Le modernisme 3.0: une réponse à A. Gnocchi
Je reçois et publie avec plaisir ce commentaire d'un lecteur qui réagit à l'article d'Alessandro Gnocchi que j'ai traduit cette semaine, "François est un moderniste 3.0"
>>> Cf. François est un moderniste 3.0
9 octobre 2015
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Je réagis brièvement à propos de ce texte récent "François est un moderniste 3.0". A mon avis, on s'expose au risque de commettre un relatif contresens, quand on prend appui sur une lettre encyclique de Saint Pie X, sur et contre le modernisme 1.0, pour apprécier le mieux possible le modernisme 3.0 qui semble vraiment être, sinon toujours celui du Pape François, du moins souvent celui des théologiens et des évêques qui s'expriment en son nom, en général sans être contredits ni démentis par lui.
A. Je considère ici qu'il y a, en théologie fondamentale catholique,
- un primo-modernisme, au moins de 1893 à 1914,
- un néo-modernisme, au moins des années 1930 aux années 1980,
- un post-modernisme, au moins des années 1970 à nos jours.
B. La marque de fabrique de ce modernisme 3.0, c'est
- une inspiration ou une orientation généralement plus approbatrice que réprobatrice de la théologie partisane de la libération sociale et politique et de la théologie partisane du pluralisme moral et religieux,
- la promotion du christianisme catholique en tant que "nomos" ou "topos" plutôt propice à l'émancipation individuelle et à l'unification universelles, sans exhortation explicite des non chrétiens à la conversion spécifique vers Jésus-Christ,
- une surexposition à des idées ou à des actions qui relèvent du consensualisme fraternitaire ou du "croire-ensemblisme" "vivre-ensembliste", qui se traduit par davantage de bienveillance que de vigilance pour les "valeurs" contemporaines.
C. J'en viens à mon désaccord, au contact de deux expressions employées par Alessandro Gnocchi.
Lui parle, en substance, en prenant appui sur Saint Pie X, de la "consistance" et du "rationalisme" de ce modernisme 3.0, MAIS je constate au contraire chaque jour que ce sont bien plutôt
- le fidéisme, potentiellement générateur de relativisme et de subjectivisme,
- ET l'incohérence, l'inconséquence, l'inconsistance et l'inconstance intellectuelles,
qui constituent deux des caractéristique fondamentales de ce modernisme 3.0, en plus de celles déjà évoquées ci-dessus.
D. Je suis ainsi convaincu que c'est la réduction du christianisme catholique à un agglomérat de "sensibilités", plus vécues que pensées, dans la "solidarité",
qui constitue "l'horizon indépassable" de ce modernisme 3.0, alors que le modernisme 1.0 et le modernisme 2.0 ont été bien plus intellectualistes, et ont bien plus pris appui sur une relation intellectuelle, d'inspiration philosophique, d'abord à l'Ecriture, ensuite à la Tradition.
E. Les possibilités de minimisation des conséquences désastreuses de ce relatif fidéisme et de cette relative inconsistance
, ET NON, comme le fait ou le laisse entendre Alessandro Gnocchi, de la consistance ou du rationalisme qu'il attribue à ce modernisme 3.0, sont inépuisables, depuis que certains ont réussi à faire croire, évidemment sans appeler ce fidéisme et cette inconsistance par leur vrai nom, que ces deux attitudes étaient pleinement conformes à "l'esprit de l'Evangile", comme on dit aujourd'hui, pour donner une nouvelle jeunesse à la mentalité "pastoraliste" qui a été véhiculée par "l'esprit du Concile".
F. Ainsi, manifestement,
pour certains, quand le Pape François invite ou rencontre tellement qui il veut qu'il finit par poser des actes concrets qui sont en contradiction, à tout le moins indirecte, avec au moins une partie de la pastorale de l'évêque de Rome précédent... ou de l'évêque de Rome actuel, ce n'est pas contestable, car c'est "é-van-gé-li-que" ; de même, quand le Pape François exprime ou formule une conception de la miséricorde ou une relation à la miséricorde qui est en démarcation, au minimum partielle, avec au moins une partie de l'enseignement du Souverain pontife précédent...ou du Souverain pontife actuel, ce n'est pas criticable, car c'est "é-van-gé-lique".
G. Pour dire les choses autrement,
- là où le primo-modernisme, avant avant-hier, s'en est pris à une certaine relation à l'Ecriture,
- là où le néo-modernisme, avant hier, s'en est pris, en outre, à une certaine relation à la Tradition,
- c'est la moindre des choses que le modernisme 3.0 (post-moderniste en ce qu'il est plutôt ouvert, d'une manière positive, sur la mentalité ou la philosophie post-moderne), ait commencé à s'en prendre, hier (à partir de la fin des années 1960 ou du début des années 1970), au Magistère pontifical, et à une certaine relation au croire humain non chrétien en Dieu et à l'agir humain non chrétien en ce monde.
H. Ce qui précède gagnerait grandement à être complété ou précisé
mais je résume et me prépare à conclure mon propos en disant que je ne suis pas absolument persuadé que l'on puisse aller au fond des choses actuelles, que l'on puisse analyser le modernisme 3.0, en recourant avant tout ou seulement à une grille d'analyse, aussi pontificale soit-elle, qui a été appliquée au modernisme 1.0.
I. Désinvolture, désorientation,
néo-autoritarisme (nouveau en ce qu'il se situe au croisement du modernisme et du péronisme), anti-intellectualisme (incarné notamment par les méditations quotidiennes à Sainte Marthe), tels sont quatre des points cardinaux de ce pontificat, à telle enseigne que l'on se demande jusqu'à quel point l'ex-cardinal Bergoglio va continuer à contrecarrer ou à fragiliser ce qu'il peut y avoir de meilleur dans ce qui dit ou dans ce que fait le Pape François.
J. En tout cas, si ce qu'il peut y avoir de meilleur dans son pontificat était vraiment précieux, à ses yeux,
le Pape François devrait faire en sorte que les incohérences et les inconséquences telles que la réception, complaisante ou médiatisée, d'un couple gay, quelques semaines avant un Synode sur la famille, se raréfient au plus vite, au véritable bénéfice de l'ensemble.