Rome, de la décentralisation au renversement

Lors de son voyage en Afrique, le Pape a accompli un geste de rupture extraordinaire (dont la portée a échappé à beaucoup). Il a ouvert l'Année Sainte à Bangui. Une "périphérie" a remplacé le centre, c'est-à-dire Rome

Ddans une opération de scénographie médiatique et de politique pastorale, le pape Bergoglio a transformé Rome, le centre, en «périphérie» - un terme qui lui est cher - et la périphérie en centre.

Rome, de la décentralisation au renversement


Una Vox
Ma traduction

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La presse, cette fois encore en accord avec le geste révolutionnaire du pape Bergoglio - une visite pastorale dans les pays africains - a salué avec un enthousiasme digne d'un stade la décision papale d'ouvrir officiellement l'Année Sainte, le Jubilé de la Miséricorde - tautologie purement médiatique et surabondante dès lors que Jubilé est, en soi, une institution de la miséricorde - non plus dans Rome, siège du Vicaire du Christ, du tombeau des deux Apôtres Princes de l'Eglise, centre et phare rayonnant du christianisme, mais à Bangui, capitale de la République centrafricaine, définie pour l'occasion «capitale du monde».
Nous avons titré sur le «renversement» de Rome, empruntant l'expression à l'excellent et précieux essai d'Enrico Maria Radaelli en 2014 (La Chiesa ribaltata - L'Eglise renversée) pour indiquer comment la primauté bergoglienne de la praxis et de la pastorale est en train d'opèrer une subversion complète de la doctrine et de l'histoire bimillénaire, que l'Église, c'est-à-dire Jésus-Christ, a fixées et a tracées au cours des siècles.

Déjà l'apparition, dans la soirée du 13 mars 2013, sur le balcon de la Basilique pétrine et la façon de se présenter à la Catholicité, juste après son élection comme Souverain Pontife, en commençant par une «bonne soirée», a fait comprendre comment la Rome Vaticane serait considérée, à partir de cet instant, non plus «locus terribilis» (Genèse 28, 17) - c'est-à-dire sacré - Siège et Autel du Christ, mais seulement une sorte de salon où, à la diffusion du message divin et au discours sur l'Évangile se serait substitué un savoir-vivre mondain.

Voilà le premier renversement, qui à la majorité stupide et engourdie est apparu comme "ouverture" d'une nouvelle Église, courtoise, 'sympa', loin du schéma hiératique, plus proche de l'homme - et plus éloignée de Dieu!
D'autant plus que le nouveau pape, du nom de François, s'est défini, et continue à se définir, «évêque de Rome», à la grande joie évidente de ce monde, combattu par le Christ, qui trouve enfin à ses côtés non pas le Vicaire du Fils de Dieu, mais une autorité, laquelle, omettant de saluer les fidèles par la formule consacrée «Loué soit Jésus-Christ», lançait ce «Bonsoir» - un peu comme ces prêtres qui, une fois la messe finie se sentent obligés de souhaiter familièrement une «bonne journée» juste pour renforcer avec le 'bon ton' (en français dans le texte), cette bénédiction donnée au nom de la Sainte Trinité.

Et ce n'est pas seulement «Rome renversée» mais aussi «décentralisée», dont il est facile de deviner la raison, puisqu'après avoir déplacé le pivot sur lequel s'appuie la transcendance toute entière, dont un signe éminent est le Jubilé, celle qui était caput mundi est devenue point de circonférence, c'est-à-dire entité périphérique.
Et peu importe qu'elle, Rome, soit le lieu de la Chaire «établie pour être le lieu saint où siège le successeur du grand Pierre» (La Divine Comédie, Enfer, chant II, 24), qu'elle soit héritière, et mutation ontologique, de l'Empire romain, du temporel au spirituel, entendue comme "kathechon" (I Thess 2, 6 et suiv), rempart et digue contre l'irruption de l'Antéchrist, celui “qui tenet, scilicet romanum imperium” (St. Thomas, op. LXVIII De Antichristo) .
Et donc, dans une opération de scénographie médiatique et de politique pastorale, le pape Bergoglio a transformé Rome, le centre, en «périphérie» - un terme qui lui est cher - et la périphérie en centre. De fait, le Pape lui-même, avait annulé la centralité de Rome quand le 8 Juin 2014, dans un élan affectueux, il avait accueilli dans les Jardins du Vatican des représentants des Palestiniens et des Juifs et, avec eux, prié pour la paix au nom d'un Dieu générique, décoloré, non-catholique, mais oecuméniste, comme le veut et l'impose la franc-maçonnerie.
Et alors, la Porte Sainte, la Porte du salut, celle située dans la basilique Saint-Pierre, la "porta justitiae", celle par où "justi intrabunt" (Psaume 117: 19), sera désormais rétrogradée au rang de porte de service, l'une des nombreuses dont disposent les Salles sacrées, un peu moins sainte que l'autre ouverte dans la cathédrale de Bangui.

