Le livre des onze cardinaux

Recension par Rorate Caeli (*) du livre "pré-Synode", à paraître le 4 septembre pour contrer les thèses Kasper. Des "périphéries" montent au créneau

(*) L'article de Rorate Caeli est cité par Il Sismografo... un fait qui n'est sans doute pas dénué de signification.

>>> Cf. Synode: l'équipe des onze

 

Onze cardinaux parlent du mariage et de la famille
Essais, selon une perspective pastorale

rorate-caeli.blogspot.com
Dr. Maike Hickson
25/8/2015
Traduction par Anna

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Le 4 septembre, Ignatius Press (éditeur de Benoît XVI pour les Etats-Unis, ndt) fera paraître un nouveau livre défendant l'enseignement moral traditionnel de l'Église catholique sous le titre "Onze Cardinaux parlent du Mariage et de la Famille".
Le Père Joseph Fessio (un proche du Pape émérite!), S.J. a voulu redoubler d'effort pour soutenir ces princes de l'Église qui défendent l'enseignement de l'Église - un enseignement qui fait autorité - , fondé sur les paroles du Christ. L'année dernière, Ignatius avait publié le Livre des Cinq Cardinaux, cette année le Livre des Onze Cardinaux.

Alors que le livre de 2014 traitait de la soi-disant "proposition Kasper" - qui entend permettre aux divorcés "remariés" vivant objectivement dans un état d'adultère de recevoir la Sainte Communion - dans le nouveau livre les Onze Cardinaux parlent de l'accueil pastoral adéquat en matière de mariage et de famille.
Ignatius a cherché à avoir dans ce livre des Cardinaux qui soient aussi profondément enracinés dans la longue tradition de l'Église que conscients des défis de la culture contemporaine.

Les onze cardinaux qui ont contribué au livre du Père Fessio sont: les Cardinaux Carlo Caffarra (Italie), Baselios Cleemis (Inde), Paul Josef Cordes (Allemagne), Dominik Duka (République Tchèque), Willem Jacobus Eijk (Pays Bas/Hollande), Joachim Meisner (Allemagne), John Onaiyekan (Nigeria), Antonio Maria Varela (Espagne), Camillo Ruini (Italie), Robert Sarah (Guinée), et Jorge L. Urosa Savino (Vénézuela). La liste montre que plusieurs parties du monde, avec leurs condition et problèmes spécifiques concernant le mariage et la famille, sont fort bien représentés dans ce livre.

Tous les auteurs écrivent sous forme d'essai ce qu'ils pensent être l'approche pastorale appropriée à l'actuelle crise du mariage et de la famille. Des idées constructives sont présentées sur la manière dont l'Église peut aider les catholiques à mener une vie conforme à la Volonté de Dieu et aux Commandements connus, sans leur donner l'impression que l'Église approuve un comportement immoral. Les exposés des Cardinaux dInde et d'Afrique - les Cardinaux Baselios Cleemis et John Onaiyekan - sont très frappants et très touchants, car ils nous montrent des aspects et des pratiques de leurs églises qui sont à présent presque perdus (ou du moins oubliés) dans la plus grande partie partie de l'Occident.

