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Ordre de Malte; les explications du Card. Burke

Un "Maltileaks" dévoile des détails embarrassants pour l'Ordre, la Secrétairerie d'Etat... et même le Pape. Récit détaillé par Marco Tosatti et Maike Hickson, sur One Peter Five (2/5/2017)

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Dossier Ordre de Malte

Le dernier article de Marco Tosatti , en date du 1er mai, est introduit en ces termes:

Ces jours-ci, nous avons parlé d'un document en anglais sur l'Ordre de Malte, publié par CWN (Catholic World News), mettant en évidence les responsabilités du Grand Chancelier, déposé puis réinstallé de force par le Vatican, dans la distribution de contraceptifs dans diverses régions du monde [cf. Annexe].
Aujourd'hui, nous reproduisons quelques passages d'un article de Kath.net (en allemand), repris en partie en anglais par OnePeterFive. C'est un document important car il s'agit du rapport qu'un membre de l'Ordre fait à ses confrère après une longue audience avec le Cardinal Patron de l'Ordre, Raymond Leo Burke, évincé de fait de ses fonctions par le «putsch» de la Secrétairerie d'Etat. Que chacun lise, pour se former une opinion. A la fin de la lecture, nous ferons quelques considérations personnelles.
Espérons que l'élection du lieutenant, un Italien [Fra’ Giacomo Dalla Torre del Tempio di Sanguinetto], donc élément d'équilibre entre les allemands prédominants et les autres forces contribuera à faire oublier cet épisode incroyable d'interférence.

Au cours d'une audience à un chevalier de Malte, Burke a révélé de nombreux détails sur la crise. Burke n'a pas parlé publiquement des faits advenus, et il pensait que le contenu de l'audience resterait à usage interne. Ce qui n'a pas été le cas parce que le rapport a été divulgué à la veille de l'élection du lieutenant, probalement pour bloquer une opération de la part de la faction la plus agressive.

J'ai trouvé plus simple de traduire l'article de Maike Hickson sur OnePeterFive. On lira à la fin le commentaire désabusé de Marco Tosatti, qui rejoint ce que nous disions ici le 3 février dernier: Malte: double jeu, avec le card. Burke?

L'article de OnePeterFive


LES DESSOUS DE LA CRISE DE MALTE RÉVÉLÉS DANS UN RAPPORT INTERNE 'FUITÉ' FAISANT ÉTAT DES EXPLICATIONS DU CARDINAL BURKE
28 avril 2017
Maike Hickson
www.onepeterfive.com
Ma trduction

* * *

Aujourd'hui, le site Web catholique autrichien Kath.net a publié un important rapport écrit par un Chevalier de Malte, sur une récente audience avec le cardinal Raymond Burke, dans lequel le Cardinal Patron ("suspendu de facto") révélait une grande partie des dessous de la crise actuelle de l'ordre. Burke, qui ne s'est pas exprimé publiquement lui-même sur le sujet, a révélé au cours de cette audience des informations concernant l'élection prévue demain d'un nouveau Grand Maître de l'Ordre de Malte - information que certains, au sein de l'ordre ont apparemment laissé filtrer dans l'espoir d'empêcher l'Ordre d'être conduit dans la mauvaise direction.

Comme le rapporte Kath.net, Fra' Matthew Festing est actuellement à Rome, mais il a été «reçu froidement» et il a également été prié de remettre son propre passeport diplomatique - qui avait été délivré sur son ordre.

Kath.net a de bonnes relations avec des membres de l'Ordre de Malte et a révélé à plusieurs reprises des informations importantes sur la crise actuelle. Fait important, ils ont déjà reçu une lettre de mise en demeure, leur enjoignant de ne plus publier d'informations sur ls transactions financières d'Albrecht von Boeselager, l'actuel (et réintégré) Grand Chancelier.

Tout d'abord, Kath.net a publié aujourd'hui une capture d'écran [page 1; page 2] de la lettre adressée par le Pape au cardinal Burke le 1er décembre 2016 [cf. Malte: double jeu, avec le card. Burke?], dans laquelle il insiste sur le fait que l'Ordre doit aborder les problèmes moraux concernant la distribution des préservatifs et des contraceptifs.

