Avertissement aux dissidents potentiels


Dans l'Eglise de la miséricorde, il est interdit de parler de châtiment. L'exemple en Italie par un théologien, le P. Cavalcoli, s'exprimant sur le récent séisme (5/11/2016, mise à jour: qu'a dit le P. Cavalcoli?)

A gauche, le Père Cavalcoli


Mgr Becciu, le numéro deux de la Secrétairerie d'Etat, donne le signal d'un lynchage médiatique contre un religieux coupable d'avoir utilisé un langage non politiquement correct pour parler du récent séisme dans la région de Norcia.
Riccardo Cascioli rapporte les faits... avec une modération compréhensible mais (un peu trop) prudente.

A noter, Maurizio Blondet s'embarrasse moins de précaution...

Le verbatim complet de l'échange entre l'auditeur et le Père Cavalcoli se trouve pour le moment sur la page d'accueil de Radio Maria. Il mérite d'être lu, même si c'est du langage parlé et qu'il est par moments un peu confus. Le religieux prend bien garde de distinguer les domaines scientifiques et théologique, et il insiste qu'il s'exprime en théologien, qu'il a bien conscience que les mots qu'il prononce ne vont pas plaire à tout le monde et que le but est finalement d'en appeler aux consciences des gens. Personnellement, je trouve ses propos absolument fondés, et sans rien de blessant pour les victimes des récents sinistres (cf. Annexe)

Dieu pardonne, le Vatican non:
tremblement de terre et châtiment divin, foudres sur Radio Maria


Riccardo Cascioli
5 novembre 2016
www.lanuovabq.it

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Er finalement, c'est au tour de Radio Maria de se trouver dans le collimateur des nouveaux juges implacables qui punissent inexorablement ceux qui ne se soumettent pas à la dure loi de la Miséricorde. Fait sans précédent, c'est même le numéro 2 de la Secrétairerie d'Etat, Mgr Angelo Becciu, qui est intervenu lourdement pour avertir Radio Maria de «corriger le ton de son langage et se conformer davantage à l'Evangile et au message de miséricorde et de solidarité défendu avec passion par François, spécialement durant l'année jubilaire». Des mots qui sont des pierres pour une radio qui, afin de démontrer sa fidélité aux directives pastorales du pape François, a éliminé plusieurs collaborateurs de poids (ndt: en particulier Gnocchi et Palmaro).
Mais qu'aura manigancé le bon père Livio Fanzaga (directeur de la station) pour mériter cette réprimande?

En réalité, le Père Livio n'a rien à voir là-dedans, le «crime» a été commis par le père Giovanni Cavalcoli, théologien dominicain, lors de son émission du 30 Octobre. Selon l'Espresso, qui a été le premier à donner la nouvelle, le Père Cavalcoli aurait dit que le récent tremblement de terre est la conséquence de l'approbation de la loi sur les unions civiles. De là le déclenchement de la bagarre, l'intervention de Mgr Becciu et dans la foulée, d'autres évêques, et la contre-réplique de Cavalcoli qui invite tout le monde réviser le catéchisme.
Mais reconstruisons toute l'affaire.

LE PÈRE CAVALCOLI
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S'il avait vraiment dit les choses telles qu'elles ont été rapportées dans la presse, le père Cavalcoli aurait sans aucun doute dit quelque chose d'indéfendable, comme du reste Jésus l'avait déjà expliqué: «Ces dix-huit sur qui la tour de Siloé tomba, et les tua, croyez-vous qu'ils étaient plus coupables que tous les habitants de Jérusalem? Non, je vous le dis, mais à moins que vous ne vous repentiez, vous périrez tous de la même manière» (Lc 13: 4-5.). La catastrophe naturelle n'est pas la punition directe pour le péché, elle constitue plutôt une invitation à la conversion.