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1. Comme le montre le Cardinal Cleemis, dans l'Église catholique en Inde le mariage et la famille sont toujours considérés comme très importants pour l'Église. Dans la pratique, cela signifie que les Évêques et les prêtres s'impliquent beaucoup dans les célébrations des mariages, et il n'est pas rare que dix prêtres, ou davantage, soient présents à la liturgie du mariage, en même temps que l'évêque du lieu. Cleemis parle d'un hôte européen qui avait remarqué cette présence du clergé à un mariage auquel il assistait et en demandait la raison à un prêtre. Cleemis dit:
« L'un de nos prêtres lui a répondu: "Dans notre Église, le mariage est un grand et joyeux événement, et pour toutes les personnes concernées, y compris l'Église, et un événement déterminant pour le couple et leurs familles. Nous partageons avec eux leur joie"
Telle une voix d'une autre planète ce Cardinal raconte:
« Actuellement l'Église catholique syro-malankare ne connaît pas de problème de lourde sécularisation de sa jeunesse. Les pasteurs les rencontrent aussi et parlent avec eux régulièrement ».
Puisque la société indienne dans son ensemble s'abstient encore d'approuver la cohabitation, l'Église catholique est moins confrontée avec ce problème qu'en Occident:
« La cohabitation avant le mariage sacramentel est très rare, exceptionnelle parmi les jeunes de l'Église catholique syro-malankare. Ce genre d'union irrégulière n'est pas du tout approuvé par la société indienne.»
L'implication des prêtres dans la vie des fidèles est vraiment frappante et touchante. Cleemis rapporte:
« Nos prêtres ont une approche similaire [à celle des mariages sacramentels] dans les moments de peine et de difficultés que les familles expérimentent. Il ne faut pas s'étonner de la participation des évêques et de nombreux prêtres aux funérailles!».
Et il poursuit:
« La présence du curé de la paroisse dans presque tous les événements de petite ou grande importance pour les familles membres de la paroisse, sa disponibilité aisée envers les paroissiens à tout moment, le contact personnel avec l'évêque et avec un large nombre de fidèles de leur diocèse […] sert à confirmer la place de la famille dans l'Église et à renforcer la vie familiale du fidèle.»

Une Église qui s'intéresse et prend soin du fidèle et de son bien-être spirituel porte des fruits bien meilleurs qu'une Église négligente ou quelque peu détachée de ses fidèles - et même de l'enseignement explicite du Christ - comme cela arrive assez souvent en Occident.

2. La description par le Cardinal africain Onaiyekan de la société africaine - avec son problème persistant de polygamie - touche aussi à un point qui devrait provoquer un profond examen de conscience des Églises occidentales. Au Nigéria les enfants ont une grande importance. Le Cardinal Onaiyekan dit:
« L'importance de la progéniture est elle aussi significative dans notre concept de mariage. Le mariage vise spécialement à la continuation de l'espèce humaine. L'amour de la progéniture dans le mariage est si fort que les enfants sont presque considérés une condition nécessaire pour la validité du mariage».
Tout en parlant honnêtement des problèmes inhérents à sa culture - à savoir qu'un mari peut envisager d'avoir une deuxième épouse si la première ne peut pas avoir d'enfants - il nous rappelle, à nous en Occident, l'importance d'avoir et de former des enfants, jusqu'à la vie éternelle, pas uniquement pour l'abondance temporelle. Dans l'Occident aussi il fut un temps où les grandes familles étaient considérées comme l'honneur d'un père de famille.

Dans sa conclusion, le Cardinal Nigérian a aussi des paroles de vérité que l'Occident devrait mieux écouter:
« Le synode [sur la famille] n'a pas été convoqué pour décider si oui ou non les couples divorcés et remariés peuvent recevoir la Sainte Communion. Ce n'est certainement pas l'objectif du synode. Le synode n'a pas non plus été convié pour discuter la question de l'homosexualité et si oui ou non deux hommes catholiques ou deux femmes catholiques peuvent se présenter à l'autel pour le mariage. […] Ces questions sont déjà claires dans nos doctrines. Les Synodes ne sont pas appelés à changer les doctrines ou les enseignements de l'Église.»

Le Cardinal Onaiyekan conclut admirablement son essai avec ces mots:
« Plus notre monde d'aujourd'hui est enfoncé dans l'immoralité, plus il y a besoin que l'Église soit une lumière visible par tous dans le monde».
Se référant à la Sainte Famille, le "modèle du mariage Chrétien", il dit: «Nous plaçons tous nos efforts sous Son patronage.»

