Amoris laetitia: la guerre des interprétations


Beaucoup de bruit pour rien? Et la montagne a-t-elle, comme prévu, accouché d'une souris?... (9/4/2016)


>>> Dossier: Amoris Laetitia

w2.vatican.va

D'un côté (et je ne parle même pas de la grosse presse, égale à elle-même dans la superficialité crasse, l'incompétence, et/ou la mauvaise foi), il s'agit d'une révolution, du document le plus important - pas moins! - , en 2000 ans de l'histoire de l'Eglise: il paraît que c'est la ligne du jounal de la CEI, l'Avvenire lui-même (cf. www.avvenire.it) !!
De l'autre, il n'y a aucune révolution, François est dans la continuité parfaite de Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI, et l'exhortation ne fait que répèter, avec les nécessaires ajustements aux situations d'aujourd'hui (lire: l'air du temps) l'enseignement de toujours de l'Eglise.

En somme, vous pouvez croire QUI et CE QUE vous voulez. Si c'était l'effet recherché (ce qui est vraisemblable), eh bien c'est réussi. Une des premières réactions qui m'est venue à l'esprit, c'est "Mr Messy a encore frappé".
Et ce qu'écrivait il y a deux jours Denis Crouan sur son très bon site Pro Liturgia résume parfaitement la situation:

En clair, beaucoup de remue-ménage autour d’un synode dont le document final sera aussi peu suivi que le sont tous les textes magistériels publiés depuis Vatican II.

On ne comptera donc pas sur moi pour joindre ma voix à la cacophonie générale. D'autant plus (et je ne m'en excuse pas auprès de mes lecteurs!) que je n'ai nullement l'intention de m'imposer la lecture ennuyeuse de ces 200 pages qui m'intéressent médiocrement, laissant ce pensum à d'autres, plus concernés, et surtout plus compétents que moi.
Je publierai sans doute au fur et à mesure qu'elles se présenteront des réactions de gens que j'apprécie (pour les autres, se reporter à Google!) pour éclairer le débat.
La première qui m'est tombée sous les yeux hier soir est celle de Father Blake. C'est un prêtre, il est donc concerné au premier chef, par les implications pastorales du texte pontifical. Et il me semble que, tout en ayant l'air de digresser, il met le doigt sur l'essentiel, qui est la question - chère à Benoît XVI - de la Vérité.

Finalement, la question se pose: était-il nécessaire de mobiliser autant d'énergie, deux ans durant, pour arriver à ÇA?

PS: Pour ceux qui ont envie de se plonger malgré tout dans le texte, c'est ici: w2.vatican.va

 

Amoris Laetitia et la vérité


8 avril 2013
marymagdalen.blogspot.fr
Ma traduction

* * *

Je sais que je ne devrais pas lire de mails avant Matines mais je le fais. Ce matin, j'était un peu surpris de constater que j'avais reçu de trois sources, des gens que je ne connais pas vraiment, un PDF de l'Exhortation pontificale sous embargo, les trois étaient la traduction en anglais, ce qui indiquerait une source commune. Plus tard, après les Laudes, un ami, puis un journaliste, voulaient également discuter du document, ils l'avaient aussi reçu.

Ce document ne me semble pas terriblement intéressant; peut-être qu'avec cette exhortation, la différence [avec les précédentes] est la façon dont elle a été donnée à la presse, et surtout la façon dont la presse s'y est préparée à l'avance. La plupart des exhortations pontificales ont déjà été oubliées, je pense que je suis le seul prêtre dans mon diocèse qui ai pris au sérieux le pape Benoît nous exhortant à conserver l'usage du plateau de communion, par exemple.
La longueur même de ce document est une source de confusion, cherchez et vous trouverez ce que vous voulez, je regrette l'époque où les documents pontificaux étaient brefs et clairs, au lieu d'avoir la taille d'un manifeste. Alors que les discours des dictateurs s'étiraient sur des pages et des pages, les papes pouvaient dire quelque chose de révolutionnaire dans un bref discours.