Mais pour revenir au Père Cavalcoli, en réalité, son discours était beaucoup plus articulé, dans la tentative de répondre à un auditeur sur le thème des conséquences du péché mortel et de l'éventuelle relation entre péchés mortels et tremblements de terre. Le Père Cavalcoli a expliqué le sens du péché mortel; il a affirmé que les catastrophes naturelles sont une conséquence du péché originel; il a été très prudent en liant le tremblement de terre à la conséquence de péchés graves telles que l'approbation des unions civiles «afin de ne pas tirer des conclusions qui frôleraient presque la superstition»; mais en même temps il a dit que oui, il peut également être considéré comme une «punition divine» , mais pas dans le «sens afflictif» plutôt «dans le sens d'appel à la conscience».

LA PRESSE
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Les journalistes s'y sont un peu mis, mais finalement, c'est l'Espresso qui a dénoncé la "phrase-choc" de Radio Maria: «LE TREMBLEMENT DE TERRE EST LA PUNITION POUR LA LOI SUR LES UNIONS CIVILES". Une simplification incorrecte, une instrumentalisation évidente. Au début, la phrase est attribuée au Père Livio, puis corrigée: le responsable du crime est le père Cavalcoli, qui se retrouve immédiatement dans le hachoir à viande de l'information. Dans la foulée arrivent tous les journaux, bien sûr personne ne se soucie de vérifier ce qu'il a réellement dit. Et alors, cette phrase, si injuste pour toutes les personnes déplacées du centre de l'Italie, arrive jusqu'aux étages les plus élevés du Vatican (ndt: allusion à l'emplacement de la Secrétairerie d'Etat dans le Palais Apostolique)

MGR BECCIU
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... Et le numéro 2 du Secrétariat d'Etat, Mgr Becciu, interrogé par l'agence ANSA, ne se fait pas prier et tire à bout portant: «Ce sont des affirmations offensantes pour les croyants et scandaleuses pour ceux qui ne croient pas» , dit Mgr Becciu qui, après avoir donné d'autres leçons de miséricorde, élargit le discours de l'incident isolé à l'activité de la radio: «Radio Maria doit corriger le ton de son langage et se conformer davantage à l'Evangile et au message de miséricorde et de solidarité défendu avec passion par François, spécialement durant l'année jubilaire». Suivent les excuses aux victimes du tremblement de terre.

L'intervention du substitut de la Secrétairerie d'Etat du Vatican, comme prévu, fait le tour du monde. Et dans la foulée, d'autres évêques suivent: Mgr Domenico Pompili, évêque de Rieti, parle de «sornettes blasphématoire»; et Mgr Antonio Napolioni, évêque de Crémone, ne peut pas «rester silencieux devant les blasphèmes prononcés depuis des chaires numériques, imprimées ou paroissiales quand on attribue au tremblement de terre la valeur d'une "punition de Dieu pour les unions civiles"». Il est clair qu'aucun d'entre eux n'a lu ou entendu en entier l'intervention du Père Cavalcoli, il a suffi de quelques lignes dans la presse aux ordres pour décider de la sentence. Et du reste, le père Cavalcoli immédiatement interpelé par les présentateurs de l'émission de radio La Zanzara, ne fait rien pour calmer la tempête, expliquant tout au plus la différence entre ce qui a été dit et ce qui a été rapporté, il en rajoute même en citant Sodome et Gomorrhe.

RADIO MARIA
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Avant même que Mgr Becciu ne déclenche ses foudres, dans une tentative pour prévenir la tempête, Radio Maria s'était hâtée de démentir l'implication du Père Livio et de se distancier du père Cavalcoli, dont pourtant - sur le site de la radio - ils vaient correctement rapporté l'audio et la transcription complète de l'intervention: «Les expressions rapportées - lit-on dans la déclaration - sont d'un intervenant externe, faites à titre personnel, et ne reflètent en rien la pensée de Radio Maria à ce sujet». L'embarras est évident pour un «incident» qui menace de faire sauter de délicats équilibres ecclésiaux, et fait du tort à la station. Un embarras au point de ne même pas tenter de clarifier ce qu'a effectivement dit le père Cavalcoli, abandonné à son sort. Mais l'intervention de Mgr Becciu montre que, malgré l'abnégation extrême (humour?) avec laquelle le Père Livio soutient la ligne pastorale de son pontificat - fidèle aux statuts de l'émetteur -, à Rome il y en a beaucoup qui n'aiment pas Radio Maria et la récupération des messages de Medjugorje.