Kath.net a également publié le rapport, mentionné ci-dessus, sur une rencontre avec le cardinal Burke, largement diffusé dans la branche allemande de l'Ordre de Malte et écrit par Josef von Beverfoerde, lui-même Chevalier (marié) de l'Ordre de Malte. Von Beverfoerde a rencontré le cardinal Burke début mars 2017 et a écrit ce rapport avec l'approbation du cardinal Burke et avec l'avertissement explicite qu'il représente les positions de Burke, et non celle de von Beverfoerde. Le rapport n'était pas destiné au public, mais il circule actuellement, ayant été divulgué cette semaine.

Le cardinal Burke lui-même, à la fin du rapport, est cité comme ayant dit au sujet du développement actuel de la crise de Malte:

Je trouve profondément attristant que le grave scandale de la distribution des contraceptifs et la progression de la sécularisation de l'Ordre que représente cette action immorale soient actuellement minimisé et, de fait, oublié. Aucune des nombreuses conférences de presse, entretiens et autres interventions à travers les médias de la part de l'Ordre, dans la période écoulée depuis la réintégration du Grand Chancelier, ne fait référence au grave scandale et ne reconnaît la responsabilité du Grand Chancelier dans ce scandale. De mon point de vue, je crains que l'obscurité sur cette situation scandaleuse à la racine des difficultés récentes de l'Ordre ne soit pas de bon augure pour le renouveau de l'Ordre, selon sa longue et noble tradition catholique. [Souligné dans l'original]

En ce qui concerne les événements, le cardinal Burke précise qu'Albrecht von Boeselager était impliqué dans la distribution immorale de préservatifs et de contraceptifs et qu'un rapport de l'Ordre sur ces questions a été approuvé par le cardinal Gerhard Müller, le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi:

Le Cardinal Patron [Burke] lui a dit [à Festing] que tout devait cesser immédiatement et que les responsables ne pouvaient plus jouir de la confiance de l'Ordre. Finalement, le Grand Maître a mis en place une commission d'enquête, qui a présenté son premier rapport en janvier 2016. Ce rapport présente la gravité et l'étendue de la distribution de contraceptifs par l'Ordre.

Le rapport d'enquête a été soumis à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi pour examen. Le 12 février 2016, son préfet, le cardinal Gerhard Muller, a écrit une lettre au Grand Maître, dans laquelle il confirmait le rapport d'enquête avec ces mots: «La proposition du rapport susmentionné est conforme à la doctrine et à la pratique de l'Église».
Entre autres conclusions, le rapport montre clairement que le Grand Chancelier, Albrecht Freiherr von Boeselager, Grand Hospitaller pendant les 25 dernières années, a accepté des pratiques moralement répréhensibles et a délibérément négligé d'informer le Conseil souverain et le Grand Maître à leur sujet. [Souligné dans l'original]

Ce que le cardinal Burke a précisé dans cette conversation privée avec von Beverfoerde, c'est qu'il a encouragé Fra' Festing à prendre des mesures pour rendre von Boeselager responsable de ses actes, mais qu'il n'a pas demandé à von Boeselager de démissionner car ce n'était pas dans le domaine de ses attributions en tant que cardinal:

La responsabilité du Grand Chancelier [von Boeselager] était évidente dès la parution du rapport d'enquête. Le Grand Maître a donc informé le cardinal Burke qu'il avait demandé au Grand Chancelier de démissionner, mais qu'il avait refusé. Pendant les mois suivants, le Grand Maître a parlé au cardinal de ses tentatives répétées de convaincre le Grand Chancelier de sa responsabilité de démissionner. Comme il est le cardinal Patron responsable de la constitution spirituelle de l'Ordre, Burke a encouragé le Grand Maître dans ce sens, afin que le scandale entourant la distribution de contraceptifs et d'abortifs ne s'aggrave pas impunément, conduisant à une nouvelle confusion morale et à des aberrations au sein de l'Ordre. [Souligné dans l'original]

Quand Burke, le 10 novembre 2016, a rencontré le Pape François, le Pape a soutenu l'approche du cardinal Burke et de Fra' Festing. Selon le rapport, le cardinal Burke a dit à von Beverfoerde:

«Le pape François a exprimé une inquiétude et une consternation profondes à propos de la pratique de la distribution de contraceptifs par l'Ordre. Il m'a exhorté [Burke] à collaborer avec diligence avec le Grand Maître pour nous assurer que toutes ces pratiques cessent et que les personnes en charge de la plus haute autorité qui les ont approuvées soient correctement sanctionnées».