D'autres en fourniront une analyse, mais je crains, comme le souligne "Father Z" (le père Zühlsdorf), que les gens n'aillent l'interpréter selon leurs préférences, positivement ou négativement; toutefois, pour beaucoup, il ne fera aucune différence, qui ira patauger dans ses deux cents pages? L'essentiel, c'est que ceux qui ne devraient pas recevoir la communion continueront à venir le faire, c'est la réalité pastorale de la vie catholique d'aujourd'hui. Et pourtant, le document lui-même nous dit que la doctrine et la pratique pastorale doivent être interprétés en fonction de la culture. C'est là que réside - si le cardinal Kasper avait raison - le caractère révolutionnaire de Amoris Laetitia; depuis Nicée, l'Église a cherché à à apporter l'unité, maintenant, que les choses soient inversées, le temps nous le dira.

Je pense que la crise de l'Eglise est une crise d'intégrité. Benoît l'a interprétée comme une crise de désintégration de la liturgie, suivant l'idée que nous croyons ce que nous disons et faisons dans la liturgie, lex credendi lex orandi. Cela découle bien sûr du deuxième Commandement, que si nous gardons Saint le nom de Dieu, rien de ce que nous faisons au nom de Dieu ne devrait être trivial ou faux, «que notre oui veuille dire oui et notre non veuille dire non». La fin de nos prières, «Par Notre Seigneur Jésus - Christ ...» les transforme en un serment sacré. Les mensonges et les faux-fuyants n'ont pas leur place dans la vie chrétienne. Il faut qu'il y ait quelque chose de très différent dans la manière dont les chrétiens parlent, surtout les évêques et les prêtres - le Christ, après tout, parlait avec autorité, contrairement aux chefs religieux et politiques de son époque. Ses paroles étaient témoignées par Dieu lui-même, le Père, et l'Esprit témoigne de Lui comme la Vérité. C'est en tant que la Vérité que Pilate est incapable de Le reconnaître, et donc en tant que la Vérité qu'il est condamné et crucifié. Ceux qui sont du côté de la Vérité écoutent Sa voix, parce qu'Il est la Parole de Dieu, le Fils du Père, plein de grâce et de Vérité.

La crise des abus sur des mineurs et les dissimulations épiscopales consécutives, ont révélé l'Eglise ou plutôt ses dirigeants comme étant dépourvus d'intégrité, comme étant loin de la vérité - en fait, beaucoup se sont avérés être purement et simplement des menteurs. Si nous voulons témoigner de la vérité du Christ, nous devons être des hommes et des femmes d'une totale intégrité, le bois noueux de la Croix est le grand signe de l'intégrité, c'est grâce à notre crédibilité en tant que témoins de la résurrection que d'autres sont appelés à croire, si l'Eglise n'inspire pas confiance, nous ne pouvons pas être des témoins fidèles.

Peut-être n'est-ce pas seulement dans l'Eglise mais dans la société en général qu'il y a un problème avec la vérité - manipulations par les politiciens, les journalistes, les spin doctors, politiquement correct, manipulation de la langue, tout cela d'une manière ou d'une autre crée un environnement de méfiance dans lequel la communion / communication entre les êtres humains se décompose.
Dans cette situation de tour de Babel il y a beaucoup de voix qui crient, mais personne ne peut entendre ce qu'elles disent. L'Eglise est censée être différente, faisant de beaucoup de nations un seul peuple, avec une certaine vérité; à travers les siècles l'Église a cherché la vérité, l'unique vérité, maintenant, il me semble que l'Église suit le monde, que les évêques imitent les politiciens, que nous ne sommes pas tant préoccupés par la vérité que par ses applications et la possibilité de la "tourner" (spin), que nous ne voyons plus la vérité comme une personne, mais comme une marchandise.