Quoi qu'il en soit, la lourdeur de l'intervention de Mgr Becciu, absolument sans précédent, fait réfléchir. Si l'on considère les authentiques hérésies qui sont souvent propagées par les journaux et les stations catholiques, y compris institutionnels sans que les sommets de la CEI ou du Vatican n'articulent un seul son, la torpille lancée pour une interprétation tendancieuse d'un discours étonne. On ne peut cerainement pas ignorer le fait que Mgr Becciu ne se limitait pas à stigmatiser la sortie malheureuse du père Cavalcoli, mais voulait régler des comptes pour la conduite de Radio Maria en général. Changez de langage convertissez-vous au message de la Miséricorde, a-t-il dit clairement; et on ne sait pas par quelle autorité, étant donné que Radio Maria ne dépend pas du Saint-Siège.

Mais on comprend que dans ce climat de pacification avec le monde, la nomenclature ne tolère même pas qu'on utilise un concept comme «punition», qui a pourtant un fondement biblique et qui se trouve également dans une prière populaire comme l'Acte de contrition («... en péchant, j'ai mérité tes punitions »). Je pense que personne n'a en tête de proposer l'idée d'un Dieu vengeur, mais faire croire aux gens que le péché n'a pas de conséquences temporelles, en plus de conséquences éternelles, est une pure et simple tromperie.

Et cela, tout en laissant en paix les populations victimes du tremblement de terre, qui ont besoin d'une aide matérielle , mais aussi de prières, certainement pas de batailles idéologico-religieuses et de réglements de compte sur leur dos.

ANNEXE


Transcription (et ma traduction) des propos du père Giovanni Cavalcoli en réponse à la question d'un auditeur de Radio Maria sur le tremblement de terre.
On est évidemment très loin des titres qu'a cru devoir en tirer la presse.

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Auditeur: La question que je veux vous poser est une seule, mais elle est double en ce sens: avec le Baptême l'homme entre dans la grâce de Dieu, commence à circuler dans cette dynamique vertueuse; quand l'homme avec le péché mortel sort au contraire de cette vie (voie?), les conséquences sont-elles simplement spirituelles ou peuvent être aussi matérielles? Et j'élargis le discours, c'est pourquoi je dis que la question est double, mais c'est grosso modo la même racine: quand un peuple ou les législateurs de ce peuple font les lois contraires à Dieu, comme malheureusement c'est arrivé en Italie il y a quelques mois - je me réfère aux lois sur les unions civiles et à tout ce qui pourrait en résulter, quelles sont les conséquences? Et j'arriver au coeur de ma question: les catastrophes naturelles comme le tremblement de terre, peuvent-elles être une conséquence d'un peuple, d'un législateur qui fait des lois contraires? Le tremblement de terre de ces jours-ci peut-il avoir une racine ....?

