65 ans de sacerdoce pour Benoît XVI


Un anniversaire d'exception qui sera célébré le 28 juin prochain... et le "grand jeu" de François (23/6/2016)



Voici comment Franca Giansoldati, "vaticaniste" du Messagero, et amie de François qui lui a déjà concédé une de ses (multiples) interviews (cf. benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/une-nouvelle-interviewe-du-pape), présente l'évènement qui se prépare. Notons qu'elle a si peu de nouvelles du Pape émérite qu'elle ne connaît même pas le nom du monastère où il réside, et qu'elle sait si peu de choses de la prétendue affection que lui vouerait François qu'elle en est réduite à ressortir pour la énième fois la fameuse remarque sur le "grand-père à la maison" (même pas citée correctement) qui date quand même de... juillet 2013 (c'était dans l'avion de retour des JMJ de Rio, une conférence de presse devenue fameuse à cause de la célèbre réplique "qui suis-je pour juger?").


Silencieux, discret, loyal. Joseph Ratzinger vit depuis des années une dimension de semi-clôture, reclus là-haut dans le monastère Mater Dei, situé sur les collines du Vatican. Ses journées sont rythmées par les prières, la promenade dans les jardins (bien qu'il ait désormais du mal à marcher), les lectures. Une exception: le 28 Juin prochain quand le pape émérite retournera (pour quelques heures) dans le Palais apostolique, où il a vécu d'Avril 2005 à Février 2013. Ce sera une occasion de fête, l'anniversaire de son ordination sacerdotale, et la fête, c'est le pape Bergoglio qui lui a préparé. A A cette occasion, Ratzinger reverra les lieux où il a travaillé et vécu. Une sorte de souvenir nostalgique. Il reverra auusi les plafonds ornés de fresques de la Salle Clémentine, et se retrouvera à nouveau devant la grande fresque qui représente la barque de Pierre secouée par la tempête sur le lac de Tibériade. Une image qui doit l'avoir pas mal tourmenté, dans les derniers mois de son règne, quand il décida de laisser le commandement à quelqu'un disposant de plus de forces. Il ressentait dans son cœur toute la faiblesse de l'âge qui avance, «Ingravescentem aetatem», dit-il en latin aux cardinaux en leur annonçant sa démission. Un état qui ne lui permettait plus de résister à la pression, aux responsabilités, aux obligations croissantes. C'étaient du reste des temps troublés, empoisonnés par la trahison, par la fuite de documents embarrassants sur les malversations qui se cachaient dans de nombreux replis de l'administration (ndt: et aujourd'hui??).

C'est depuis 2013 que Ratzinger, s'éloignant de la scène publique, a opté pour une vie retirée dans laquelle il assure toutefois à l'Église et à son successeur, François, tout le soutien et la prière possibles. Chaque jour. Sans bruit, sans voler la scène à personne, sans alimenter les divisions.

Ce sera le Pape François qui l'accueillera dans la salle Clémentine, à la cérémonie organisée en son honneur à l'occasion du 65e anniversaire de sacerdoce. Un moment de communion et de fraternité, une pensée affectueuse. Bergoglio aime Ratzinger, et se réfère à lui comme si il était «un grand-père» (ndt: un grand grand-père, "un grande nonno").
(...)



Tout cela fait redouter non pas la célébration d'un jubilé exceptionnel, un saint prêtre qui consacre totalement sa vie à Dieu depuis 65 ans, mais une glorification de François - grâce auquel on assiste à la merveilleuse complicité, entre les "deux papes" -, que j'ai personnellement du mal à ne pas trouver aussi artificielle que providentielle. Quelque chose qui évoque une "opération" soigneusement pensée et mise en scène par les "communicants" du pape (j'espère me tromper!).
Impression confirmée par la préface que François a (aurait!) rédigée à un recueil d'homélies de Benoît XVI sur le thème du sacerdoce, publié pour l'occasion, et que l'OR reproduit dans son édition du 23 juin, précédé de ce court préambule:


Nous anticipons le texte intégral de la préface, signée par François le 7 mars dernier, de l'anthologie de textes de son prédécesseur sur le sacerdoce. Intitulée "Insegnare e imparare l’amore di Dio" (Enseigner et apprendre l'amour de Dieu)), le livre rassemble 43 homélies.
Nous publions également le début du texte le plus ancien, prononcé en 1954 à Berchtesgaden et dédié à Franz Niegel le jour de sa première messe (cf. Le pêcheur du lac ).
Le recueil, introduit par le cardinal Gerhard Müller, se conclut avec la Lettre de Benoît XVI pour l'indiction de l'année sacerdotale (16 Juin 2009).
Le livre sort à la veille du soixante-cinquième anniversaire de l'ordination sacerdotale de Joseph Ratzinger qui a eu lieu le 29 Juin 1951 à la cathédrale de Freising.
L'anthologie est la première d'une série de «textes choisis», qui sera publié en six langues, sur science et foi, l'Europe, les minorités créatives, politique et foi, l'université, l'Eucharistie. L'anniversaire sera commémoré avec une cérémonie qui se tiendra au Vatican, le 28 Juin.

