Planète bleue en péril vert (2)
En mars 2007, Vaclav Klaus répondait aux questions de la Chambre des représentants du Congrès américain sur l'impact de l'homme sur le réchauffement planétaire et le changement climatique
Cet échange est reproduit en annexe du livre "Planète bleue en péril vert" , ed IREF 2009.
>>> Voir aussi:
¤ Une vérité qui dérange vraiment beaucoup
¤ Planète bleue en péril vert (1)
Réponses aux questions posées par la Chambre des représentants du Congrès américain, comité pour l'Énergie et le Commerce,
sur la problématique de l'impact de l'homme sur le réchauffement planétaire et le changement climatique.
1. Sur la question de savoir si et comment l'homme contribue à la survenance du changement climatique, et en ayant à l'esprit nos obligations à l'égard de nos citoyens : qu'est-ce que, selon vous, les législateurs devraient prendre en considération lorsqu'ils se penchent sur la question du changement climatique ?
Le « changement climatique », et en particulier le changement climatique provoqué par l'homme, est devenu l'un des arguments les plus dangereux visant à influencer les comportements humains et la politique publique dans le monde entier.
Mon ambition n'est pas d'apporter de nouveaux éléments dans le débat scientifique sur le phénomène du changement climatique. Je suis néanmoins convaincu que les débats scientifiques sur cette question n'ont jusqu'à présent pas été menés de façon suffisamment approfondie ni sérieuse, et que c'est pour cette raison qu'ils n'ont pas apporté aux législateurs une base incontestable sur laquelle prendre leurs décisions. Ce qui m'inquiète réellement, c'est la manière dont les thèmes relatifs à l'environnement sont instrumentalisés par différents groupes de pression politiques pour attaquer les principes sur lesquels repose une société libre. Il apparaît ainsi que dans la discussion sur le changement climatique nous ne sommes pas les témoins d'une opposition entre différentes opinions sur l'environnement, mais d'un conflit d'opinions sur la liberté humaine.
Ayant passé la plus grande partie de ma vie sous le régime communiste, je ressens l'obligation de dire que la plus grande menace pour la liberté, la démocratie, l'économie de marché et la prospérité au début du XXIe siècle n'est pas le communisme ou ses diverses variantes plus tendres. Le communisme a été remplacé par la menace d'un environnementalisme ambitieux. Cette idéologie déclare rechercher la protection de la Terre et de la nature, et sous ce slogan - de même que les marxistes autrefois - elle veut substituer à l'évolution libre et spontanée de l'humanité une sorte de planification centrale (désormais mondiale) du monde entier.
Les environnementalistes considèrent leurs idées et arguments comme étant une vérité incontestable, et utilisent des méthodes sophistiquées de manipulation des médias et des campagnes de relations publiques pour exercer des pressions sur le législateur afin d'atteindre leurs objectifs. Leur argumentation repose sur la peur et la panique qu'ils répandent en soutenant que l'avenir du monde est sérieusement menacé. Dans une telle atmosphère ils contraignent ainsi le législateur à adopter des mesures non libérales, à introduire des limitations, régulations, interdictions et restrictions arbitraires affectant les activités quotidiennes de l'homme, et à soumettre les citoyens à un processus décisionnel bureaucratique toutpuissant. Dit avec les mots de Friedrich Hayek, ils s'efforcent de limiter « l'activité humaine » libre, spontanée, et cherchent à la remplacer par leur propre « projet humain », très contestable.
Le schéma d'idées des environnementalistes est entièrement statique. Ils négligent le fait que la nature et la société sont en perpétuelle évolution, qu'il n'existe pas et n'a jamais existé d'état idéal du monde en ce qui concerne les conditions naturelles, le climat, l'expansion des espèces animales sur Terre, etc. Ils nient le fait que le climat a sensiblement changé tout au long de l'existence de notre planète, et qu'il existe des preuves de fluctuations climatiques substantielles, y compris au cours du passé que nous connaissons et pour lequel nous disposons de témoignages. Leurs raisonnements reposent sur des observations historiquement courtes et incomplètes et sur des données qui ne peuvent légitimer les conclusions apocalyptiques qu'ils en tirent. Ils ignorent la complexité des facteurs qui déterminent l'évolution du climat, et accusent l'humanité d'aujourd'hui et toute la civilisation industrielle d'être les éléments déterminants responsables du changement climatique et des autres risques pour l'environnement.