Il se peut comme l'écrit le bon Rino Cammilleri (Il Giornale, 30 novembre 2015), que l'Afrique chrétienne représente la nouvelle Eglise par rapport à la vieille Europe, une Eglise qui est la seule, au dernier Synode, à s'être déclarée contre les dégénérescences théologiques de l'Europe du Nord en matière d'avortement, d'homosexualité, de divorce - et ce n'est certainement pas nous qui contesterons cette radiographie, tout en nourrissant de fortes réserves en termes de stratégie, car nous aurions aimé, et exulté, si lors du Synode scélérat, les prélats africains avaient abandonné les travaux, comme témoignage et preuve de leur adhésion à la parole du Christ.
Il se peut que l'Afrique connaisse - de la main du fanatisme islamique, dont le pape Bergoglio omet d'indiquer les racines religieuses, s'abritant derrière la désignation d'un terrorisme générique -, connaisse, disions-nous, une floraison constante de martyrs, avertissement sévère et lumineux pour le "catho-maçon" européen paresseux et libéral qui fuit le témoignage de sa propre foi avec des arrangements dialectiques et captieux afin de ne pas apparaître vil et lâche, comme il l'est en effet.

Tout cela est possible, mais il est également vrai que Rome est Rome et que personne n'a le droit de lui retirer la primauté qui se configure aussi, mais pas seulement, dans l'indiction et l'ouverture du Jubilé.
Nous voulons rappeler que Jésus n'a pas célébré sa Cène, quand il s'institua lui-même Vie Eucharistique et Porte Sainte, n'a pas souffert la Passion et la mort, ne s'est pas glorifié dans la Résurrection, dans une cité périphérique de Judée ou de Galilée, mais qu'il a achevé le dessein du Père à Jérusalem, le centre, le pivot, le noyau sur lequel reposait l'Ancienne Alliance et où la Nouvelle est née. Si Jésus avait agi selon l'esprit bergoglien - l'attention suprême et unique à la pauvreté dans le monde - il aurait dû accomplir l'œuvre du Salut dans quelque désert désolé et oublié de l'Empire romain où la morsure de la pauvreté, de la violence, de la faim se faisait plus cruelle qu'à Jérusalem. Il préfèra souffrir là, dans celle que le prophète Jérémie, dans la lecture du premier dimanche de l'Avent - 29 novembre 2015 - appelle «Jérusalem, dont le nom signifie: Seigneur, notre justice» (XXXIII, 16)
Dans le livre «Actes de Pierre» , oeuvre apocryphe grecque attribuée à un certain Leucio Carino et traduite en latin, on lit la scène célèbre de Pierre qui fuit Rome où la persécution de Néron fait rage. Sur la Via Appia, où marche l'Apôtre, apparaît Jésus, portant la croix, qui marche dans la direction opposée. A Pierre qui, surpris, demande: «Domine Quo Vadis?» - Où vas-tu Seigneur? - Jésus répond: «Eo Romam, iterum crucifigi» - Je vais à Rome pour être crucifié à nouveau.
Maintenant, quelqu'un pourra contester ce témoignage comme non probant, la source étant apocryphe.
Mais nous, nous affirmons - puisque même la littérature apocryphe indique Rome comme le lieu où Jésus serait disposé à être à nouveau crucifié - que la primauté de la Ville, la nouvelle Jérusalem, déjà prédestinée avec l'institution de l'Eglise (Mt 16 , 18-19) et sanctionnée par le martyre du premier Vicaire du Christ, apparaît avec clarté. C'est pourquoi la Rome catholique est la capitale du monde, et pas Bangui.

Ouvrir officiellement l'Année Sainte jubilaire, loin du Siège institutionnel, comme l'a fait le pape Bergoglio, c'est comme si un nouveau Parlement célébrait la séance d'ouverture de la législature dans une salle de conseil municipal.
Mais il serait peut-être bon de se rappeler qu'il est dans le style de ce Pontife de déroger aux formes et aux liturgies séculaires - l'ossature de la Katholika - comme en témoignent, parmi de nombreux exemples, la cérémonie du lavement des pieds qu'il a célébrée non pas à Saint-Jean de Latran, siège traditionnel, ses cardinaux figurant les apôtres, mais en choisissant la prison romaine de Rebibbi, avec les détenus, et des chrétiens ou non-chrétiens, à leur place.

Et encore: comment ne pas se rappeler les paroles du Christ, comme le raconte Matthieu, qui à l'objection des disciples désapprouvant l'utilisation inopportune d'un parfum, qui, pour eux, était une richesse à donner aux pauvres plutôt que de le gaspiller pour laver les pieds du Maître, répondit ainsi: «Pourquoi faites-vous de la peine à cette femme? Elle a fait une bonne action envers Moi. Les pauvres, en effet, vous les aurez toujours avec vous, mais Moi, vous ne m'aurez pas toujours» (26, 10-11).