François et ses évêques: des relations difficiles
Le vaticaniste "progressiste" Luigi Accatoli a recueilli les propos d'évêques italiens, parmi les plus favorables à l'election de Jorge Mario Bergoglio. Le moins qu'on puisse dire, c'est que trois ans plus tard, ils ne sont pas enthousiastes (28/7/2016)
Le Pape est aussi l'évêque de Rome, et CE Pape a suffisamment insisté sur ce point pour qu'il n'échappe à personne. A ce titre, il est le primat de l'Eglise d' Italie, et de tous les épiscopats, c'est évidemment celui italien qui a le plus de rapports... disons, professionnels, avec lui, et qui le connaît donc le mieux.
Le vaticaniste Luigi Accattoli, catholique "progressiste" notoire (même s'il a "couvert" correctement et honnêtement le Pontificat de Benoît XVI) est certainement un bergoglien de la première heure.
Mais après Aldo Maria Valli, il se rend lui aussi à l'évidence, tout en restant très modéré, au moins pour la forme: François n'est pas une personnalité consensuelle, il divise, et par son imprécision, il sème la confusion.
Le vaticaniste a recueilli les témoignages d'évêques italiens (anonymes... dira-t-on, mais le prestige d'Accattoli exclut toute manipulation; à lire en entier ici) et Sandro Magister se fait un plaisir de donner à son article iconoclaste une audience plus large.
CE QUE DISENT LES ÉVÊQUES DU PAPE.
Même les mieux disposés le rejettent
Settimo Cielo
28 juillet 2016
Ma traduction
* * *
Mercredi 27 juillet, son premier jour en Pologne, François a rencontré à huis clos, dans la cathédrale de Cracovie, les 130 évêques de ce pays, échangeant avec aux questions et réponses.
Les évêques polonais, on le sait, ne sont pas en bonne syntonie avec le pape actuel. On l'a vu au synode sur la famille, où ils s'étaient rangés en ordre compact contre les innovations mises ensuite en circulation avec "Amoris laetitia".
Et en cela, ils ressemblent un peu aux Italiens. Ces derniers eux aussi la plupart du temps mal à l'aise avec le pape, qui n'a pas hésité à mettre sous tutelle (commissariare) la conférence épiscopale imposant comme secrétaire un évêque qui a encore aggravé le malaise, Nunzio Galantino.
Le malaise de nombreux évêques italiens à l'encontre de François, couve sous le cendre, rarement exprimé "apertis verbis".
Mais voilà que ces jours-ci, un observateur au-dessus de tout soupçon a levé le voile. Il s'agit de Luigi Accattoli, vaticaniste "senior" du "Corriere della Sera", qui a publié sur <Il Regno> une anthologie de jugements sur le Pape, personnellement recueillies de vive voix, de bon nombre d'évêques qu'il a rencontrés au cours de ses voyages à travers l'Italie, de conférence en conférence.
Accattoli ne donne pas les noms des évêques. Mais il assure que les citations sont textuelles.
Elle sont reproduites ci-dessous. Avec la mise en garde - fournie par le même Accattoli - que ce sont les évêques «parmi les plus disponibles à admirer l'audace apostolique bergoglienne» et «à avoir de la sympathie pour le pape argentin».
Si ce sont les opinions et les préoccupations des favorables, imaginons ceux des opposés!
- «J'admire sa générosité. Il y avait une telle démotivation dans l'air, son arrivée était une délivrance psychologique. Mais pourquoi tant d'inquiètudes, quel est son dessein? ».
- «Il fait des reproches, il pousse à se bouger, mais où veut-il nous amener?».
- «J'ai l'impression qu'il a une opinion négative sur nous évêques, et je ne comprends pas d'où elle lui vient. L'Italie est toujours le noyau dur de l'Eglise catholique. Pourquoi tape-t-il sur nous?».
- «J'admire la capacité du pape à faire des gestes de miséricorde "en sortie", disons envers les démunis, les non-croyants; mais je me demande ce qu'est devenu le reste: le catéchisme, le Code, les séminaires, les paroisses, les lois de plus en plus éloignées du sentiment chrétien. Que dire, que faire?».
