Le Pape qui n'a pas lu la note de la CDF...


traitant du vote des parlementaires sur les unions civiles et le "mariage gay". Encore sur la conférence de presse au retour du Mexique (28/2/2016)

>>> La conférence de presse en vol du 17 février, enfin traduite en français: w2.vatican.va
>>> La note de 2003 de la CDF: www.vatican.va

Le Sénat italien a adopté jeudi 25 février le projet de loi Cirinnà sur les unions civiles pour les couples gays, que la Chambre des députés doit encore valider. Le débat en cours divise l'opinion italienne depuis des semaines.
Dans l'avion de retour du Mexique, le Pape s'est une fois de plus esquivé face à une question très directe de la journaliste Franca Giansoldati (à laquelle il avait déjà accordé le privilège d'une interview).
C'est à cette dérobade que Lawrence England, le rédacteur du blog <That the bones you have crushed...> consacre sa dernière réflexion - avec la lucidité sans indulgence qu'on lui connaît.

A la recherche de l'authentique


27 février 2016
thatthebonesyouhavecrushedmaythrill.blogspot.fr/
Ma traduction

* * *

« C'est dans le catéchisme de l'Eglise catholique ».

Avec ces mots, François a offert à une journaliste italienne (ndt: Franca Giansoldati, du «Messaggero») sur le chemin du retour du Mexique une réponse à cette "patate chaude" politique, à savoir comment les parlementaires catholiques devraient voter sur le projet de loi «d'union civile».
Les questions posées par la journaliste étaient les suivantes:

Ce document de 2003 est-il toujours en vigueur? Quelle position un parlementaire catholique doit-il suivre?


Dans ce qui devait être l'une des déclarations les plus terriblement neutres dans la bouche d'un évêque sur ce sujet - et avouons-le, il y en a eu peu - l'évêque de Rome a déclaré ce qui suit:

« Je ne me souviens pas bien de ce document de 2003 de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Mais un parlementaire catholique doit voter selon sa propre conscience bien formée : voilà, je ne dirais que cela. Je crois que c’est suffisant (...) Et sur les personnes du même sexe, je répète ce que j’ai dit pendant le voyage de retour de Rio de Janeiro et qui se trouve dans le Catéchisme de l’Église catholique»


De ce seul paragraphe, on peut saisir l'essence de ce très frustrant - c'est le moins que l'on puisse dire - pontificat.

D'abord, je détecte ici un minimum de «réserve mentale». Sa Sainteté «ne se souvient pas» du document de 2003 de la CDF sur les unions civiles homosexuelles? Soyons clairs à ce sujet: à moins qu'ils ne sachent pas lire, ou ne l'aient pas lu, tous les évêques «se souviennent» du document de 2003 de la CDF sur les unions civiles homosexuelles parce que, malgré sa défense claire et sans ambiguïté de la vérité catholique, il avait été très, très, très controversé. Les évêques s'en souviennent, soit parce qu'ils étaient d'accord avec lui, soit parce qu'ils l'avaient en horreur - parce que la vérité n'est pas en eux. C'est ainsi que sont les choses dans l'Eglise de nos jours.

Il est vraiment dommage, en fait, que Sa Sainteté ne se «souvienne» pas du document d'il y a 13 ans sur les unions homosexuelles, car il aurait tiré bénéfice de sa lecture dans sa défense du mariage naturel à Buenos Aires quand une loi similaire a été proposée - et est même passée - dans son pays natal (ndt: en 2010; voir les explications de Sandro Magister, François et le "mariage" gay). Une lecture de rappel aurait pu être une bonne idée pour tous les évêques catholiques - y compris lui-même - que le Christ a chargés de défendre et de proclamer la Vérité pour le Salut des âmes, même en Italie, oui, même à propos des débats au sein du parlement italien, qui blesseront gravement le mariage, ou le renforceront sérieusement, une question pour laquelle saint Jean-Baptiste et notre Saint Thomas More lui-même, étaient tous deux prêts à mourir.