 



La préface "de François" est certainement irréprochable dans son contenu, parfaitement justifiée dans son éloge, et même belle par endroits, mais elle n'est visiblement pas de sa main: rien n'y respire la sincérité, tellement elle semble devoir peu à son signataire, tant par le style que par les références.
«Chaque fois que je lis les oeuvres de Joseph Ratzinger / Benoît XVI - y lit-on - il m'apparaît de plus en plus clair qu'il a fait de la "théologie à genoux"».
Il laisse ainsi supposer que les livres de Joseph Ratzinger figurent dans ses livres de chevet. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'à en juger par ses déclarations, il le cache bien!

J'ai traduit ci-dessous un court extrait, qui m'a immédiatement frappée, avant que je constate qu'Antonio Socci avait relevé lui aussi à quel point les mots du (prêtés au) Pape contribuent à alimenter l'ambiguïté du statut de "pape émérite", et donc de son propre rôle.



Il est à noter que les médias qui reproduisent la préface ont justement titré sur le fait que François avait rendu hommage à la "théologie à genoux" de Benoît XVI. C'est sans doute une expression-slogan qu'il affectionne. Déjà au début de la deuxième journée du consistoire de 2014, après que le cardinal Kasper ait prononcé sa fameuse introduction, et que plusieurs cardinaux soient intervenus contre son soutien à la communion pour les divorcés remariés, le Pape lui avait rendu un vibrant hommage évoquant là aussi sa théologie à genoux (1)

Freising, 29 juin 1951


L'Osservatore romano
Via Il Sismografo
23 juin 2016

* * *

Renonçant à l'exercice actif du ministère pétrinien, Benoît XVI a décidé aujourd'hui de se consacrer totalement au service de la prière: «Le Seigneur m'appelle à "gravir la montagne", à me consacrer encore plus à la prière et à la méditation. Mais cela ne signifie pas abandonner l'Eglise, et même, si Dieu me demande cela, c'est pour que je puisse continuer à la servir avec le même dévouement et le même amour avec lequel j'ai essayé de le faire jusqu'à présent», a-t-il dit dans l'émouvant ultime Angelus. De ce point de vue, à la juste considération du Préfet de la Doctrine de la Foi, je voudrais ajouter que peut-être est-ce aujourd'hui, comme Pape émérite, qu'il nous donne de la manière la plus évidente une de ses plus grandes leçons de «théologie à genoux».

Parce que, et peut-être surtout depuis le monastère Mater Ecclesiae, dans lequel il s'est retiré, Benoît XVI continue à témoigner de manière encore plus lumineuse du «facteur décisif», ce noyau intime du ministère sacerdotal que les diacres, les prêtres et les évêques ne doivent jamais oublier: c'est-à-dire que le premier et le plus important service n'est pas la gestion des «affaires courantes», mais prier pour les autres, sans interruption, corps et âme, tout comme le fait le Pape émérite aujourd'hui: constamment immergé en Dieu, le cœur toujours tourné vers Lui, comme un amant qui à chaque instant pense à l'être aimé, quoi qu'il fasse. Ainsi, Sa Sainteté Benoît XVI, avec son témoignage, nous montre ce qu'est la vraie prière: non pas l'occupation de quelques personnes jugées particulièrement dévotes, et peut-être même considérées comme peu adaptées à la résolution des problèmes pratiques; ce «faire» qu'au contraire les plus «actifs» croient être l'élément décisif de notre service sacerdotal, reléguant ainsi de fait la prière aux «temps libre».

NDT


(1) Hier, avant de dormir mais pas pour m'endormir, eh, j'ai lu - j'ai relu - le travail du Cardinal Kasper, et je voudrais le remercier parce que j'ai trouvé de la théologie profonde et aussi une pensée sereine dans la théologie. C'est agréable de lire de la théologie sereine. J'ai aussi trouvé ce que Saint Ignace disait, ce Sensu Ecclesiae, l'amour à la Mère Eglise. Ça m'a fait du bien et il m'est venue une idée, pardon Eminence si je vous fais rougir, mais l'idée, c'est que ça s'appelle "faire de la théologie à genoux". Merci, merci...
(benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/la-cote-du-cardinal-kasper)