Le cardinal Burke a également précisé, une fois de plus, qu'il n'avait jamais affirmé que le pape François avait ordonné la démission de von Boeselager:

«Au cours de la rencontre du 6 décembre 2016, je [Burke] n'ai jamais prétendu avoir un mandat du pape François pour exiger la démission du Grand Chancelier et, par conséquent, en ma qualité de Cardinal Patron, je ne lui ai jamais demandé de démissionner, ni ne l'ai fait en affirmant que je parlais au nom du Saint-Père. J'ai fait deux déclarations, à la lumière de la lettre du pape François: 1) qu'il était complètement inacceptable pour moi qu'une organisation du prestige historique et actuel de l'Ordre de Malte, puisse être impliquée dans un telle pratique scandaleuse pendant des années et que le haut fonctionnaire qui a toléré la pratique ne soit pas tenu pour responsable; et 2) que, si le premier rapport de la Commission d'enquête est faux, comme le prétend le Grand Chancelier, pourquoi n'a-t-il pas fait une correction formelle du document, en particulier parce qu'il désigne sa responsabilité spécifique pour cette pratique scandaleuse»

Selon le rapport de von Beverfoerde

Le Grand Chancelier n'a pas répondu. Cela n'a pas surpris le Cardinal Burke, cependant, parce qu'à deux reprises au moins, comme il avait été informé en tant que Cardinal Patron en décembre 2014 que Malteser International distribuait des contraceptifs et qu'il avait insisté pour mettre fin immédiatement à cette activité, le Grand Chancelier, en conversation ouverte avec lui au Palais Magistral, lui avait déclaré avec insistance: «Nous devons donner des contraceptifs à ces pauvres femmes, sinon elles vont mourrir». La dernière déclaration de Burke lors de la rencontre du 6 décembre était qu'il considérait comme son devoir, d'après la lettre du Pape, de dire que le Saint-Père attendait que l'Ordre s'attaque à ce grave problème. Le Saint-Siège n'aurait pas été obligé d'intervenir davantage. [Souligné dans l'original]

Le cardinal Burke décrit ensuite comment le cardinal Pietro Parolin a affirmé à tort dans une lettre à Fra' Festing que Burke avait prétendu que le pape François avait réclamé le licenciement de von Boeselager. Burke a immédiatement appelé Parolin afin de corriger cette affirmation - que Parolin n'a jamais vérifiée auprès de Burke lui-même - après quoi Parolin a simplement répondu «qu'il s'agissait d'une situation d'urgence».

Plusieurs autres aspects qui ne se trouvent pas dans la version anglaise du rapport von Beverfoerde, mais qui sont publiés par Kath.net, pourraient être intéressants ici. Tout d'abord, le cardinal Burke a demandé un jour à Fra' Festing pourquoi il avait accepté de démissionner immédiatement durant la rencontre avec le pape François le 24 janvier (sans autre consultation ni réflexion), et aussi pourquoi lui (Festing) avait accepté d'écrire dans sa lettre de démission que le cardinal Burke l'avait influencé pour demander la démission de von Boeselager, même si ce n'était pas le cas.

Aux deux questions, Fra' Festing «a seulement répondu que l'obéissance envers le Saint-Père ne lui avait donné aucun autre choix», d'après le rapport von Beverfoerde.

Le cardinal Burke a également une fois de plus montré sa grave préoccupation à propos de cet étrange don de 120 millions de francs suisses, que l'Ordre de Malte aurait reçu. Personne ne connaît ses origines, et le Grand Maître n'avait même pas été informé de son existence, selon Burke. Aux yeux de Burke, «un audit indépendant de la situation devrait être fait, pour le bien de l'Ordre et dans le but d'éclaircir toutes les questions difficiles concernant cette affaire».

Last, but not the least, le cardinal Burke a également révélé, selon ce document, l'influence indue et disproportionnée que le Cardinal Parolin exerce sur l'Ordre de Malte. Parolin et von Boeselager «sont en relation étroite», selon le rapport. Von Boeselager lui-même, dit le rapport, a immédiatement protesté lorsqu'il a appris que le Pape François avait nommé le cardinal Burke comme Cardinal Patron de l'Ordre de Malte en 2014. Dès le premier jour, von Boeselager a clairement indiqué au cardinal Burke qu'il était «en lien direct avec le Cardinal Secrétaire [Parolin]». À plusieurs reprises, il est apparu clairement au cardinal Burke que Parolin et von Boeselager travaillaient en contact étroit en ce qui concerne les affaires internes de l'Ordre de Malte.
Le rapport von Beverfoerde se termine par la déclaration suivante:

Le cardinal Burke a eu durant ces années l'impression claire que le Cardinal Secrétaire était - avec l'aide du grand chancelier -, étroitement impliqué dans les affaires de l'Ordre, bien que le Cardinal Parolin n'ait jamais parlé avec lui, Burke, au sujet de l'Ordre et de son propre service en tant que Cardinal Patron.

