Nouveau "coup" du Pape contre les rigoristes

Alberto Melloni (1), un des leaders du "cathocommunisme" transalpin décrypte le remplacement par le Pape, lors de la première catéchèse de retour de vacances de "séparés de l'Eglise" (JP II) par "excommuniés", à propos des divorcés remariés. Mise au point d'Yves Daoudal.

>>> Voir à ce sujet: Deux importants discours de François (Magister)

 

Cette tribune de Melloni, publiée sur Il Corriere della Sera du 6 août a été traduite par Rorate Caeli, accompagnée par ce titre et ce commentaire:

LES PROGRESSITES EXULTENT: "CE PAPE OBTIENDRA CE QU'IL VEUT AU SYNODE".

Qui mieux qu'Alberto Melloni, le leader de l'aile progressiste la plus "avancée" de l'Eglise en Italie et de l'école de Bologne d'interprétation de Vatican II peut présenter ce que le pape a à l'esprit pour le Synode la "famille" d'Octobre 2015 ( aussi connu comme le "Synode du Sexe")?
(rorate-caeli.blogspot.com/2015/08/progressive-exultation-this-pope-will)


Il est à noter que dans Il Corriere, la tribune en question est accolée à un article dont le titre est:
"NE TRAITEZ PAS D'EXCOMMUNIÉ CELUI QUI A DIVORCÉ ET SE REMARIE": LE MESSAGE DU PAPE AU SYNODE

L'article du Corriere a été repris sur Il Sismografo - le site quasi-officiel du Saint-Siège, expression fidèle de la pensée de François - où je l'ai trouvé.

Nouveau "coup" du Pape contre les rigoristes

ilsismografo.blogspot.fr
6 août 2015
Traduction par Anna
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Le Pape François n'a conféré au synode des évêques ni les pouvoirs délibératifs, ni l'autorité sur son agenda, ni les "temps de travail" qui lui donneraient une dignité collégiale. Il a toutefois imposé au synode un registre de "parrhésie" - le terme du nouveau testament indiquant la franchise du parler - qui déconcerte ceux qui s'attendaient à un catholicisme paresseusement conformiste et naturellement conservateur. Et dans le prochain synode qui continuera à discuter de la famille et des familles la "parrhésie" va en effet être totale. C'est bien le préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi en personne, et non pas des théologiens de second rang, qui a lancé un "alzamiento" (soulèvement) auquel ont participé des cardinaux, même de bonne foi, contre ce que les traditionalistes présentent comme un "relâchement de la discipline". D'un autre côté, de nombreux prélats extrêmement prudents sont intervenus, "concèdant" ou "s'interrogeant" face à des personnes blessées par la vie qui ne cessent d'être et de vouloir être chrétiens. La Civiltà cattolica est intervenue avec quelques articles exprimant le point de vue de la Secrétairerie d'État.

Le Pape lui aussi est intervenu, à plusieurs reprises, avec des tons qui ont atteint hier le sommet de la douce dureté de François (cf. w2.vatican.va).
L'affirmation formelle, que d'après lui, les divorcés remariés ne sont pas excommuniés, prononcée dans le "style Bergoglio" du catéchiste prévenant, touche un point essentiel. Qui est celui du statut du rigorisme.
Depuis toujours les rigoristes au sein de l'Église ont suscité l'admiration des athées et des lubriques: ils semblent être ceux qui imposent des poids "inévitables" sur le dos des gens, et ils savent le faire car il ne recherchent pas l'applaudissement de la foule, forcément pécheresse et fatiguée. Et depuis toujours au sein de l'Église la condamnation des rigoristes est pénible, mais nette: au premier concile de Nicée, en 325, la grande église excommunia, comme le dit le canon 8, les soi-disant "Purs", et établit que celui qui ne donnait pas la communion aux bigames devait être exclu de l'Eucharistie.
Hier (donc mercredi 5 août), le Pape François a repris, dans son style à lui, cette excommunication des rigoristes: car affirmer que les divorcés ne sont pas excommuniés signifie que celui qui les traite d'excommuniés n'est pas quelqu'un qui défend le mariage, mais quelqu'un qui n'a pas compris l'eucharistie.
Si quelqu'un croyait pouvoir intimider le Pape craignant une bataille au synode, ou bien il s'est trompé de spectre (ndt: dans le sens de représentation effrayante d'une idée, d'un événement menaçant), ou bien il s'est trompé de Pape (2)

Notes

(1) Alberto Melloni (nombreux articles sur mon site: tinyurl.com/omq3u9v), né en 1959, peu connu en France, mais star médiatique en Italie est un intellectuel "catholique", consultant incontournable des medias "mainstream" sur toutes les questions de religion.
Historien des religions, justement, il est l'un des représentants de l'"Ecole de Bologne", qui défend une interprétation du Concile en termes de rupture, en contradiction avec l'herméneutique de la continuité de Benoît XVI. Il est en particulier co-auteur d'une "Histoire du Concile".
Il dispose d'une chronique dans Il Corriere della Sera où, DU TEMPS DE BENOÎT XVI, il polémiquait régulièrement avec l'Eglise. Depuis le 13 mars 2013, les choses ont bien changé...
Voir en particulier cet article du Père Scalese en septembre 2009: benoit-et-moi.fr/2009

(2) Cette phrase (Se qualcuno pensava di intimidire il Papa paventando un sinodo battagliato, o ha sbagliato spettro o ha sbagliato Papa) n'est pas claire, car l'auteur utilise le participe présent (paventando: craignant), sans le faire précéder d'une virgule, et on ne sait pas si dans son intention c'est le pape, ou "quelqu'un" qui "craint une bataille au synode".

Mise au point d'Yves Daoudal

Mon ami Yves Daoudal m'écrit:

Melloni, un « historien » ?
Il ose écrire ceci :

Et depuis toujours au sein de l'Église la condamnation des rigoristes est pénible, mais nette: au premier concile de Nicée, en 325, la grande église excommunia, comme le dit le canon 8, les soi-disant "Purs", et établit que celui qui ne donnait pas la communion aux bigames devait être exclu de l'Eucharistie.


Le canon 8 du concile de Nicée édicte les conditions de réadmission dans l’Eglise catholique des hérétiques novatiens, les « Purs », qui refusaient la communion aux veufs qui se remariaient et aux fidèles qui avaient apostasié sous la persécution même s’ils faisaient pénitence.

Ce n’est pas vraiment la même histoire…

(Melloni utilise exprès le mot « bigame » dans le sens qui fut celui du droit canon – quelqu’un qui aura eu deux femmes parce qu’il s’est remarié après la mort de la première – sens qui a disparu du langage courant… et du droit canon.)