Un synode "gay friendly"
LE lobby a-t-il pratiqué l'entrisme à la Curie et dans d'autres organes vaticans? L'éditorial de Riccardo Cascioli, autour de l''outing' du 'monsignore', théologien et collaborateur de la CDF. Et quelques miennes réflexions...
La Bussola, que dirige Riccardo Cascioli, s'emploie depuis longtemps, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler hier, à la dénonciation d'un "lobby gay" au sein de l'appareil de l'Eglise. Lui et son journal sont parmi les rares qui ont osé s'emparer de la question, et il faut saluer son courage.
L'outing fracassant du fonctionnaire curial polonais (dont on ne peut lire sans frémir qu'il a travaillé sous les ordres directs du cardinal Ratzinger à la CDF - les loups étaient bien proches de lui!) l'a amené dans son éditorial d'aujourdh'ui, à mettre comme moi en perspective ce dernier épisode avec les deux rencontres du Pape lors de son voyage aux Etats-Unis, et d'autres faits d'actualité que j'ai évoqués ici: Comment le Pape ménage LE lobby.
Et lui aussi s'interroge sur le comportement étrange du père Lombardi.
Si je comprends bien ce qu'il suggère (mais à mots couverts...), le lobby gay aurait infiltré jusqu'à la CEI (à travers son organe, le quotidien L'Avvenire) et surtout jusqu'à l'appareil communicationnel du Vatican, ce qui expliquerait pourquoi ce dernier a été centralisé sous le contrôle d'un unique secrétariat. Cela expliquerait aussi les rectificatifs alambiqués du Père Lombardi, concernant la rencontre du Pape avec Kim Davis, la fonctionnaire fédérale américaine poursuivie pour objection de conscience après avoir refusé de délivrer une licence pour un mariage homosexuel.
Si ce qu'il dit est vrai, tout se ferait à l'insu de Pape, qui ne serait donc pas responsable des agissements de ceux qui sont censés le servir, mais en réalité se serviraient de lui pour "pousser" leur agenda.
On connaît la chanson.
Mais d'une part, ceci supposerait que le Pape, loin d'être l'homme autoritaire que beaucoup s'accordent à voir en lui (ce n'est pas un défaut pour un chef), ne serait qu'un jouet entre les mains d'un lobby puissant. Voire la victime d'un chantage.... Une interprétation vraiment peu flatteuse.
Et surtout, cela amène cette question: est-ce le Pape, ou un sosie, qui a accueilli chaleureusement et même embrassé publiquement son ancien élève homosexuel vivant en couple, et son amant?
Pope Francis Visits Washington DC 2015 from Marisa Marchitelli on Vimeo.
Et en remontant plus loin dans le temps, est-ce le Pape, ou son sosie, qui, rencontrant un vieux prêtres militant notoire de la cause homosexuelle, lui a embrassé les mains en un geste de dévotion sans équivoque (cf. benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/le-retour-des-mauvais-pretres )?
Il y a sans doute d'autres faits, mais ceux-là ont été publics, sous l'oeil des caméras. Le fait qu'ils aient été médiatisés à dessein n'ôte rien à leur réalité implacable.
Une unique direction (regia) pour un Synode "gay-friendly"
Riccardo Cascioli
www.lanuovabq.it
5/10/2015
(ma traduction)
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On se tromperait beaucoup, si l'on pensait que le cas de Mgr Krzysztof Charamsa, l'"ufficiale" de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi qui a révélé son homosexualité et a présenté son compagnon, est un simple épisode: le cas extrême d'un théologien de la Curie frustré, qui profite du Synode pour se libérer du fardeau de sa double vie et cherche à influencer à son profit le Synode sur la famille tout juste commencé; et tant qu'il y est, se faire de la publicité en vue de la sortie annoncée d'un livre qu'il a écrit pour raconter son histoire. Dans ce cas, ce serait une affaire sérieuse, oui, mais au fond, un fait isolé aux conséquences limitées.
Trop d'éléments amènent au contraire à considérer qu'il ne s'agit que du dernier épisode d'une stratégie qui vient de loin et qui vise à utiliser le Synode sur la famille pour faire un saut en avant décisif dans le projet du lobby gay au sein de l'Église, que nous dénonçons depuis des années (voir par exemple ICI).