La conclusion de Marco Tosatti


L'impression que m'a laissée cette histoire est douloureuse. Si vous lisez la lettre du pape, il est impossible d'échapper à l'impression qu'il a d'abord appuyé un certain type d'action, et ensuite, conseillé ou poussé dans une autre direction, il a renié ses propres paroles, donnant l'aval à une action qui restera certainement dans l'histoire, et pas comme l'un des épisodes les plus glorieux, ni de l'Église, ni de l'Ordre de Malte. Sans parler de l'instrumentalisation immédiatement armée contre le cardinal Burke, coupable d'avoir signé les fameux «Dubia» sur Amoris Laetitia, et à cause de cela cible préférée - même au prix d'un mensonge, comme nous l'avons vu plus haut - de la faction hyperpapiste.
Si c'est cela, le renouveau, des âmes surtout, nous sommes servis.

Annexe

Marco Tosatti, le 28 avril
www.marcotosatti.com

* * *

À la veille [de la réunion du Grand Conseil Complet de l'Ordre du Malte pour élire un nouveau Grand Maître], CWN lance une bombe qui pourrait avoir des répercussions importantes dans la bataille entre le Secrétairerie d'Etat, le Pape, et l'Ordre de Malte. CWN a obtenu des documents, diffusés parmi les membres de l'Ordre, qui prouvent que Boeselager, le chancelier expulsé par le Grand Maître, soutenu et défendu par la diplomatie vaticane, savait que la branche caritative de l'Ordre, Malteser international, était impliquée dans la distribution de contraceptifs, et qu'une enquête interne avait prouvé que les politiques de Malteser international «ne sont pas en accord avec l'enseignement de l'Eglise catholique». Le Grand Chancelier, bien qu'au courant des opérations, les aurait tenues cachées à la direction internationale de l'Ordre. Les documents montreraient même que le pape François avait demandé d'agir pour mettre un terme à cette participation.

En Janvier 2017 Matthew Festing avait répondu aux indications du pape en demandant la démission de Boeselager. Quand le Grand Chancelier a refusé, Festing a agi de sa propre initiative et l'a licencié. Mais apparemment, c'était précipité, parce que les documents semblent prouver que «les deux tiers du Conseil souverain n'étaient pas d'accord» sur le licenciement. Le Pape a alors convoqué Festing, lui disant de venir seul, et de ne parler de la rencontre de personne. Quand il est arrivé, le pape François l'a obligé à démissionner, et Festing a obéi. Certains membres de l'Ordre ont dit à Festing qu'il ne devrait pas démissionner, et ont suggéré qu'il soit réélu à son poste. Il lui a été demandé par le substitut de la Secrétairerie d'Etat, Mgr Angelo Becciu, de ne pas venir à Rome. Mais il est présent. Edward Pentin, de NCR, suggère que peut-être l'interdiction a été levée parce que la présence de Festing était nécessaire pour obtenir un vote valide. Boeselager a été remis d'autorité à son poste; et cela, si les documents de CWN sont authentiques, devrait créer un certain embarras au Vatican, et en particulier à la Secrétairerie d'Etat, si prompte à l'action.

On devine dans cette affaire complexe et loin d'être claire, qui a vu l'ingérence sans précédent du pape et de la Secrétairerie d'Etat dans la vie d'un Ordre indépendant, la lutte entre le parti allemand, soutenu par la diplomatie vaticane, et d'autres partis; et l'acceptation par le parti allemand d'une grosse somme d'argent d'un donateur anonyme qui reste dans l'ombre n'est pas étrangère à la querelle. Et dans l'opération, il y a même un diplomate en soutane qui est impliqué.
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[NDT:
CWN ajoute: «Curieusement, lorsque le pape François a mis en place une commission de cinq personnes pour enquêter sur le différend entre Fessing et Boeselager, trois membres avaient une implication substantielle dans l'acceptation et / ou l'administration du don anonyme». ]