Pardon pour les péchés commis contre le monde?

"Father Z" réagit à une curieuse formulation dans la lettre du Pape pour l'institution d'une "Journée mondiale de prière pour le soin de la Création"
>>> La lettre du pape: press.vatican.va

 

Implorer "pardon pour les péchés commis contre le monde"?
Un "coup de gueule" de Father Z

10 Août 2015
Father John Zühlsdorf
wdtprs.com
Ma traduction

L'Église observera une "Journée mondiale de prière pour le soin de la Création", le 1er Septembre, comme cela est la coutume dans l'Église orthodoxe depuis un certain temps.

François, dans sa lettre au cardinal Turkson (président du Conseil pontifical Justice et Paix) et au cardinal Koch (président du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens) à propos de cet événement, a fait une déclaration qui m'a fait me gratter un peu la tête.

Dans la déclaration, le Pape dit ...

La Journée Mondiale annuelle de Prière pour la Sauvegarde de la Création offrira à chacun des croyants et aux communautés la précieuse opportunité de renouveler leur adhésion personnelle à leur vocation de gardiens de la création, en rendant grâce à Dieu pour l’œuvre merveilleuse qu’Il a confiée à nos soins et en invoquant son aide pour la protection de la création et sa miséricorde pour les péchés commis contre le monde dans lequel nous vivons.


"Péchés commis contre le monde" ... ça veut dire quoi?

Je pense que dans la plupart des langues, il y a une compréhension idiomatique pour «le monde» qui est «tout le monde», c'est-à-dire «tous les gens». Mais cela ne semble pas être le cas ici.
Nous devons avoir soin de la création autour de nous - ce qui inclut les personnes. Est-ce l'objectif principal de cette déclaration? Il me semble qu'il parle de l'environnement non-humain.

Bien sûr, Laudato si' essaie de mettre les deux ensemble.

Parfois, quand nous parlons du péché, nous disons que nous péchons contre une vertu (la charité) ou contre le prochain. Toutefois, si nous nous éloignons de la vérité et de la charité, ou si nous nuisons à notre prochain notre péché est vraiment contre Dieu. Comme le Catéchisme de l'Eglise catholique le souligne

§ 1850: Le péché est une offense de Dieu : "Contre toi, toi seul, j’ai péché. Ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait" (Ps 51, 6). Le péché se dresse contre l’amour de Dieu pour nous et en détourne nos cœurs. Comme le péché premier, il est une désobéissance, une révolte contre Dieu, par la volonté de devenir "comme des dieux", connaissant et déterminant le bien et le mal (Gn 3, 5). Le péché est ainsi "amour de soi jusqu’au mépris de Dieu" (S. Augustin, civ. 14, 28). Par cette exaltation orgueilleuse de soi, le péché est diamétralement contraire à l’obéissance de Jésus qui accomplit le salut (cf. Ph 2, 6-9).


Un péché contre une vertu (une abstraction) est un péché contre Dieu. Un péché contre le voisin est un péché contre Dieu.
Péchons-nous contre une créature qui ne soit pas une personne? Une motte de terre, une plante, une bestiole, ne sont pas des personnes. Nous ne pouvons pas pécher contre une bestiole, une plante ou une motte.
Si nous nous commettons un acte de vandalisme contre une chose sacrée, comme un calice, une église ou un cimetière, nous ne péchons pas contre ces choses , mais plutôt contre Dieu, celui à qui ces choses sacrées sont dédiées par une consécration spéciale.
Si nous péchons en déversant des quantités déraisonnables, dangereuses, extrêmes, de poisons dans la terre ou l'air ou de l'eau ou en maltraitant les animaux, nous ne péchons pas contre la terre, l'air ou de l'eau ou contre les animaux. Nous péchons contre notre voisin, pour avoir rendu sa vie misérable, mais, plus fondamentalement, nous péchons contre Dieu en violant sa volonté quand il nous a faits les intendants de la création.
Nous ne péchons pas contre le monde dans lequel nous vivons.

A moins que ... nous pensions que le monde EST Dieu.

Il y a ces immanentistes qui frôlent le panthéisme. Il y a des immanentistes dans l'Eglise, en fait! Il y en a beaucoup! (..)
La plupart des immanentistes modernes de notre connaissance souffrent de ce que j'appelle "l'immanentisme light", c'est-à-dire qu'ils ne nient pas la transcendance de Dieu, ils n'y pensent simplement jamais.

Dieu est, d'abord et avant tout, transcendant. C'est une façon plus difficile de saisir Dieu. Étant donné qu'elle est difficile, elle n'est pas aussi facile à communiquer. Voilà pourquoi la forme extraordinaire traditionnelle est si importante. Elle fournit les "éléments durs" nécessaires, les éléments apophatiques, qui nous aident à une expérience de crainte et au détachement de soi qui est essentiel si nous voulons surmonter "l'hiver quotidien" de la vie, notre peur de la mort. Tel est l'objet même de la religion. Notre culte liturgique doit nous aider à nous purifier des distractions qui nous empêchent de faire face à notre peur de la mort et qui nous empêchent de rencontrer le mystère (..)

L'Église elle-même, dans de nombreux cas, a infligé l'immanentisme aux gens à travers des décennies de liturgie exécrable, horizontale, fermée sur elle-même, de catéchèse pauvre, de leadership irresponsable, et de propagande séculière (qui ne manque pas au sein de l'Église).

Donc, pour être clair, même si notre langage est un peu flou, nous péchons contre Dieu et Dieu seul et non pas le monde dans lequel nous vivons.