En réalité, l'objectif avait déjà été démasqué par un document de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, il y a exactement 29 ans, la Lettre aux évêques de l'Église catholique sur la pastorale des personnes homosexuelles (n. 8 et 9) [cf. Un groupe de pression au sein de l'Eglise] dans laquelle est affirmée l'existence d'un lobby au sein de l'Eglise, relié à un lobby gay plus large dans le monde, qui vise à subvertir l'enseignement de l'Eglise, d'abord l'amener «à accepter la condition homosexuelle, comme si elle n'était pas désordonnée, et à légitimer les actes homosexuels». Signé: cardinal Joseph Ratzinger.
A l'époque, cela pouvait sembler de la science-fiction, aujourd'hui, nous voyons que cette stratégie se réalise de manière stupéfiante, après que, durant de nombreuses années il y ait eu un travail aussi discret que systématique d'infiltration jusqu'aux plus hauts niveaux du Saint-Siège, mais aussi des Eglises nationales, Italie en tête.
Le double Synode sur la famille a été l'occasion pour venir de plus en plus à découvert. Beaucoup de Pères synodaux se sont par exemple plaints que dans le rapport final du Synode d'Octobre 2014, on ait fait entrer un paragraphe sur les unions homosexuelles dont on n'avait absolument pas discuté dans la Salle (et d'ailleurs, c'est un Synode sur la famille, pourquoi devrait-on parler des personnes ayant des tendances homosexuelles?): une interprétation évidemment forcée, dont fut accusé le secrétariat du Synode. Ces derniers mois, la question gay à l'intérieur de l'Église - avec le soutien des gros journaux laïcistes - a été reproposée en diverses occasions, mais elle a atteint son apogée la semaine dernière. D'abord l'interview du cardinal Walter Kasper au Corriere, dans laquelle il a fait la déclaration étonnante selon laquelle «on naît homosexuel»; ensuite le militant gay notoire appelé à exercer la fonction de lecteur pour la messe papale à New York; puis le grand mystère de la rencontre du pape à Washington avec Kim Davis et Yayo Grassi.
Ce dernier épisode, en particulier, mérite l'attention: pendant deux jours, en effet, les médias ont rapporté des rumeurs et des détails sur la rencontre qui a eu lieu à la nonciature à Washington entre le pape et une femme, Kim Davis, fonctionnaire du gouvernement, qui a été arrêtée (puis relâchée) pour avoir refusé de signer la licence pour un mariage gay. Mais vendredi dernier, le porte-parole du Bureau de presse du Vatican, le père Lombardi, a minimisé la valeur de la rencontre, prenant ses distances par rapport à la position de la femme. Une reconstruction étrange (Sandro Magister expose les détails et les incohérences de l'histoire), également parce qu'effectivement François dans son voyage aux Etats-Unis avait à plusieurs reprises soulevé la question de la liberté religieuse et, à la conférence de presse sur le vol de retour à Rome, avait affirmé avec une grande clarté la droit à l'objection de conscience sur ces questions pour les fonctionnaires du gouvernement. Le même Père Lombardi prenait soin de faire savoir que la seule audience privée accordée par le pape à Washington était avec un ancien élève. Quelques heures passent, et voilà que comme par magie émergent les détails de cette rencontre privée: l'ancien élève est un homosexuel qui s'est présenté au pape avec ses proches, et à la suite, son compagnon.
C'est un véritable chef-d'œuvre médiatique: on désamorce un événement «dangereux» dans lequel le Pape apparaît clairement opposé aux unions homosexuelles au point d'encourager ceux qui s'y opposent à travers l'objection de conscience, et on diffuse des images dans lesquelles on veut faire lire (?) la bénédiction de François aux couples homosexuels. Peu importe qu'en réalité, les choses soient différentes, l'effet sur les médias du monde entier est celui souhaité, et avec la complicité du bureau de presse du Vatican. Il serait vraiment paradoxal que la réforme de la Curie, qui a conduit à centraliser toutes la communication du Vatican dans un unique secrétariat, ait abouti à mieux coordonner la "direction" (regia) de ces opérations idéologiques "gay-friendly".
Comme si cela ne suffisait pas, voilà que le lendemain arrive l'"outing" de Mgr Charamsa, qui sera au centre de l'attention pendant un certain temps, déplaçant l'intérêt des médias du Synode pour la famille aux unions homosexuelles. Quoi qu'il en soit, sachant comment fonctionnent les médias, il est certain que l'idée d'une ouverture sur les relations homosexuelles passera. Et il est inévitable que la pression se fera sentir aussi à l'intérieur de la salle du Synode, d'autant plus qu'à l'intérieur - comme l'année dernière - il y en a qui portent le même objectif.
