Le retour de Benoît XVI (3)

Merci à Andrea Gagliarducci qui était présent à la remise des deux dipômes honorifiques, et qui nous offre ce récit circonstancié

>>> Voir aussi:
¤ Le retour de Benoît XVI
¤ Le retour de Benoît XVI (2)
¤ Hommage à la musique européenne...

Benoît XVI, un doctorat en mémoire de saint Jean-Paul II



Andrea Gagliarducci

Castel Gandolfo
4 Juillet 2015
ACI Stampa
(ma traduction)

* * *

La règle était qu'une fois pape émérite, il n'accepterait aucun honneur. Mais pour Jean-Paul II, Benoît XVI a fait une exception, et il a accepté les doctorats honoris causa de l'Université Pontificale Jean-Paul II et de l'Académie de Musique de Cracovie. Une cérémonie brève mais intense, toute marquée par l'amour pour Jean-Paul II. Mais surtout caractérisée par l'énorme estime que les deux académies polonaises ont pour Benoît XVI.

Il y a un orchestre, bien sûr, et il interprète des œuvres de Mozart, pour lequel Benoît XVI a une prédilection, mais aussi du compositeur Henryk Gorecki, décédé en 2010, qui en 2008, avait reçu un doctorat honorifique de l'Académie de Musique et que certains critiques avaient appelé le nouveau Palestrina.

Tout commence avec le Gaudet Mater Pologna, qui - explique le présentateur - donne toujours le coup d'envoi des «cérémonies les plus solennelles dans notre pays, qu'elles soient ecclésiale ou d'Etat. A cette occasion aussi, il ne pouvait pas en être autrement».

La cérémonie, qui s'est déroulée presque entièrement en langue italienne (un seul discours en allemand) se poursuit sobrement, avec des pointes d'émotion. Comme celle du cardinal Stanislaw Dziwisz, chancelier de l'Université dédiée à Jean-Paul II.

«Bien-aimés Saint-Père - dit le cardinal Dziwisz - la première chose que je tiens à exprimer, c'est notre grande joie pour cette rencontre insolite d'aujourd'hui. Je vous transmets les salutations de l'Eglise de Cracovie, qui est reconnaissante à Votre Sainteté pour le service pontifical, pour le grand héritage de doctrine et pour la bienveillance qur vous nous avez toujours manifestée. Nous n'oublion pas les mots que vous, Saint-Père avez prononcés chez nous le 28 mai 2006: "Cracovie, la ville de Karol Wojtyla et de Jean-Paul II, est aussi ma Cracovie!" ».

Le Cardinal, qui fut le secrétaire fidèle de Jean-Paul II jusqu'à sa mort, ajoute: «N'oublions jamais cette expression». Puis il souligne qu'il considère l'acceptation des doctorats honoris causa comme un «signe de l'estime que Votre Sainteté a toujours eue pour Jean-Paul II. Lequel, de son côté «était toujours plein de gratitude envers son plus proche collaborateur, le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Nous sommes convaincus qu'aujourd'hui, il nous regarde de là-haur, et qu'il se réjouit de notre rencontre».

Et l'actuel archevêque de Cracovie conclut: «Le nom du Saint-Père Benoît XVI restera gravé à jamais dans l'histoire de l'[Université] pontificale Jean-Paul II de Cracovie et aussi de l'Academie de Musique. Saint-Père, nous vous aimons (nous vous voulons beaucoup de bien) et nous vous assurons de nos prières».

Une affection mutuelle, scellée par une étreinte entre le Pape émérite et le cardinal Dziwisz et rendue évidente par le choix de Benoît XVI d'accepter les doctorats.
Tout a commencé le 1er Janvier, 2015, quand le professeur Wojciech Zyzak, recteur del l'Univesité Jean-Paul II, et le professeur Zdzislaw Lapinski, recteur de l'Académie de Musique, ont envoyé une lettre à Benoît XVI pour lui demander l'honneur d'accepter un doctorat honorifique des deux universités. Le Cardinal Dziwisz a soutenu l'idée.