Les environnementalistes se concentrent sur l'idée que l'homme contribue au changement climatique; ils demandent l'adoption immédiate de mesures fondées sur la limitation de la croissance économique, de la consommation et du comportement humain qu'il considère comme
problématique. Ils ne croient pas en l'évolution économique future de la société, ne prennent pas en considération le progrès technique dont les prochaines générations bénéficieront, et laissent de côté le fait établi depuis longtemps que plus la richesse d'une société est grande, plus la qualité de l'environnement l'est aussi.
Les législateurs sont ainsi contraints de se soumettre à cette hystérie gérée à travers les médias et qui repose sur les preuves spéculatives et inattaquables de théories déficientes. Ils approuvent des programmes infiniment coûteux, qui entraînent le gaspillage de ressources limitées dans le but d'arrêter un changement climatique probablement irrésistible, qui n'est pas le fruit du comportement humain mais de phénomènes naturels (telle par exemple l'activité solaire sujette à évolution).
Ma réponse à votre première question qui est de savoir ce que les législateurs devraient prendre en considération lorsqu'ils se penchent sur les problèmes du changement climatique est donc qu'ils devraient, quelles que soient les circonstances, s'en tenir aux principes sur lesquels repose la société libre. Ils ne devraient pas céder le droit de vote et de décision des citoyens à n'importe quel groupe de pression qui soutient qu'il sait mieux que tous les autres ce qui est bien pour l'homme. Les législateurs devraient protéger l'argent des contribuables et empêcher qu'il soit dilapidé dans des projets douteux qui ne peuvent apporter de résultats positifs.
2. Comment les politiques devraient-elles répondre au rythme et aux conséquences du changement climatique, et dans quelle mesure devraientelles se concentrer sur la réglementation concernant les émissions de gaz à effet de serre
Toute politique devrait évaluer avec réalisme le potentiel de notre civilisation et l'action des forces naturelles qui influencent le climat. Il est ainsi évident que s'efforcer de lutter contre l'activité solaire accrue ou les évolutions des courants océaniques constitue un gaspillage des ressources de la société. Aucune intervention du gouvernement ne peut empêcher que le inonde et la nature continuent à évoluer. C'est pourquoi je ne soutiens pas les projets tels le protocole de Kyoto et d'autres initiatives similaires qui définissent des objectifs arbitraires impliquant des coûts énormes alors même qu'on ne dispose d'aucune visibilité réelle sur leur réussite.
Si nous admettons que le réchauffement planétaire est un phénomène réel, je pense que nous devrions nous y intéresser d'une manière complètement différente. Au lieu de se lancer dans des tentatives vouées à l'échec consistant à le combattre, nous devrions nous préparer à faire face à ses conséquences. Si l'atmosphère se réchauffe, les impacts ne sont pas exclusivement négatifs. Alors que certains déserts peuvent s'étendre davantage et certains rivages océaniques être inondés, d'immenses parties de la Terre - jusqu'à présent non habitées en raison de leur climat froid et rude - pourraient devenir des zones fertiles où des millions de gens pourraient vivre. Il est par ailleurs important de prendre conscience de ce qu'aucun changement à l'échelle de la planète ne se produit en une nuit.
C'est pourquoi je mets en garde contre l'adoption de mesures reposant sur le « principe de précaution et d'action préventive » que les environnementalistes utilisent pour justifier leurs recommandations, mais dont ils sont incapables de démontrer clairement les bienfaits. Une politique responsable devrait prendre en compte les coûts alternatifs de telles propositions, et avoir à l'esprit que les politiques environnementales coûteuses et inefficaces sont adoptées au détriment d'autres politiques et ne permettent pas de se s'occuper des besoins urgents de millions de personnes dans le monde. Chaque mesure politique doit reposer sur une analyse de ses coûts et de ses bénéfices.
L'humanité a déjà vécu une expérience tragique en s'inspirant d'un courant intellectuel très présomptueux qui prétendait savoir, mieux que les forces spontanées du marché, comment diriger la société. C'était le communisme et il a échoué, laissant derrière lui des millions de victimes. Aujourd'hui a émergé un nouvel « -isme » qui soutient même être capable de diriger la nature et à travers elle, l'homme. Cette prétention humaine disproportionnée ne peut pas - de même que toutes les tentatives antérieures - ne pas déboucher sur un échec. Le monde est un système complexe et compliqué qui ne peut être organisé en fonction d'un projet environnemental de l'homme sans que se répète la tragique expérience du gaspillage des ressources, de la répression de la liberté des hommes et de l'anéantissement de la prospérité de la société humaine toute entière.