En second lieu, dans la réponse à la question de savoir comment un parlementaire catholique «doit voter», vient la déclaration suivante - avec laquelle personne ne peut être en désaccord, mais qui laisse un goût très désagréable -, que les parlementaires catholiques «doivent voter» en fonction de leur «conscience bien formée». En réalité, la réponse plus correcte serait qu'un parlementaire catholique DOIT VOTER CONTRE cette proposition car elle affaiblit le mariage, met les âmes en péril et ne peut en aucune façon être interprétée comme étant le bien commun. Pourquoi cette vérité a-t-elle été muselés?
Malheureusement, comme en témoignent ses interventions publiques sur cette question dans son pays natal, le cardinal Bergoglio et maintenant le Pape François, n'apprécie pas que de nombreux parlementaires catholiques n'aient apparemment pas «une conscience bien formés» - autrement dit qu'il existe une telle lâcheté morale et une telle confusion dans le domaine de la sexualité humaine que les politiciens catholiques vendraient volontiers leur âme pour apaiser des forces puissantes au sein de la société, au sein du gouvernement et en eux-mêmes.
En fait, en termes de formation des consciences - ou plutôt d'information des consciences - on pouvait penser que le Souverain Pontife de l'Église catholique serait plutôt bien placé pour apporter son assistance sur cette question délicate, publiquement, en proclamant la vérité à ce sujet à tout son auditoire. «C'est dans le Catéchisme» peut difficilement passer pour une exhortation à lire le Catéchisme, ou à éduquer son auditoire par lui.

En troisième lieu, Sa Sainteté dit que sur cette question , il répète ce qu'il a dit à Rio di Janeiro. Savez-vous ce que dit Sa Sainteté à Rio di Janeiro?


*** Si une personne est gay et cherche le Seigneur, fait preuve de bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? ***
(w2.vatican.va)


Oui. Nous y revoilà. Comment? Nous y revoilà une fois de plus, bien que Sa Sainteté ait de façon inappropriée laissé entendre que savoir comment un parlementaire catholique doit voter sur la question des unions de même sexe peut être confondu avec le fait que l'orientation sexuelle n'est pas un obstacle pour un être humain dans sa recherche du Seigneur. Et ce que Sa Sainteté a dit [au retour de] Rio de Janeiro était en réponse directe à une question sur Mgr Ricca (ndt: cf. Le Pape: je m'en mêle, je ne m'en mêle pas…).
Pourquoi fait-il cela? Est-ce parce que Sa Sainteté veut juste "tuer" la question, ou parce que Sa Sainteté est lui-même confus sur ce sujet? Ou ne peut-il pas répondre à des questions simples avec des réponses simples? Le mystère s'approfondit.

Et pourtant, les questions. Il y a eu de bonnes questions et la question de la journaliste italienne était bonne. Elle donnait à Sa Sainteté une occasion exemplaire de rendre compte de la position catholique sur les unions de même sexe avec une audience planétaire.
Ces paroles d'un Pape tellement populaire auraient peut-être pu contribuer à tuer le projet de loi qui a été voté hier, mais la popularité est un peu comme la richesse. Vous ne devenez pas matériellement riche en donnant votre richesse aux pauvres et vous ne devenez pas populaire ou vous ne restez pas populaire en disant aux gens la vérité désagréable. Les journalistes posent des questions et ils veulent des réponses, mais en dépit de leur réputation d'enragés ils ont un droit à une réponse - une réponse catholique - en particulier du pape , et ils ont droit à la réponse catholique - pas à un obscurcissement, ou à une réponse qui ne réponde pas, ou à une réponse qui dit très explicitement, «très honnêtement, je suis gêné par les enseignements du Christ et de Son Église catholique, mais si vous voulez savoir ce qu'il en est, c'est dans le Catéchisme».

Enfin, dans une confusion mentale évifente, sa Sainteté s'est vraiment trompée dans son affirmation finale que la réponse à la première ou à la deuxième question du journaliste est «dans le Catéchisme de l'Eglise catholique».
Non.
Les questions étaient sur la façon dont les parlementaires catholiques devraient voter. La réponse à cela n'est pas dans le Catéchisme. On la trouve en fait dans le document de 2003 de la CDF dont Sa Sainteté «ne se souvient pas» et qu'il rejette sans autre forme de procès. Comment un parlementaire catholique doit voter sur cette question, Sainteté, était l'une des très bonnes raisons pour lesquelles le document de la CDF de 2003 a été publié. C'était comme une sorte de «mise à jour» du catéchisme, parce que le catéchisme n'avait pas abordé cette question critique.
En tant que catholique, je suis désolé pour l'Italie et pour vous - et même pour le monde entier - que vous n'ayez pas prêté attention à ce document. En tant qu'évêque, en tant que cardinal, en tant que pape, c'est en fait votre devoir d'être informé à fond sur les verdicts que la CDF a énoncés et donnés sur les questions actuelles. Si des laïcs savent ce que dit ce document - et que vous, vous ne vous en «souvenez» pas - alors cela devrait être une source de préoccupation pour vous - et pour tous ceux dont le soin vous incombe.

Que Dieu aide l'Eglise. Que Dieu aide l'Italie. Que Dieu nous aide tous.