P. Cavalcoli: Alors, reprenons tout votre discours. Les conséquences du péché mortel: le péché mortel est la perte de la grâce, cependant, Dieu est proche de tous, donc il y a la possibilité que le pécheur se repente et s'il se repent il réacquiert la grâce, grâce qui, comme je le disais, dérive du baptême. Quand quelqu'un tombe dans le péché mortel, on pourrait dire que la grâce du baptême s'endort presque, de fait, il la perd. Donc, si par malheur il vient à mourir, il va en enfer, c'est quelque chose d'assez sérieux. Par conséquent, en cas de péché mortel, il faut remédier dès que possible. Autres choses que vous avez dites, la législation qui est contraire à notre religion. Oui, ces lois sur les unions civiles nous causent certainement beaucoup de mal à nous, croyants, sans aucun doute. Quel rapport peut-il y avoir avec le péché? Il faut faire attention, les lois de l'Etat, malheureusement, peuvent parfois se révéler injustes, alors nous, chrétiens ne devons pas en profiter, parce que si nous en profitons, nous péchons, nous pouvons même pécher mortellement. Quant à la question des tremblements de terre, que pouvons-nous dire? Même ici, je peux répondre avec certitude: une chose est sûre, que les cataclysmes, la nature, les désordres de la nature, toutes les actions de la nature qui mettent en danger la vie humaine, qui sont de types variés, les inondations, etc., ont un explication de nature théologique. Je ne suis pas géologue, distinguons bien les domaines - une chose est la cause physique d'un tremblement de terre, ce n'est pas mon domaine, je laisse tout ce domaine aux experts et je souhaite de tout mon cœur que la science, en progressant puisse - et nous y arriverons un jour...comme nous avons fait tellement de conquêtes, nous arriverons d'une façon ou d'une autre à comprendre quelles sont les causes, et donc à nous défendre de ces tremblements de terre, à les prévoir, ou (maintenant je ne voudrais trop m'aventurer) qui sait si un jour nous n'arriverons pas à les prévenir , pourquoi pas? Mais ceci dit je suis un théologien, allons-y avec le discours théologique.

Du point de vue théologique ces catastrophes sont une conséquence du péché originel, donc on peut vraiment les considérer comme une punition pour le péché originel - même si le mot ne plaît pas, mais je le dis quand même, c'est une parole biblique, il n'y a aucun problème. Naturellement, il faut bien comprendre ce qu'on entend par punition.

Puis une dernière question que vous posez: mais ne serait-ce pas une punition divine pour les actes commis dans notre société aujourd'hui? Ceci est un discours beaucoup plus délicat, on peut éventuellement avoir une certaine opinion, ici on ne peut pas arriver à une certitude, à moins d'avoir l'illumination divine. Je vous dis cela, c'est mon opinion très personnelle.
J'ai été profondément impressionné par cette énorme calamité de la destruction de l'église qui lie Norcia à saint Benoît
. J'ai été très impressionné, je le répète, je ne veux pas tirer des conclusions qui frôleraient presque la superstition, mais je vous avoue que je suis très impressionné en ce sens: qui était Benoît? Benoît est le saint patron de l'Europe, c'est le père de la civilisation chrétienne européenne. Aujourd'hui, désormais, les meilleurs spécialistes non seulement catholiques, mais aussi laïcs, constatent une crise très grave en Europe, et encore l'autre jour, j'ai écouté une conférence par le professeur Gotti Tedeschi, qui est un grand économiste, mais en même temps, est aussi philosophe, est aussi théologien, et il s'est arrêté sur cette situation et il a montré le lien qui existe entre la crise économique européenne et la crise spirituelle de l'Europe. Maintenant, je ne m'étends pas, mais c'était très intéressant... il est aussi un économiste de renommée internationale et il a déclaré que la crise de la famille, le taux de natalité en baisse, sont également liées au processus d'appauvrissemnt ("miserimento"?) vers lequel nous allons; avec la dissolution, avec le fait que les industries vont à l'étranger, il se passe que les grands rêves de puissance européens tombent et dans d'autres immenses zones du monde, comme la Chine, l'Amérique latine, l'Afrique, il n'y a pas cette baisse des naissances, il y a beaucoup de familles nombreuses, dans les pays islamiques aussi, et là, il y a un développement économique plus que chez nous, Européens - nous vantons cette belle idée, cette idée malthusienne que la réduction des naissances augmenterait la richesse, l'inverse se produit. Alors, j'en viens au 'donc' : la punition divine. Bref, on a l'impression que ces infractions qui vont contre la loi divine, pensez à la dignité de la famille, à la dignité du mariage, à la dignité de l'union sexuelle elle-même, [sont] à la limite, non? On a tendance à penser vraiment que nous sommes ici en face - appelons-la ainsi - d'une punition divine, c'est certainement une très fort rappel de la providence, mais pas tant dans le sens - ne disons pas dans le sens punitif, mais dans le sens de l'appel aux consciences, pour retrouver quels sont les principes de la loi naturelle.