Peut-on critiquer le Pape?

Mgr Fisichella, se référant au code de droit canonique, met en garde: c'est une faute punissable d'excommunication "latae sententiae"

 

En octobre 2013, j'avais traduit, en l'assortissant d'un mien commentaire, un article publié sur Il Foglio d'un juriste catholique italien, Tommaso Scandoglio, intitulé Comment critiquer le Pape sans être hérétiques? (cf. Benoit-et-moi.fr/2013-III/actualites/peut-on-critiquer-le-pape
Il essayait de répondre à cette question en se référant au droit canonique, plus précisément aux canons 212 et 218.
A cette époque, il faut dire que la critique au pape était, de façon compréhensible à six mois du début du Pontificat, unanimement frileuse, et surtout extrêmement marginale.
Aujourd'hui, de multiples déclarations, gestes, actes officiels du pape ont fait sortir les critiques à découvert (à la notable exception de la France, où le débat semble en général interdit).
Les choses se sont clarifiées, et parmi les observateurs de l'actualité papale, la fracture entre les pro (en gros, les cathos de gauche et les athées, relayés par la presse unanime) et les anti (les conservateurs, mais qui ont désormais rallié à leurs rangs de plus en plus de "catholiques lambda" déroutés par les ambiguïtés d'un magistère confus) s'est faite plus radicale, même s'il subsiste une frange non négligeable d'irréductibles "conservateurs" pro, qui par un légalisme confinant de plus en plus à l'aveuglement, persistent à faire le grand écart en gardant un pied dans chacun des deux "continents", au risque de tomber dans le précipice qui s'élargit entre les deux.
Mais revenons à notre question: peut-on critiquer le Pape?
Eh bien, c'est Mgr Rino Fisichella lui-même, président (nommé par Benoît XVI) du Conseil Pontifical pour la nouvelle évangélisation, qui a donné la réponse lors d'une conférence de presse pour présenter la tâche des "Missionnaires de la Miséricorde" institués par le Pape François dans l'année jubilaire.
Voici ce qu'écrit le site LifeSiteNews:

Mgr Fisichella, président du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, a suscité la controverse en suggérant que certaines des critiques de François pourraient entraîner l'excommunication automatique (latae sententiae).
Mgr Fisichella a fait ces remarques lors d'une conférence de presse au Vatican, alors qu'il expliquait comment fonctionneraient les nouveaux "Missionnaires de la Miséricorde" de François. Ces 800 "missionnaires" auront le pouvoir d'absoudre des fautes auparavant réservées au Saint-Siège (cf. aleteia.org).
En référence au Canon 1370 , qui impose l'excommunication automatique pour "violence physique" contre le Pontife romain, Mgr Fisichella a dit:

Je dirais que nous devons bien comprendre «la violence physique», parce que parfois les mots, eux aussi, sont des rochers et des pierres, et donc je crois que certains de ces péchés, eux aussi, sont beaucoup plus répandus que nous pourrions le penser.

Les commentaires de l'archevêque Fisichella seront interprétés par beaucoup comme une tentative de réduire au silence les fidèles catholiques qui sont profondément préoccupés par la direction actuellement prise par ceux qui détiennent des charges aux plus hauts niveaux de l'Église.
De graves préoccupations ont été soulevées au cours des derniers deux ans et demi
(...)

[Suit une liste de tous les "propos, gestes et actes" evoqués plus haut, tous ayant été amplement développés dans mon site]


LifeSiteNews complète son article par un lien vers les arguments d'«un canoniste américain respecté» Ed Peters (ICI).

Mais à côté de cette dispute théologique entre spécialistes qui se jettent mutuellement à la tête des articles de la Constitution juridique de l'Eglise, dispute qui n'intéresse pas les "gens ordinaires", je vais me permettre l'humble remarque d'un catholique de bout de banc: comme c'est dommage que Mgr Fisichella, pourtant nommé à son poste par Benoît XVI, ne se soit pas souvenu du CIC §1370 du temps où le Pape Benoît était traîné dans la boue (bien autrement que François!) par ses ennemis au sein de l'Eglise: un harcèlemnt psychologique constant, épuisant, confinant à la violence physique, qui a pris fin le 28 février de 2013
A cette époque, au moins dans mon souvenir, il était bien silencieux.
Aurait-il l'indignation sélective? Ou bien l'armure de paladin du Pape qu'il endosse aujourd'hui serait-elle simplement attribuable à l'attente d'une prochaine "barrette rouge"?