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Le Pape réinterprète Fatima

Il a rayé de son vocabulaire les mots "pénitence", "châtiment", "enfer". Les analyses de Roberto de Mattei et de Marco Tosatti (16/5/2017)

>>> Voir aussi:
¤ Fatima: deux Églises
¤ François et le message de Fatima
¤ Fatima: un discours problématique

Avant Roberto de Mattei, il est intéressant de lire ce qu'écrivait Marco Tosatti au lendemain du pélerinage du pape sur le lieu des apparitions.
Après avoir exprimé sa «curiosité de savoir si le Pape aborderait la question controversée du Troisième secret», et son espoir que «quelque collègue lui poserait la question (durant le vol de retour)», il poursuit:

«J'ai compris que cela ne pouvait pas être. L'interview du cardinal Parolin (sur Radio Vatican) était claire: "Je crois que le message de Fatima est le message central du Christianisme, celui que nous vivons surtout en cette période pascale, c'est-à-dire l'annonce que Jésus est ressuscité, que Jésus est vivant, que Jésus est le Seigneur de l'histoire. On a beaucoup spéculé et peut-être continue-t-on à spéculer sur les secrts de Fatima, mais ce sont en un certain sens des spéculations inutiles, parce que ce que Fatima voulait nous dire, il nous l'a dit publiquement et ouvertement. Et c'est précisément cela, le message central de la foi, de notre foi chrétienne, de notre foi catholique".»

Malicieusement, Tosatti note que le message est effectivement très clair, «surtout aux collègues sensibles aux vibrations d'humeurs et aux courants d'air qui flottent à Sainte Marthe et aux alentours. Imaginons alors d'éventuelles rumeurs déplaisantes sur l'apostasie dans l'Eglise, commençant par en haut!»

Et pour faire bonne mesure, Tosatti cite les propos du Pape lui-même, dans l'avion de retour de Lisbonne, répondant à la question «Que reste-t-il maintenant de ce moment historique pour l’Église et pour le monde ?»

Réponse du Pape: «Un message de paix. Et je voudrais dire une chose qui m’a touché le cœur. Avant de m’embarquer, j’ai reçu quelques savants de différentes religions qui faisaient des études dans l’Observatoire du Vatican, de Castel Gandolfo. Il y avait même des agnostiques et des athées. Et un athée m’a dit : "Je suis athée" – il ne m’a pas dit de quelle ethnie ni d’où il venait. Il parlait anglais, je ne le savais pas et je ne le lui ai pas demandé – "Je vous demande une faveur: dites aux chrétiens d’aimer davantage les musulmans". C’est un message de paix».

Autrement dit: ni dans les propos (banalement génériques) du Cardinal Parolin, ni dans ceux du pape, tous marqués au plus conformiste politiquement correct, il n'y a la moindre allusion à ce qui fait la spécificité de Fatima, à travers ces tros mots-clés qui ont été purement et simplement rayés du vocabulaire bergoglien - sinon pour les tourner en dérision: pénitence, châtiment, enfer.
François s'est purement et simplement réapproprié Fatima, l'instrumentalisant au profit de sa propre idée de l'Eglise.

13 mai: le pape François réinterprète Fatima

Roberto de Mattei
"Il Tempo", 14 mai 2017
www.corrispondenzaromana.it
Ma traduction

* * *

Cinq cent mille personnes attendaient le pape François sur l'esplanade du sanctuaire de Fatima pour la canonisation des deux bergers Francisco et Jacinta, âgés de 9 et 11 ans, qui, avec leur cousine Lucia dos Santos ont vu et ont écouté les paroles de la Vierge entre le 13 mai et le 13 Octobre 1917. La canonisation a eu lieu, et l'Eglise a inscrit parmi les saints les plus jeunes enfants non martyrs de son histoire. De leur cousine Lucia, morte en 2005, le procès en béatification est en cours.

Mais ce que les fidèles de Fatima du monde entier attendaient, c'était non seulement la canonisation des voyants, mais aussi l'accomplissement de la part du Pape de l'une des demandes de la Sainte Vierge, jusqu'à présent inécoutée.

