de partage des eaux" qui a aussi séparé les personnes. Clairement, il y a eu un avant et un après (pardon pour le truisme), qui se sont avérés dans de multiples domaines.

Nous lirons donc avec intérêt et une pincée de nostalgie ce dernier article où il livre ses réflexions sur les récents développements de l’actualité ecclésiale en Europe

Patient ensemencement en Europe

José Luis Restán
www.paginasdigital.es
Traduction de Carlota
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J’ai sur la table une succession de nouvelles de ces derniers jours sur la vie de l’Église dans différents pays de l’Europe occidentale. C’est une vie qui affronte des défis très divers, de la fatigue de la foi à l’hostilité environnementale, de la rareté des vocations à la tentation de s’assimiler à la culture dominante, ou au contraire, de se retrancher pour défendre bec et ongle son propre territoire. D’aucune de ces choses nous ne pouvons nous étonner ni nous scandaliser, mais il est néanmoins juste de se demander d’où peut naître l’énergie pour affronter ces défis.

En Hollande a été vécu il y a quelques semaines un épisode douloureux qui rend manifeste le déclin (par ailleurs bien connu) de la présence sociale de l’Église. L’archevêque d’Utrecht, le cardinal Wim Eijk, a pris l’amère décision de fermer plusieurs églises, ce qui a provoqué un mécontentement compréhensible parmi un secteur de ses fidèles. Eijk n’est pas précisément un homme qui se plie aux vents de la mode, mais il doit affronter la réalité d’une communauté catholique affaiblie. Et en réponse aux invectives reçues il a rappelé que « Jésus nous a demander de proclamer la foi jusqu’aux confins de la terre, mais il ne nous a pas dit que nous devions construire des églises en tous lieux ». Face à la crise qu’affronte l’Église a dit le cardinal, « ce dont nous avons besoin ce ne sont pas de ressentiments ni de protestations, mais de communautés rénovées dans la foi ». Je connais la belle ville d’Utrecht, vieux bastion du catholicisme hollandais et je peux comprendre le mal-être des fidèles qui ont protesté. Mais en vérité, l’authentique mal être devrait être provoqué par la crise de la foi et non pas tant de la fermeture d’églises quand il n’y a pas de sujet chrétien qui les habite et les soutienne. L’urgence doit consister à donner vie à une nouvelle présence chrétienne, qui ne peut pas rester enserrer dans les enceintes de toujours, entre autres choses, parce que les gens à qui nous devons arriver ont l’habitude de passer chaque fois moins souvent par là.

Une autre de mes notes fait références à Dublin, après les résultats catastrophiques du referendum qui a donné la voie libre au dit mariage homosexuel dans l’île de Saint Patrick. L’archevêque Diarmuid Martin a dit que le pays affronte une véritable révolution culturelle et que beaucoup dans l’Église ont tardé à la détecter. Plus encore il a signalé que 90% des jeunes qui ont voté « oui » ont étudié dans des établissements catholiques. Mgr Martin a rappelé que durant une visite ad limina, Benoît XVI avait demandé aux évêques irlandais “où sont les points de contact entre l’Église et les centres où se forge la culture irlandaise aujourd’hui”. Cette réponse, a reconnu l’archevêque de Dublin, attend encore une réponse adéquate. Mais que se passerait-il si le Pape formulait la même question aux évêques espagnols? (ndt et en France ! Même si des deux côtés des Pyrénées, il y a des quelques exceptions).

Après les résultats du referendum irlandais, que je ne prétends pas analyser ici dans toute sa complexité, il n’y a plus de place pour de fausses illusions. Beaucoup parlent maintenant de la nécessité que l’Église prenne en compte la réalité et se connecte de nouveau avec les jeunes générations. D’accord avec la cure de réalisme et d’humilité, mais dans ce cas, « prendre en compte la réalité » ne peut consister à s’adapter au siècle, mais à faire briller de nouveau la vérité de l’homme et de la femme, de la sexualité et de la famille. Et la voie maîtresse devra être le témoignage des familles elles-mêmes, ce qui n’exclut pas un discours rénové à la hauteur des circonstances.

