Le pêcheur du lac



Un magnifique extrait de l'homélie prononcée par le jeune Joseph Ratzinger en 1954 à Berchtesgaden pour la première messe de son ami Franz Niegel (23/6/2016).

>>> Cf
Conversation avec le Père Franz Niegel


Cette homélie figure parmi les textes du recueil "Insegnare e imparare l'amore di Dio" publié à l'occasion de 65e anniversaire de l'ordination sacerdotale de Benoît XVI (cf. 65 ans de sacerdoce pour Benoît XVI).



LE PÊCHEUR DU LAC
par Joseph Ratzinger
(texte traduit en italien ici, ma traduction)

* * *

Dans l'Evangile d'aujourd'hui, que le diacre vient de proclamer pour nous, il y a quelque chose de la fascination de la Terre Sainte. C'est presque comme si pour un instant nous sentions le doux clapotis des vagues sur le lac où le Seigneur avait si souvent navigué avec ses disciples, comme si nous percevions la splendeur lumineuse du ciel du sud qui dessine un arc limpide et le salut des champs autour du lac, dont le Seigneur a magnifié les fleurs dans ses paraboles. Dans son annonce du Royaume éternel, le Seigneur a mis quelque chose du clapotis des vagues et du parfum des fleurs de sa terre, et nous en sommes heureux parce que nous reconnaissons avec joie l'affinité avec la beauté de notre patrie.
Mais tout ce qui est dit ici est seulement le cadre extérieur dans lequel s'insère la chose la plus grande et la plus importante: le matin de l'existence d'un homme, dans lequel il reçoit l'appel et la tâche de sa vie. Simon, qui, comme pêcheur, sillonnait depuis des années le lac, prend encore une fois le large pour pêcher. Mais quand il tire vers la rive ses filets, si lourds et débordants - cette fois, la pêche n'était pas dûe à son mérite - commence quelque chose de nouveau: «A partir de maintenant, tu seras pêcheur d'hommes», dit le Seigneur.
Le filet et le bateau restent désormais là où ils sont, d'autres s'en occuperont. Aujourd'hui, tu dois jeter les filets de Dieu dans la mer du monde. A présent, tu dois mener dans un lieu sûr, le rivage de l'éternité, les hommes réticents, qui dans cette mer du monde se renferment dans l'illusion de leur bonheur présumé. Et tu dois le faire en passant à travers la nuit désolée de tous les échecs; tu ne dois pas te décourager, ni rechigner, même dans les heures amères où tout te semble vain, et le travail de ta vie gaspillée.

Cela se passait à l'époque, il y a presque deux mille ans, un matin de l'existence d'un homme. Mais pas seulement alors. Cela se passe aussi ici, aujourd'hui.
En effet, que se passe-t-il durant l'ordination sacerdotale et la première messe sinon cela: que le Christ se présente à nouveau à certains jeunes, retirant de leurs mains barques et filets, auxquels ils avaient attachés tel ou tel rêve de jeunesse, et leur dit : maintenant, vous devez devenir pêcheurs d'hommes. Vous devez prendre le large sur la mer du monde pour jeter le filet de Dieu avec courage et magnanimité, dans un temps qui semble avoir toutes les raisons d'échapper à Dieu, le saint prédateur.
C'est donc comme un écho du lac Génésareth quand au début de l'ordination sacerdotale, l'évêque expose aux jeunes diacres les tâches futures qui sont devant eux; d'une manière objective, franche, simple et concise, tout comme autrefois la langue des Romains, dominateurs du monde, a formulé ces tâches.
Le prêtre doit offrir le sacrifice, bénir, présider, prêcher et baptiser. Mots brefs mais lourds de contenu, sur lesquels les candidats au sacerdoce ont beaucoup réfléchi durant la retraite spirituelle avant l'ordination, parce que dans ces mots d'aujourd'hui est certainement contenu tout le chemin de leur vie future.