3. À la lumière de ces deux voix venant d'Afrique et d'Inde, les problèmes de l'Occident deviennent plus clairs: l'accueil pastoral, ainsi que l'enseignement pastoral au sujet du mariage et de la famille ont été négligés.
Le Cardinal Willem Jacobus Eijk
l'affirme ouvertement dans son essai lorsqu'il parle d'une «connaissance défectueuse de la foi ou d'un manque de foi à proprement parler» chez les couples mariés d'aujourd'hui et affirme que la catéchèse a été gravement négligée pendant un demi siècle. Et il conclut:
« Le vrai ministère pastoral signifie que le pasteur conduit les personnes qui lui sont confiées vers la vérité définitivement trouvée en Jésus Christ qui est "la voie, la vérité et la vie" (Jn14:6). Nous devons rechercher la solution au manque de connaissance et compréhension, en transmettant et expliquant ses fondements de façon plus adéquate et claire de ce que nous avons fait dans le dernier demi siècle.»

Eijk nous rappelle que le Christ a chargé l'Église de «proclamer la vérité». Dans la pratique, il propose de faire de la préparation approfondie des futurs époux un devoir pressant et persévérant de l'Église, et de demander aux futurs époux explicitement, dès le début, s'ils acceptent l'indissolubilité du mariage. S'ils nient cette doctrine, dit-il, le sacrement du mariage devrait leur êtrerefusé.

4. Au sujet des conséquences du Communisme sur le monde entier, le Cardinal Tchèque Duka a aussi beaucoup à nous apprendre. Il examine la situation sur l'arrière-fond de la longue expérience du Communisme dans son propre pays. À ses yeux, la destruction de la famille était engagée depuis la fin de la première moitié du 19ème siècle, et a commencé avec le "Manifeste Communiste" de 1848. Il nous demande si « nous comprenons la signification de cette pression idéologique qui a duré pendant plus d'un siècle et demi?».
La famille a été avilie et ternie pendant longtemps:
« La famille a été mise au pilori comme une institution qui exploite, comme un endroit qui oppresse la spontanéité et détruit le désir hédonistique, la liberté individuelle, et ainsi de suite.».
Dans l'étude des traditions sacrées et des fondements bibliques de notre foi, affirme Duka, nous pouvons trouver davantage de force et de consolation et ces temps d'oppression et de persécution montantes:
« Nous trouvons ici le fondement de l'avertissement de l'Église, car elle est convaincue que père et mère son irremplaçables.»

5. Une grande importance doit enfin être donnée à l'essai du Cardinal Carlo Caffarra qui rappelle au lecteur l'existence du péché, les conséquences de la chute de l'homme, l'amour rédempteur du Christ et la miséricorde du Père. Tous ces facteurs doivent nous conduire à voir que nous avons besoin du pardon de Dieu qu'il est disposé à nous donner sous deux conditions et, précisément, dans les mots de Caffarra:
« La reconnaissance de sa propre condition de misère morale, de son propre péché: "Ce que j'ai fait n'est pas juste." C'est le repentir exprimé dans la confession. La conséquence de cela - le deuxième acte - est la décision de ne pas faire dans l'avenir ce que nous reconnaissons être mauvais: la résolution»
Il est rafraichissant et encourageant de lire ici cet enseignement clair. Saint Thomas d'Aquin est souvent cité, et le Cardinal Caffarra dit clairement qu'il ne peut pas y avoir d'admission aux sacrements si une personne vit dans un état de péché - comme l'adultère. En conséquence, il ne peut y avoir de véritable miséricorde sans une conversion sincère et une modification de vie durable:
« La miséricorde sans (exigence de) conversion n'est pas la divine miséricorde.»
Conversion de quoi?
« De la condition qui contredit objectivement le bien de l'indissolubilité accordé par Jésus. Une contradiction qui au niveau pratique est l'adultère.»

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Puisse ce témoignage catholique de Onze Princes de l'Église Catholique être entendu et résolument pris en considération au Synode d'Octobre.