La dernière station de ce parcours se situe en Allemagne. Ce n’est pas un secret que les eaux ecclésiales coulent confuses sur la terre de Saint Boniface, mais ici la nouveauté réside dans des manifestations d’une singulière fraîcheur et liberté qui ont comme protagonistes quelques pasteurs.
D’abord cela a été le jeune évêque de Passau, Stefan Oster qui « a osé » (parce qu’il faut du courage pour défier la télécratie et la démoscopie, également dans l’Eglise) répondre sur son profil Facebook aux demandes exprimées par le ZdK (Comité Central des catholiques allemands) pour mettre en adéquation l’enseignement et la discipline de l’Église sur la famille avec les valeurs culturelles de la société actuelle (cf. Les fortes paroles de Mgr Oster).

L’évêque a répondu que les « valeurs vécues » par quelques personnes, ou « les signes des temps » (ou l’opinion majoritairement proclamée par les médias), ne sont pas suffisantes pour changer un enseignement de 2000 ans qui se base sur la Révélation, puisque Jésus Christ « n’est pas une valeur » mais la parole même de Dieu. Ce qui est notable de ce cas c’est que cinq autres évêques allemands ont pris l’initiative de publier une lettre montrant à leur frère leur gratitude et leur soutien. Entre autres choses ils écrivaient qu’ « en Allemagne, nous vivons aujourd’hui dans une société profondément sécularisée. Ce fait ne doit pas nous décourager ni faire que nous cherchions à nous adapter à l’opinion de la majorité, mais que nous devons le comprendre comme une opportunité pour redécouvrir la singularité de la vocation chrétienne en le monde d’aujourd’hui. Une proclamation fidèle et sincère de l’enseignement de Jésus dans la Parole du Dieu, et le développement de la relation ave Lui comme la richesse de nos vies, comme tu l’as montré dans ta réponse, sont absolument nécessaires dans cette situation ».

Sur la même ligne, l’attention a aussi été retenue par ce qu’a dit l’archevêque de Fribourg, Stefan Burger, lui aussi très jeune, à l’occasion de ses noces d’argent sacerdotales : « vingt-cinq ans après je n’ai pas fait ce pas pour proclamer les manquements des hommes d’Église, mais cette Parole qui est venue du Père et qui est le Christ lui-même… Les structures peuvent être un objet de réforme dans le temps mais non l’amour du Christ, ni son message, et de la même façon, la nature de l’Église est, en dernière instance, inamovible ».

Ce ne sont pas des temps faciles, ceux qui attendent l'’Église dans la vieille Europe fatiguée, mais je suis de ceux qui pensent que, sur notre continent, la foi est bien loin d’être épuisée, et même là où pour un moment elle paraît s’ensevelir sous terre, l’étincelle peut s’allumer de nouveau. Et comme dirait le Servitude de Dieu Don Luigi Giussani, « au milieu d’un désastre, valoriser ce qui a de la valeur est une preuve d’intelligence et de grande sagesse » (*).

NDT

(*) Je compléterai le texte de José Luis Restán par une citation de la fin de l’homélie de Mgr Schneider le 24 mai dernier à l’occasion du pèlerinage de Pentecôte de Paris Chartres (plusieurs milliers de pèlerins français mais aussi quelques centaines d’étrangers dont des chrétiens d’Orient, avec une moyenne d’âge très jeune, l’Église de demain donc) : « Venez, Saint-Esprit et faites fleurir de nouveau beaucoup d’églises domestiques, lesquelles nous donneront les cinq pierres de David qui vaincront le Goliath, c'est à dire: des bons pères et mères catholiques, des purs enfants, des purs jeunes gens, des purs prêtres et des évêques intrépides » (texte complet www.nd-chretiente.com).

C’est cela qui compte et pas un « club » de « vieux prélats et de professeurs d’universités même catholiques » de trois ou quatre nationalités de la vieille Europe du nord, qui se sont réunis en comité très privé, mais avec les journalistes qui allaient bien.

Il y a 222 ans, François-Athanase Charette de la Contrie rappelaient bien à ces hommes de tous âges que ceux qui voulaient refaire un monde dans leur tête pour l’imposer aux autres en parlant de modernité avaient existé à toute époque, mais ce qui comptait c’était transmettre ce qui avait été reçu de ses pères qui l’avaient reçu de leurs pères, en ayant bien les pieds sur terre, pour rester fidèles à Dieu : « Sommes la jeunesse de Dieu. La jeunesse de la fidélité ! Et cette jeunesse veut préserver pour elle et pour ses fils, la créance humaine, la liberté de l’homme intérieur... ».

(Carlota)

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