Ce que je recommande est par conséquent de porter notre attention sur les milliers de petits détails ayant une influence négative sur la qualité de l'environnement. Et de protéger et soutenir les éléments essentiels du système sans lesquels l'économie et la société ne pourraient fonctionner efficacement - c'est-à-dire garantir la liberté humaine et les mécanismes économiques fondamentaux tels que la liberté du marché, un système de fixation des prix qui fonctionne bien et des droits de propriété bien définis. Ceux-ci motivent en effet les acteurs économiques à adopter un comportement rationnel. Sans eux, aucune politique gouvernementale ne peut protéger les citoyens ni l'environnement.
Les législateurs devraient résister à l'appel des environnementalistes à prendre de nouvelles mesures, car les incertitudes sont beaucoup trop nombreuses dans les discussions scientifiques sur le changement climatique. Il n'est pas possible de maîtriser les facteurs naturels qui provoquent le changement climatique. Limpact négatif de toutes les mesures portant sur la croissance économique se produit au détriment de tous les autres risques possibles, y compris les risques environnementaux.
3. Quels seront les effets sur lëconomie nationale, sur le bien-être des consommateurs, sur la création d émplois, des divers scénarios de politique en matière de changement climatique qui ont retenu votre attention ?
Si les législateurs répondent aux requêtes environnementales maximalistes, l'impact sur l'économie nationale sera néfaste. Peut-être qu'une très petite sphère de l'économie serait stimulée, mais la majeure partie étoufferait du fait des limites, réglementations et restrictions artificiellement créées. Le taux de croissance baisserait et la compétitivité des entreprises sur les marchés internationaux serait significativement réduite. La mise en oeuvre de ces scénarios aurait par ailleurs un impact négatif sur l'emploi et la création d'emplois. Seule une politique rationnelle de nature à favoriser l'adaptation spontanée peut justifier une intervention de l'État.
4. Quel impact et quelle efficacité pourront avoir les politiques dites de « cap and trade » sur les menaces que fait courir le changement climatique, et sur les chances d y faire face à l'avenir ?
Les politiques « Cap-and-trade » (ndlr: "quotas d'émissions" et "crédits-carbone", cf. fr.wikipedia.org/wiki/Marché_du_carbone ) sont des instruments techniques permettant d'atteindre les objectifs de limitation de la pollution par l'intermédiaire de moyens au moins partiellement compatibles avec les mécanismes du marché. Elles ne présentent un intérêt que si elles procèdent d'une approche rationnelle. Je ne pense pas que l'idée de lutter contre le changement climatique au moyen de limites d'émission soit vraiment rationnelle. Les détails techniques de l'éventuelle mise en pratique d'une telle politique n'ont donc pour moi qu'une importance secondaire.
5. Quelle est la responsabilité morale des pays développés à l'égard des pays en voie de développement? Les pays développés devraient-ils séngager dans des programmes limitant sensiblement les émissions, alors que les pays en voie de développement pourraient pour leur part continuer sans limite à accroître les leurs ?
La responsabilité morale des pays développés à l'égard des pays en voie de développement est de créer dans le monde un environnement qui garantisse une libre circulation des marchandises, des services et des flux de capitaux, permettant de bénéficier des avantages comparatifs négociés par les différents pays et stimulant le développement économique des pays les moins avancés. Les limites, régulations et obstacles administratifs artificiels introduits par les pays développés discriminent le inonde en voie de développement, limitent sa croissance économique et font perdurer sa pauvreté et son retard. Les propositions environnementalistes sont un exemple de ces mesures anti libérales néfastes pour les PVD. En effet, ceux-ci ne seront pas capables de s'accommoder des limites et des normes imposées au monde entier par des politiques environnementales irrationnelles. Ils ne seront pas capables de se plier aux nouvelles normes technologiques requises par la « religion » anti-réchauffement. Leurs produits auront plus difficilement accès aux marchés développés, et en conséquence le gouffre existant entre eux et les pays développés se creusera encore davantage.
Il est illusoire de croire que des politiques radicales contre le changement climatique pourraient n'être limitées qu'aux pays développés. Si les politiques des environnementalistes sont adoptées par les pays développés, tôt ou tard leur ambition de contrôler et diriger toute la planète évoluera en une demande de limitation des émissions dans le monde entier. Les PVD seront contraints de se conformer à leurs limites et objectifs irrationnels car « la lerre est prioritaire », tandis que la satisfaction de leurs besoins ne serait que secondaire. L'argumentation environnementaliste donne des armes aux protectionnistes de tous genres qui veulent éliminer la concurrence en provenance des pays émergents. C'est pourquoi la responsabilité morale des pays développés est de ne pas lancer de programmes de cette nature.
(19 mars 2007)