- «Mais que veut dire "sortie"? C'est facile à dire, mais à faire? Dans une situation donnée, dans mon diocèse, qu'est-ce que cela comporte?».
- «Il a bloqué le marronnier des valeurs non négociables, mais par quoi l'a-t-il remplacé? Par un demi-mot. Parce que c'est un demi-mot, oui ou non?».
- «Il fait allusion aux parrains de baptême et de confirmation, dit qu'il est injuste d'exclure ceux qui sont en situation matrimoniale irrégulière, mais ne modifie pas les règles existantes, et ainsi nous met en difficulté face au peuple»
- «Les fidèles, continuellement, nous objectent que "le pape a dit". La plupart ont mal compris, mais allez les convaincre. Il est prompt à parler et, malheureusement, il ne tient pas compte de nous qui sommes sur le terrain. On dirait qu'il n'a pas été évêque».
- «Dans "Amoris laetitia", au paragraphe 300, il a écrit que le discernement des situations personnelles doit être mené dans le dialogue avec le confesseur, "selon les enseignements de l'Église et les lignes directrices d'évêque": c'est à moi, comme évêque, de donner ces lignes directrices? Le pape ne les a pas données, je suppose parce qu'il ne les avait pas; alors comment puis-je les donner, moi?».
- «Le dernier synode lui avait demandé quels services ecclésiaux pourraient être confiées à ceux qui sont en situation matrimoniale irrégulière et lui au paragraphe 299, au lieu d'honorer cette demande, nous renvoie la question à nous, qui nous sommes pressés par l'attente du peuple».
- «Au paragraphe 122 d'"Amoris laetitia", il affirme qu'"on ne doit pas jeter sur deux personnes limitées l'énorme fardeau d'avoir à reproduire parfaitement l'union qui existe entre le Christ et son Eglise": je considère que c'est une affirmation imprudente. Faisons un parallèle avec le clergé: dirions-nous qu'on ne doit pas jeter sur le prêtre le fardeau de devoir se poser comme la figure du Bon Pasteur »?.
- «Dans la réforme du processus de nullité, il a placé l'évêque comme juge unique, et maintenant ils viennent à moi - pauvre de moi- comme si je pouvais faire face à chaque cas: c'est vous le juge, le pape l'a dit. Et tous veulent le "procès court"».
- «Ce qui intéresse les fidèles, c'est la communion. Si le discernement autorise l'accès aux sacrements, la reconnaissance de la nullité n'a plus d'importance».
- «Sur les nominations, il ne suit pas la pratique, il en fait à sa tête. On comprend qu'il veut contrecarrer le carriérisme et les filière, mais la pratique a été une bouée de sauvetage pour éviter des erreurs. Procédant sans filet, quelle garantie a-t-il de ne pas se tromper?».
- «Il prend une liberté qui met dans l'embarras ses collaborateurs de la Curie et les responsables de la CEI. Pour beaucoup, c'est comme si le rapport de confiance avait disparu».
- «Non seulement il tape sur les prêtres et les évêques, mais maintenant il menace de démettre les évêques qui ne s'emploient pas à lutter contre la pédophilie dans le clergé. Cette sortie, je ne l'ai vraiment pas comprise: c'est un terrain sensible, l'évêque est un père et doit aussi trouver la manière d'être un père miséricordieux, non?».
- «Je comprends qu'il veuille apparaître pauvre, mais porter une soutane transparente qui montre un pantalon noir, ce n'est pas négligé? Lorsque nous sommes nommés évêques, on nous donne des instructions strictes sur les vêtements, de nous présenter toujours en ordre, ou gare à nous! Pour le pape, ce n'est pas valable?».
- «Il parle beaucoup de synodalité mais il décide seul. Il dit qu'il faut décentraliser, mais une centralisation personnelle du gouvernement aussi forte, on n'avait jamais vu ça!».