Lettre ouverte d'un prêtre à Benoît XVI

via le blog d'AM Valli. Il a été suspendu a divinis pour opinions non alignées. Et il parcourt en pensée les deux routes qui s'offrent aux fidèles catholiques - celle, large et balisée, d'Amoris laetitia, et celle, étroite et escarpée des "Notes" de Benoît XVI. Seule la seconde est la voie sûre vers le salut éternel (18/4/2019)

 

Nos avons déjà croisé ce prêtre récemment, toujours grâce à Aldo Maria Valli, ici: Les dubia d'un prêtre (16/1/2019)

Moi, prêtre suspendu a divinis, je dis à mes supérieurs: réveillez vous!


www.aldomariavalli.it
18 avril 2019
Ma traduction

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J'ai reçu d'un religieux, le Père Gabriele Rossi des Fils de l'Amour Miséricordieux, la lettre que vous trouverez plus bas. Il s'agit d'une lettre ouverte à Benoît XVI, écrite avec le cœur, le Jeudi Saint, par un prêtre suspendu a divinis parce qu'il a ouvertement exprimé ses idées sur la situation actuelle de l'Église catholique. En remerciant l'auteur, je vous propose la lettre avec une pensée pour tous les prêtres qui, en ce jour saint, renouvellent les promesses faites au moment de l'ordination.


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Très Saint-Père,
j'espère que vous me pardonnerez pour mon audace.

Je suis un prêtre de 62 ans, suspendu a divinis pour les raisons que je vous dirai plus tard. Je vous écris sous cette forme publique parce que je n'ai aucune possibilité de vous parler de vive voix; et parce que je voudrais donner la parole à beaucoup d'autres prêtres et religieux qui, pour les mêmes raisons, ont été réduits au silence et écartés, plus ou moins comme moi.

LES NOTES
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Je vous écris pour vous remercier d'avoir écrit et, surtout, d'avoir publié vos "Notes" sur la question des abus sexuels dans l'Église.

J'avoue que, au-delà du contenu dramatique que ces pages tentent d'affronter, leur lecture méditée a produit en moi un sentiment de soulagement profond, comme une sorte de libération intérieure. Et cela pour deux raisons: parce qu'elles nous démontrent - au cas où il le faudrait - que vous continuez à suivre avec la plus grande attention tous les événements de l'Église; et parce qu'elles nous offrent divers enseignements vraiment magistraux : certains directs et explicites, d'autres voilés mais quand même déchiffrables.

D'une part, en effet, les Notes traitent de ces abus, décrivent leurs causes et leurs effets mortifères, indiquent la seule solution possible (le retour à Dieu), et donnent des suggestions au niveau de la procédure canonique.

D'autre part, les Notes - malgré leur forme humble - nous apportent des réponses aux principaux doutes et aux principales questions qui ont troublé la vie de l'Église ces dernières années, et auxquels personne n'a voulu répondre officiellement.

«Un authentique acte de gouvernement», selon certains. «Le seul document catholique, depuis maintenant six ans», selon d'autres. De là le soulagement profond dont je vous parlais.

LES DEUX VOIES
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En comparant les considérations des Notes avec les indications pontificales qui dictent actuellement la loi, on en tire deux approches de fond profondément différentes et opposées. On a l'impression d'être arrivé à un carrefour d'où partent deux routes: l'une qui, en descendant vers le bas, devient de plus en plus large et marécageuse; l'autre qui, en gravissant la montagne (au sommet de laquelle - si je ne m'abuse - devrait se dresser «une grande croix») [cf. "Le message de Fatima": troisième partie du secret] devient de plus en plus étroite et rocailleuse. En attendant, on croit entendre les paroles de l'Évangile : «Entrez par la porte étroite, car large est la porte et spacieux le chemin qui mène à la perdition, et beaucoup sont ceux qui y entrent. Comme étroite est la porte et exigu le chemin qui mène à la vie, et peu sont ceux qui les trouvent! (Mt 7, 13-14). Je vais essayer d'expliquer le concept.

Ici - dans les Notes - il est dit que les abus, en particulier ceux sur les mineurs, sont le fruit final de la révolution sexuelle de 1968, de la diffusion criminelle de la pornographie et de la légitimation théorique et pratique de l'homosexualité, même dans les milieux ecclésiastiques. , au contraire - dans le Magistère actuel - la faute est imputée à un cléricalisme non spécifié ; et la formation de groupes de LGBT catholiques est encouragé par tous les moyens.

Ici, on défend vent debout Veritatis splendor de Jean-Paul II et on enseigne que, la morale ayant un caractère objectif, il y a de mauvaises actions qui ne peuvent jamais devenir bonnes, même si la conscience personnelle le prétend; au contraire, on boycotte par tous les moyens le document précité est; et l'on adopte sans vergogne l'éthique de situation, qui ne considère pas l'action en elle-même, mais juge au cas par cas, en fonction des buts de l'action individuelle et de possibles causes de dispense.

Ici, on raffirme que l'Eucharistie est la présence vivante et réelle parmi nous de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur; et l'on s'inquiète l'abaissement irrrespectueux qu'elle subit en de nombreuses occasions., au contraire, on tend à éliminer jusqu'aux signes extérieurs d'adoration (sauf à s'agenouiller ensuite gauchement et avec peine devant n'importe qui; et l'affirme que la Sainte Communion accueille même des personnes divorcées remariées qui vivent more uxorio, ainsi que des époux protestants de fidèles catholiques.