Deux centenaires opposés sont en effet commémorés cette année: les apparitions de Fatima et la révolution bolchevique de Lénine et de Trotsky, qui a eu lieu en Russie dans le même mois au cours duquel le cycle marial s'achevait au Portugal. A Fatima, la Sainte Vierge a annoncé que la Russie répandrait ses erreurs dans le monde et que de ces erreurs surgiraient guerres, révolutions et persécutions contre l'Eglise. Pour éviter ces malheurs la Sainte Vierge demandait avant tout un repentir sincère de l'humanité et un retour aux principes de l'ordre moral chrétien. A cet amendement nécessaire des chrétiens, la Sainte Vierge joignit deux demandes spécifiques: la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie, faite par le Pape en union avec tous les évêques du monde, et la propagation pratique du premier samedi du mois, consistant à s'unir à elle, après s'être confessé et avoir communié, cinq samedis consécutifs, méditant pendant quinze minutes et récitant le chapelet.

La diffusion de la pratique des premiers samedis du mois n'a jamais été promue par les autorités ecclésiastiques, les actes pontificaux de remise et de consécration à la Vierge Marie ont été partiels et incomplets, mais surtout, depuis au moins cinquante ans, les hommes d'Église ne prêchent plus l'esprit de sacrifice et de pénitence, si intimement lié à la spiritualité des deux pastoureaux canonisés. Lorsqu'en 1919, Lucia rendit visite à Jacinta à l'hôpital, à la veille de sa mort, leur conversation fut entièrement centrée sur la souffrance offerte par les deux petites cousines pour éviter les terribles peines de l'enfer aux pécheurs, que la Vierge leur avait montrées.

Le Pape François, qui auparavant n'était jamais allé à Fatima, même pas comme prêtre, n'a abordé aucun de ces thèmes. Le 12 mai, dans la chapelle des Apparitions, se présentant comme «l'évêque vêtu de blanc», le Pape a dit: «Je viens comme prophète et messager pour laver les pieds de tous, à la même table qui nous unit». Puis, l'invitation à suivre l'exemple de Francisco et Jacinta. «Nous parcourrons, ainsi, toutes les routes, nous serons pèlerins sur tous les chemins, nous abattrons tous les murs et nous vaincrons toutes les frontières, en allant vers toutes les périphéries, en y révélant la justice et la paix de Dieu». Dans son homélie, le 13 mai, sur le parvis du sanctuaire, François a rappelé «tous mes frères dans le Baptême et en humanité», en particulier «les malades et les personnes handicapées, les prisonniers et les chômeurs, les pauvres et les délaissés», les invitant à «redécouvrir le visage jeune et beau de l'Eglise, qui resplendit quand elle est missionnaire, accueillante, libre, fidèle, pauvre en moyens et riche en amour».

La dimension tragique du message de Fatima, qui tourne autour des concepts de péché et de châtiment est mise de côté. La Sainte Vierge avait dit à la petite Jacinta que les guerres ne sont rien d'autre que le châtiment pour les péchés du monde et les péchés qui mènent le plus d'âmes en enfer sont ceux contre la pureté. Si nous vivons aujourd'hui dans une «troisième guerre mondiale en morceaux», comme le dit souvent le pape François, comment ne pas le relier à la terrible explosion d'immoralité contemporaine, parvenue au point de légaliser l'inversion des lois morales? La Sainte Vierge a dit encore à Jacinta qu'en l'absence d'amendement et de pénitence, l'humanité serait punie, mais qu'à la fin son Cœur Immaculé triompherait et le monde entier se convertirait.
Aujourd'hui, non seulement le mot châtiment est abhorré, puisque la miséricorde de Dieu efface tout péché, mais l'idée même de conversion est indésirable puisque le prosélytisme, selon le pape François, «est le poison le plus fort contre le chemin œcuménique».

Il faut admettre que le message de Fatima réinterprété selon les catégories sociologiques du pape Bergoglio a peu à voir avec l'annonce prophétique du triomphe du Cœur Immaculé de Marie, qu'il y a cent ans, la Sainte Vierge a donnée au monde.