Plusieurs commentateurs, ces jours-ci, ont essayé de faire passer l'idée que l'acte irresponsable de Mgr Charamsa compromettra l'ouverture possible des Pères synodaux, renforçant les conservateurs qui s'opposent les changements doctrinaux.
Rien de plus faux, en réalité le lobby gay récolte déjà les résultats souhaités: dans le langage des évêques et des théologiens l'idée passe déjà que l'homosexualité n'est pas un problème en soi, pas même pour les prêtres. Il suffit de penser à l'éditorial de l'Avvenire (nous reviendrons dans les prochains jours sur le rôle que le journal de la CEI a eu au cours des 25 dernières années pour promouvoir l'agenda gay): «Le prêtre homosexuel n'est pas un problème», dit le théologien moraliste Don Mauro Cozzoli. Et voilà, la révolution est déjà accomplie. Et même le communiqué laconique du Père Lombardi censure les modalités et les temps de l'outing de Mgr Charamsa, mais ne dit rien sur la substance.
"L'homosexualité d'un prêtre n'est pas un problème"
Roberto Marchesini
www.lanuovabq.it
5/10/2015
(ma traduction)
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Un gros coup, le "coming out" de Mgr Charamsa - rien de moins qu'un Ufficiale de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi - à la veille du Synode sur la famille. Peu en phase avec la blancheur catholique, mais à coup sûr, un gros coup.
Il faut toutefois dire que les réactions ne semblent pas tout à fait à la hauteur. Prenez par exemple les commentaires de l'Avvenire, signés par [Don] Mauro Cozzoli - Professeur de théologie morale à l'Université pontificale du Latran.
Cozzoli qualifie de "déconcertante" l'interview du prêtre polonais, et motive plus loin son trouble:
«Ce qui est étonnant dans l'interview, ce n'est pas la déclaration d'homosexualité du sujet, mais le caractère revendicatif de celle-ci, élevée en étendard de la cause homosexuelle. Au fond, un prêtre homosexuel n'est pas un problème. Il y a, et même je connais, des prêtres homosexuels qui n'ont pas besoin (comme par ailleurs beaucoup d'homosexuels) d'exhiber leur propre homosexualité parce qu'ils sont sereinement réconciliés avec elle. Des prêtres qui vivent librement leur virginité. Cela revient à dire que justement, le problème n'est pas l'homosexualité».
Du calme, relisons.
«Au fond, un prêtre homosexuel n'est pas un problème», écrit Don Mauro.
Et pourtant, cela devrait en être un, du moins selon l'Instruction de la Congrégation pour l'Education catholique sur les critères de discernement vocationnel au sujet des personnes présentant des tendances homosexuelles en vue de leur admission au séminaire et aux Ordres sacrés: «[...] l'Église, tout en respectant profondément les personnes en question, ne peut pas admettre au Séminaire et aux Ordres sacrés ceux qui pratiquent l'homosexualité, présentent des tendances homosexuelles profondément enracinées ou soutiennent la culture dite gay» (§ 2).
Poursuivons.
«Il y a, et même je connais, des prêtres homosexuels qui n'ont pas besoin (comme par ailleurs beaucoup d'homosexuels) d'exhiber leur propre homosexualité parce qu'ils sont sereinement réconciliés avec elle».
Comment peut-on se réconcilier sereinement avec une tendance que le Catéchisme de l'Église catholique qualifie de «désordre objectif» (§ 2357)?
Et encore:
«Cela revient à dire que justement, le problème n'est pas l'homosexualité».
Pourtant, le Catéchisme définit l'orientation homosexuelle elle-même comme «objectivement désordonnée». Comment l'homosexualité peut-elle ne pas être un problème?
Le problème, affirme Cozzoli, est «le caractère revendicatif [de l'homosexualité], élevée en étendard de la cause homosexuelle».
En substance, c'est le manque de décorum, de coutoisie avec lequel le prêtre polonais a déclaré ses tendances, et non pas les tendances elles-mêmes.
Le problème, poursuit Don Mauro, c'est «l'incapacité de maintenir l'engagement de chasteté parfaite assumé avant l'ordination». Que cet engagement n'ait pas été maintenu avec un homme ou avec une femme est indifférent.
Pourtant, c'est tout ce que trouve à dire un professeur de théologie morale à l'Université pontificale du Latran sur le "coming out" d'un Ufficiale de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
A la veille du Synode.