Ici, on répond avec clarté et autorité à chacun des cinq dubia de 2016, formulés par les quatre cardinaux pour contrer la confusion doctrinale et pastorale produite par Amoris laetitia. , au contraire, on est incapable de le faire; jouant sur l'ambiguïté de certaines "notes" [de pied de page] du document, afin de lancer des processus de bouleversement "en taches de léopard" et mettre tout le monde devant le fait accompli.

Ici, on déclare que le martyre, en tant que sommet du témoignage dû au Seigneur, «est une catégorie fondamentale de l'existence chrétienne»; et on rend honneur aux martyrs de tous les temps, témoins du Dieu vivant; là, au contraire, on cherche passivement le consensus du monde; on dénonce par intérêt le danger du prosélytisme missionnaire et le Catholicisme romain est dilué dans une fraternité humaine utopique, comprise comme une nouvelle religion universelle amorphe et incolore.

Voilà les deux voies qui s'ouvrent actuellement devant nous.

CONTINUITÉ OU RUPTURE?
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Très Saint-Père, je n'ai nulle prétention d'enseigner quoi que ce soit à quiconque, encore moins à ceux qui sont plus hauts que moi. J'ai pourtant le vague sentiment que les deux approches mentionnées ci-dessus sont radicalement inconciliables, car elles sont opposées l'une à l'autre. Et cela pouvait être compris dès 2016, sis eulement quelqu'un avait soigneusement analysé le fameux chapitre VIII d'Amoris laetitia. Et c'est précisément à partir de cette date que, comme beaucoup d'autres, j'ai commencé à exprimer ma perplexité face au nouveau cours théorique et pratique qui devait être imposé à l'Église ; jusqu' à ce qu'en décembre dernier, précisément pour ces raisons, mes supérieurs m'infligent la suspension a divinis.

Pour beaucoup, ces préoccupations interprétatives sont totalement exagérées, car on pourrait - et même on devrait - ménager la chèvres et le chou. Pour d'autres, y compris moi-même, nous ne sommes pas ici en présence d'une continuité de fond entre le magistère d'hier et celui d'aujourd'hui, mais devant une rupture dramatique dans sa transmission et son développement. Et que ce dernier soupçon soit bien fondé, je le déduis aussi du fait que les Notes, par quatre fois, font allusion à l'affirmation que certains voudraient «créer ou inventer une autre Église». Et qui seront ces mystérieux personnages ?

Mes chers supérieurs, réveillez-vous! Comment ne pas répondre à un tel appel d'un Souverain Pontife qui reste tel devant Dieu et devant les hommes et qui, poussé par sa conscience, se voit contraint de parler à nouveau à ces enfants que la Divine Providence a confiés à son soin pastoral? Comment fait-on?!

Et puis, que dire du Manifeste de la Foi, publié par le Cardinal Müller en février dernier, pour défendre une transmission correcte de la foi catholique, menacée sur tous les fronts par une prétendue primauté de la pastorale sur la doctrine?

Réveillez-vous! Et cessez d'être des aveugles qui guident d'autres aveugles (cf. Mt 15, 14), soucieux seulement de plaire aux puissants du jour, pour avoir à le maximum de fragments de pouvoir Vous n'auriez aucun pouvoir s'il ne vous avait pas été donné d'en haut (cf. Jn 19, 11)!

AUJOURD'HUI, JEUDI SAINT
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Très Saint-Père, cette année - étant donné ma suspension canonique - je ne me suis pas senti le coeur de participer à la messe chrismale, avec l'évêque et tous les autres prêtres diocésains et religieux, célébrée hier soir dans la cathédrale de cette ville, la veille du Jeudi Saint; et donc je n'ai pas pu renouveler les promesses prévues par le rite.

Avec votre permission, j'aimerais le faire idéalement en ce moment. C'est pourquoi je viens avec mes pensées et mon cœur en votre présence, je baise votre main et votre pied, et je confirme entre vos mains mes promesses sacerdotales. Et tant que j'y suis, je renouvelle aussi mes vœux religieux et mon adhésion au Magistère officiel de l'Église, tel qu'il a été cristallisé dans le Catéchisme de l'Église catholique, promulgué par Jean-Paul II.

J'espère que le Seigneur l'agréera, et vous aussi.

Très Saint-Père, en demandant votre bénédiction paternelle, je voudrais vous assurer de ma pauvre prière, surtout à la Sainte Messe, où, d'habitude, je prononce aussi votre nom: que le Seigneur et la Sainte Vierge vous donnent la force physique et spirituelle pour affronter le dernier tronçon de cette montée abrupte, jusqu'à «la grande croix». Avec l'aide du Ciel, nous aussi, nous essaierons de monter avec vous, sans faire demi-tour.

Sainteté, mes vœux les plus chaleureux pour votre anniversaire et pour l'anniversaire de votre élection pontificale! Et Bonne Pâque de Résurrection, à vous... et à toute l'Église !

Père Gabriele Rossi, FAM
Fermo, 18 avril 2019, Jeudi Saint

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