Vatileaks 2: la vraie tragédie de l'Eglise

Au-delà des ragots, des scandales, des "mystères" entretenus par le système médiatique, Alessandro Gnocchi a magnifiquement saisi l'essentiel.

>>> Vatileaks 2

 

Des laïcs les plus radicaux aux catholiques "comme il faut" de la vulgate progressiste, ils sont tous à se déchirer les vêtements à cause de ce scandale. Parce que l'Eglise, selon eux, devrait être le tabernacle de la légalité et de rien d'autre.
Il est clair que dans une telle logique mondaine, il peut y avoir rien de pire qu'une affaire comme celle dont nous parlons. Si dans le tabernacle, il n'y a non pas Notre Seigneur, mais le Code pénal ou la Constitution, on ne peut pas concevoir de péché pire que la violation de la loi.

La vraie tragédie est que cette Eglise, à commencer par le Pape François, rejoint la nouvelle religion de la légalité, adore la même divinité, observe la norme établie par l'homme pour décréter à la fois ce qui est politiquement et théologiquement correct ... Elle est dans la contradiction d'une Église et d'un pontificat occupés à enseigner que la loi de Dieu tue l'esprit et que la loi des hommes le sauve.

Fuori Moda (3 novembre 2015)


Dans sa rubrique hebdomadaire du site Riscossa Cristiana, Alessandro Gnocchi répond cette semaine à la lettre d'un lecteur qui l'interroge sur le énième scandale qui secoue l'Eglise:

J'ai entendu à la télévision et lu dans les journaux de ce matin, les arrestations au Vatican. Un monsignore et une jeune femme, dont je ne sais pas quelle fonction elle avait au juste. Je vous le dis sincèrement, je suis presque épouvanté, je me demande ce qui se passe dans l'Église. Qu'en pensez-vous?


Voici sa réponse (ma traduction).


Ce matin, avec le directeur de ce site, Paolo Deotto, nous parlions justement de ce sujet, et nous nous demandions si cela valait la peine d'intervenir. D'un côté, les proportions prises par la nouvelle dans les journaux ne peuvent être ignorés. De l'autre, nous sommes face au traitement mondain habituel qui, dans l'Église, ne parvient à voir que le côté trouble qui lui est inhérent, et ceci imposerait de passer outre.
Mais... il y a un mais, et même deux.

Le premier réside dans le fait que le côté trouble inhérent au monde, dans l'Eglise actuelle, est tout simplement TROP, et il est difficile de l'ignorer. L'autre réside dans les lettres comme la vôtre, les appels téléphoniques, les courriels de provenances variées, qui se demandent ce qui se passe.
Je vais donc mettre de côté la rubrique que j'avais préparée, et je vais vous répodre.

Commençons par un rapide tour d'horizon pour voir ce que contient cette triste affaire. Il y a la dame, belle et arriviste, il y a le monsignore, mondain et intrigant, il y a le vol des corbeaux, il y a des secrets espionnés et divulgués, il y a les luttes internes entre les dicastères et la Secrétairerie d'État, il y a des prélats qui se consacrent aux vernissages et aux voitures de luxe plus qu'à la pénitence et à la prière, il y a des journalistes qui plongent volontiers leur plume dans la boue qui stagne des deux côtés du Tibre ... Bref, il y a tout, sauf la foi. Voilà ce qui se passe.

Mais à présent, nous devons faire un retour en arrière, parce qu'il est est nécessaire pour comprendre l'essence médiatique évanescente et diabolique des événements en cours.
Je ne sais pas si vous vous souvenez de l'enthousiasme avec lequel, en 2013, les commentateurs ont salué l'entrée de Francesca Immacolata Chaouqui, jeune, belle et ambitieuse, à la COSEA, la Commission chargée d'étudier et l'organisation des structures économico-administratives du Saint-Siège, voulue par François lui-même.
La nouvelle, selon la logique médiatique, ne résidait pas tant dans la compétence réelle ou présumée de Mme Chaouqui, mais dans le fait qu'elle était une femme. A présent, sûr que tout ira bien, commentaient les commentateurs, et on le devra au génie féminin mis à l'honneur par le génie de François. Pensez qu'un météore du journalisme catholique plus ou moins conservateur (?) voulut prendre la belle et ambitieuse dame comme éditorialiste parce qu'en plus d'être la quintessence du génie féminin, elle était si "proche de François".

