L'effet d'altitude a encore frappé! (I)



Dans l'habituelle conférence de presse de retour d'Arménie, le Pape a abondamment battu sa coulpe sur la poitrine des chrétiens: pardon aux gays, aux pauvres, aux jeunes chômeurs, aux femmes... (27/6/2016)


Photo sur Le Figaro

Je reprends le verbatim de Jean-Marie Guénois sur le Figaro.

Après avoir répété, à propos du Brexit, l'un de ses slogans favoris, ce que le P. Scalese avait appelé les 4 postulats de François ("Pour moi, l'unité est toujours supérieure au conflit. La fraternité est meilleure que l'inimitié ou les distances. Les ponts sont meilleurs que les murs"), et avant de confirmer, en réponse aux rumeurs, qu'IL N'Y A QU'UN SEUL PAPE, Benoît XVI étant seulement "le grand-père sage" (qui devient manifestement un autre slogan!!), François martèle:


«Je redis ce que j'ai déjà dit et ce que le catéchisme de l'Eglise catholique enseigne: Les homosexuels ne sont pas discriminés. Ils doivent être respectés, accompagnés pastoralement. On peut condamner mais pas pour des motifs idéologiques certaines manifestations trop offensives pour les autres mais là n'est pas le problème. Le problème c'est une personne qui a cette condition, qui a une bonne volonté et qui cherche Dieu. Qui sommes-nous pour la juger? Nous devons les accompagner comme le dit le catéchisme. Certaines cultures ou certains pays ont une mentalité différente sur cette question. Je pense que l'Eglise doit présenter ses excuses aux personnes gays qu'elle a offensées COMME L'A DIT RÉCEMMENT LE CARDINAL MARX, mais elle doit aussi présenter ses excuses aux pauvres, aux femmes délaissées, aux jeunes sans travail, et pour avoir béni tant d'armes. L'Eglise doit présenter ses excuses, disons les chrétiens, car l'Eglise est sainte et les pécheurs, c'est nous! Nous les chrétiens devons présenter nos excuses de ne pas avoir accompagnés tant de déchirures, tant de familles... Je me souviens de la culture de Buenos Aires quand j'étais enfant, la culture catholique fermée, j'en viens.
Une famille divorcée ne pouvait pas entrer à la maison! La culture catholique a changé grâce à Dieu et les chrétiens doivent présenter leurs excuses mais aussi demander pardon. C'est un mot que nous oublions trop. Le prêtre patron, non, le prêtre père, oui. Le prêtre qui bastonne, non....


Rien de formellement hérétique dans de tels propos, évidemment. On pourrait dire qu'il se contente de rappeler le CEC (et au passage, il confirme on ne peut plus clairement que le "qui suis-je pour juger?" était bien ce que 99,9% des gens avaient compris, contrairement aux escaladeurs de miroir de la cour bergoglienne, sauf qu'il a opportunément remplacé le "je" papal par un "nous" générique - et non de majesté - plus confortable).
Mais le Pape n'a-t-il pas de causes plus urgentes à défendre?
Il cite flatteusement le cardinal Marx, dont le moins que l'on puisse dire est que ses récentes prises de position n'ont pas fait l'unanimité chez les catholiques pélagiens ... Et à un moment où l'Eglise est attaquée comme elle ne l'a peut-être jamais été par les pouvoirs obscurs qui dominent le monde, est-il vraiment opportun, de la part de son pasteur suprême, de la désigner ainsi à leur vindicte ? Gageons que ses ennemis (qui EUX ne demandent jamais pardon), ne vont pas laisser passer l'occasion.

A propos, le Pape qui se dit être un lecteur assidu de l'oeuvre de son prédécesseur, devrait relire le document intitulé "Mémoire et réconciliation: l'Eglise et les fautes du passé" publiée par un commission théologique internationale réunie par le Pape Jean-Paul II et présidée par Joseph Ratzinger, à l'occasion de la grande repentance du jubilé de l'an 2000
Dans la préface (que j'ai scannée dans le livre "Faire route avec Dieu": benoit-et-moi.fr/2015-I/benoit-xvi/les-fautes-de-leglise), le préfet de la CFF expliquait l'esprit qui avait présidé à la formulation de ce document.

Il soulignait en particulier le caractère individuel du pardon: « "moi", j'ai péché; je ne confesse pas le péché des autres, je ne confesse pas des péchés anonymes d'un collectif, je confesse avec mon "moi" ».
Rien de tel, ici, où la demande de pardon est générique. C'est peut-être de l'orgueil de ma part, mais ne voyant pas en quoi j'ai offensé les gays, les femmes et les jeunes qui ne trouvent pas de travail, je ne vois pas non plus pourquoi je devrais leur demander pardon.

Bref, la question du "pardon" est complexe (au point d'avoir nécessité un texte de 72 pages pour l'expliquer!) et c'est, au minimum, manquer de prudence que de la liquider avec désinvolture en quelques phrases lapidaires lâchées devant un parterre largement ecclésio-sceptique et avide de "petites phrases".