François et don Camillo

Giuseppe Rusconi revient sur le discours du Pape le 10 novembre adressé à l'Eglise italienne, où il présente "don Camillo" comme modèle de prêtre. Occasion de relire (en méditant...) un chapitre du chef-d'oeuvre de Guareschi, "Le baptême du fils de Peppone"

 

Plusieurs commentateurs italiens, notamment Riccardo Cascioli (cf. Le retour de don Camillo), Alessandro Gnocchi et Antonio Socci (les deux auraient sans doute mérité une traduction) se sont demandés si le Pape parlait bien du "vrai" personnage imaginé par Guareschi. Voire ne l'instrumentalisait pas au profit du "nouveau cours", le transformant en l'opposé de ce qu'il représente réellement.

Don Camillo et le baptême du fils de Peppone

Rossoporpora
20 novembre 2015
Traduction par Anna

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Dans son discours programme florentin du 10 novembre à l'Église italienne le pape François a aussi cité, comme modèle à suivre, don Camillo, le prêtre immortel de la Basse (la Plaine parmesane) créé par le génie de Giovanni Guareschi juste après la Deuxième Guerre Mondiale.
Voici un chapitre du "Piccolo Mondo" qui aide à comprendre qui était don Camillo: c'est celui qui évoque le turbulent baptême du fils de Peppone, le maire communiste du village.


Ce derniers jours, les pistes de réflexion ne manquent pas à propos de plusieurs événements importants pour le monde et/ou pour l'Église catholique. On pourrait parler longuement de la terreur semée dans Paris par des groupes musulmans extrémistes qui haïssent l'Occident dans sa version judéo-chrétienne autant que dans celle nihiliste: à ce sujet, nous signalons juste les sifflets lors de la minute de silence au stade d'Istanbul de la part de milliers de spectateurs musulmans… au stade d'habitude les émotions (le cœur) et les tripes se déchaînent, tandis que la raison se tait… et pour cette raison l'épisode n'est pas sans importance.

On pourrait par contre commenter quelques paroles et raisonnements du pape François dimanche 15 novembre, lors de sa visite à l'église luthérienne de la via Sicilia: une grande confusion a été suscitée chez pas mal de catholiques par ce que plusieurs ont perçu comme étant en substance un feu vert du Pape (dans sa réponse à une luthérienne mariée à un catholique) à la possibilité pour un protestant d'accéder aussi à l'Eucharistie ("Un Baptême, un Seigneur, une foi. Parlez avec le Seigneur et allez de l'avant") ainsi que cette sorte d'affaiblissement objectif de la nécessité de participer à la Messe dominicale qui a émergé d'un passage de l'homélie ("Quelles seront les questions que le Seigneur nous posera ce jour là? Es-tu allé à la Messe? As-tu fait une bonne catéchèse? Non, les questions sont sur les pauvres, car la pauvreté est au centre de l'Évangile".

Enfin, le discours prononcé par le Pape dans la cathédrale florentine de Santa Maria del Fiore aux participants au Congrès national de l'Église italienne est encore susceptible de commentaires. Il s'agît d'un large discours-programme par lequel François a expédié à la casse (après l'avoir bien démolie aux coups de pioche de ses nominations, à commencer par celle de l'évêque Galantino au poste de secrétaire général de la conférence épiscopale italienne) l'ère "ruinienne" (du nom du cardinal Ruini, ex-président de la CEI) commencée sous les auspices de Jean-Paul II au Congrès de Lorette de 1985. Dans le discours - où l'"Église de la charité" est exaltée (il semble presque que l'Église ne s'est jamais occupée jusqu'ici des pauvres et des nécessiteux…) au détriment de l'"Église des valeurs non négociables" (elles aussi à la casse?) - on trouve quelques lignes consacrées à un prêtre très spécial, l'immortel don Camillo créé il y a désormais presque 70 ans par le génie de Giovanni Guareschi. Le Pape a dit: "Comme dans les histoires de Guareschi je suis frappé de voir comment la prière d'un bon curé s'unit à la proximité évidente avec les gens. (…) Proximité avec les gens et prière sont la clé pour vivre un humanisme chrétien, populaire, humble, généreux, heureux".

Pour illustrer la personnalité de don Camillo il peut être utile de relire au moins une des péripéties narrées dans le roman. C'est un épisode emblématique de l'approche d'un prêtre de la Basse parmesane (qui n'avait rien des "angélistes" à la mode). Bon divertissement, mais aussi bonne réflexion!

Extrait de "Don Camillo - le petit monde" de Giovanni Guareschi (1908-1968). Le Baptême.
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L'œuvre est sortie en 1948 et l'auteur y a chanté la querelle entre un curé de campagne, don Camillo, et le maire communiste, Peppone, mécanicien d'un lieu non précisé de la Basse parmesane, près du Pô. D'après Guareschi l'histoire, créée par lui mais vraisemblable, se déroule entre décembre 1946 et décembre 1947. Dans la transposition cinématographique - qui comme toujours n'est pas identique au texte écrit - le village est indiqué comme Brescello (Don Camillo est Fernandel, Gino Cervi est Peppone).

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Et voici qu'arrivèrent à l'église un homme et deux femmes, dont l'une était l'épouse de Peppone, le chef communiste.
Don Camillo était tout en haut d'une échelle et faisait reluire l'auréole de saint Joseph ; il se retourna et demanda aux nouveaux venus ce qu'ils voulaient.

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(La suite ici: benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/le-bapteme)