Aujourd'hui, en vertu de la diabolique évanescence médiatique de ce genre d'événements, la belle et ambitieuse dame a été plaquée par tous, sans pitié. Le même sort a frappé Mgr Lucio Ange Vallejo Balda, secrétaire de la COSEA, l'autre personne arrêtée par la gendarmerie du Vatican, lequel, contrairement à la dame Chaouqui, est toujours en prison.

Aujourd'hui, le génie féminin n'intéresse plus, parce qu'aujourd'hui, la nouvelle qui émerge petit à petit est une autre: la conspiration contre le pauvre Pape François, attristé par la trahison de ceux qui, sur son mandat, auraient voulu rendre propres et transparentes les finances du Vatican. Immaculé et exalté pour son génie de gouvernement quand il avait placé ces messieurs-dames dans la Commission par lui-même voulu, François reste immaculé et exalté pour son génie de gouvernement aujourd'hui encore, pour avoir donné le feu vert à leur arrestation. Parce que François, bien sûr, ne peut pas se tromper: et donc il ne se trompe pas.

Je me garde bien de minimiser la saleté qui vient au jour, mais, comme on le voit, le vrai problème n'est pas ce qui est aujourd'hui sur les premières pages des journaux. Aujourd'hui, selon la diabolique essence médiatique, c'est cela, demain, ce sera autre chose. Je ne suis pas surpris par certaines misères et surtout, je n'en suis pas peiné autant que ceux qui mesurent l'Église à l'aune du monde. Des laïcs les plus radicaux aux catholiques "comme il faut" (en français dans le texte) de la vulgate progressiste, ils sont tous à se déchirer les vêtements à cause de ce scandale, d'une tragédie dont ils ne peuvent rien imaginer de pire. Parce que l'Eglise, selon eux, devrait être le tabernacle de la légalité et de rien d'autre. Il est clair que dans une telle logique mondaine, il peut y avoir rien de pire qu'une affaire comme celle dont nous parlons. Si dans le tabernacle, il n'y a non pas Notre Seigneur, mais le Code pénal ou la Constitution, on ne peut pas concevoir de péché pire que la violation de la loi.

La vraie tragédie, c'est que cette Eglise, à commencer par le Pape François, rejoint la nouvelle religion de la légalité, adore la même divinité, observe la norme établie par l'homme pour décréter à la fois ce qui est politiquement et théologiquement correct. Etc'est justement là que se manifeste la contradiction de l'Église contemporaine, élevée à la puissance "n" par l'actuel pontificat. Elle réside dans un enseignement mondanisé qui s'en prend férocement à ceux qui font valoir la loi de Dieu dans la doctrine, dans la morale et la liturgie, et ensuite, devant les caméras, brûle de l'encens devant la déesse de la Légalité inventée par les hommes. La véritable tragédie réside dans la contradiction d'une Église et d'un pontificat occupée à enseigner que la loi de Dieu tue l'esprit et que la loi des hommes le sauve.

Mon travail me force à subir les pages et les pages de vase malodorante écrites sur ce nouveau scandale, mais, si vous le pouvez, épargnez-vous ce pensum. Vous trouverez tout involontairement résumé dans la phrase du Pape François, publiée dans un livre sur les scandales en cours: "Si nous ne pouvons pas garder l'argent, que l'on voit, comment pouvons-nous garder les âmes des fidèles, que l'on ne voit pas?".
Peu de mots qui, sans le vouloir, photographient mieux que beaucoup d'analyses une Église à l'envers et dépourvue de foi, laquelle, il faut le rappeler, s'est choisi Bergoglio comme sommet.

Et pourtant, c'est l'Eglise. A nous, privés de moyens et de soutien humain, il revient de la réparer. Je ne me cache pas que la tâche est énorme, mais nous pouvons compter sur l'aide à laquelle les autres ne croient plus.
Pour résumer la question en une boutade, on peut mettre à jour en l'adaptant à l'époque tragicomique que nous vivons, un jugement d'Athanase sur la crise arienne: «Ils ont les églises, nous avons la foi", disait le saint évêque.
Eh bien aujourd'hui, nous pouvons dire "Ils ont les banques, nous avons la foi."