Benoît XVI a répondu au début de Février, soulignant qu'il avait pris comme règle de ne pas accepter les honneurs depuis qu'il était entré dans une atmosphère de silence après la renonciation, mais que «cependant, la proposition qui m'a été présentée par l'Académie de Musique de Cracovie et l'Université pontificale Jean-Paul II est une authentique exception. Je suis conscient que mes petits textes (!!!) sur la musique sacrée ne méritent pas une telle distinction. Cependant, la joie de pouvoir de cette façon, une fois encore, rester proche du vénérable et bien-aimé Pape Jean-Paul II est si grande que je ne peux pas dire NON à cette récompense. Par conséquent, j'accepte avec gratitude et joie le doctorat honorifique par cet institut estimé».

La raison invoquée pour conférer les doctorats est écrite sur les diplômes qui sont remis à Benoît XVI avant qu'il ne prononce sa 'lectio magistralis'.

L'Académie de Musique de Cracovie confère la discrinction honnorifique au Pape émérite pour «avoir montré par son exemple les modèles de comportement social et civique dans une dimension profondément religieuse et humaniste. Son enseignement, lequel fait réfèrence aux valeurs les plus nobles immuablement présentes dans la vie et l'action de l'homme; l'amour pour la musique et pour avoir souligné le rôle particulier qu'elle a en tant que partie intégrante de la liturgie solennelle de l'Église catholique qui accompagne l'homme dans l'acte de perfection de la foi».

Le doctorat de l'Université Jean-Paul II de Cracovie va en revanche à Benoît XVI pour «un grand respect pour la tradition musicale de l'Eglise ainsi qu'une sensibilité extraordinaire au dialogue de la musique avec la foi. Pour avoir représenté au fil de nombreuses années, quelle que soit la charge qu'il occupait, une sollicitude spéciale pour la noble beauté de la musique sacrée et pour la place adaptée qu'elle occupe dans les rites liturgiques sacrés de l'Église. Pour avoir souligné dans son enseignement le sens de la 'via pulchritudinis' (voie de la Beauté), qui, pour l'homme d'aujourd'hui peut devenir un chemin de connaissances et de louange à Dieu. Pour avoir témoigné la vérité de manière courageuse avec sa vie, avec son service, son enseignement et ses travaux scientifiques. Vérité qui renforce la vie chrétienne dans des temps de confusion spirituelle, causée par le libéralisme, par le postmodernisme et le relativisme. Ainsi que pour une aspiration infatigable à redonner à l'Europe sa propre dimension spirituelle. Pour un grand soutien des actions académiques visant à transformer l'Académie pontificale de théologie en l'Université Pontificale Jean-Paul II de Cracovie».

Benoît XVI reçoit les diplômes des mains des deux recteurs, puis commence sa lectio, d'une voix ferme (ndt: on peut l'entendre ici), peut-être un peu vieillie, mais toujours lucide. Dans le discours, il y a aussi l'allusion au fait qu'avec les deux diplômes honorifiques «mon lien avec la Pologne, avec Cracovie, la patrie de notre grand saint Jean-Paul II est devenu encore plus profond. Parce que sans lui mon chemi spirituel et théologique n'est même pas imaginable».

Un lien avec la Pologne rendu encore plus spécial par le jour choisi pour la célébration, le 4 Juillet, le jour du Sacrifice de la cathédrale de Wawel, le sanctuaire national de la Pologne, où les rois étaient couronnés. Dans la cathédrale, Jean-Paul II célébra sa première messe en tant qu'archevêque de Cracovie, choisissant les ornements les plus précieux et les plus anciens, pour témoigner, à l'époque du régime communiste, que l'Eglise était vivante et présente en Pologne, et que sa tradition ne pouvait pas être mise de côté.

Et à Jean-Paul II, professeurs et et étudiants ont rendu hommage le 3 Juillet, en se rendant en pèlerinage sur la tombe de saint Jean-Paul II dans la basilique Saint-Pierre.