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Ce qu'a vraiment dit le Pape: John Allen rapporte froidement et fidèlement les propos tenus lors de la mini-conférence de presse à bord de l'avion. (16/4/2008)




Cette conférence de presse ( De l'avion papal ) a déjà fait couler beaucoup d'encre, de la part de gens qui ignorent qui a posé les questions, comment cela s'est déroulé, et les réponses précises du Saint-Père.
John Allen (qui a posé la première question, sur le seul sujet qui a été évoqué par la suite, et avec ce qui m'a paru une pointe de désinvolture, puisqu'il s'est permis de demander au Saint-Père de s'exprimer en anglais!!) est quand même un vrai professionnel, et il convient de rendre à son honnêteté l'hommage qu'elle mérite.

A part cela, on constera que le Pape a bien répondu sur les prêtres pédophiles, mais pas exactement de la façon dont les agences de presse ont fait leurs titres.
La phrase essentielle est celle-ci: "We are deeply ashamed, and we will do all that is possible that this cannot happen in the future". (il emploie le pluriel!)
Et aussi celle-là, qui est celle qu'Accattoli, qui st du voyage, reprend dans son commentaire journalier ( www.luigiaccattoli.it/):
"If I read the histories of these victims, it’s difficult for me to understand how it was possible that priests betrayed in this way their mission to give healing and to give the love of God to these children".

Il s'est évidemment exprimé sur d'autres sujets, notamment l'immigration, et les droits imprescritibles de l'être humain, mais de ceux-là, les agences n'ont pas jugé utile de nous parler.
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Texte original en anglais sur le site de NCR: Transcript from Papal plane
Ma traduction

L'article de John Allen



Ce qui suit est une transcription des commentaires faits par le Pape Benoît XVI aux journalistes à bord de l'avion papal, sur le chemin de sa première visite pastorale aux États-Unis.

En fin de semaine dernière, le Vatican a demandé aux journalistes voyageant avec le pape de lui soumettre des questions pour le pape le lundi après-midi, la veille du voyage. Le Père jésuite Federico Lombardi, le porte-parole du Vatican, a choisi quatre de ces questions et a demandé à quatre journalistes de les présenter au pape à bord de l'avion papal. ..

En réponse à une demande spécifique, le Pape Benoît a répondu à une question en anglais, sur le thème de la crise de l'abus sexuel. Les autres réponses ont été donnés en italien. Ce qui suit est une traduction par NCR de la transcription de l'échange.
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Lombardi: Au nom de tous les présents, je vous remercie de votre aimable volonté d'être avec nous ce matin, de nous accueillir et de nous donner quelques idées sur ce voyage. C'est votre deuxième voyage inter-continental, et que votre premier en tant que Saint-Père aux États-Unis et à l'ONU. C'est un voyage très important et très attendu. Pouvez-vous nous dire quelque chose à propos des sentiments et des espérances avec lesquelles vous abordez ce voyage, et quels sont vos objectifs fondamentaux?

Benoît XVI:
Mon voyage a essentiellement deux objectifs. Le premier consiste en une visite à l'église en Amérique, aux Etats-Unis, et naturellement aussi à l'ensemble du pays. Il y a un motif particulier, qui est qu'il y a 200 ans, l'Archidiocèse de Baltimore a été élevée comme un archidiocèse métropolitain, et au même moment, deux ou trois autres diocèses ont été créés… à Philadelphie, à Boston, à Louisville. C'est un moment de réflexion sur le passé, mais également sur l'avenir, sur la manière de répondre aux grands défis de notre temps qui se présenteront dans l'avenir.
Naturellement, les rencontres inter-religieuses et œcuméniques sont une partie importante de ce voyage, comme l'est la rencontre, dans la synagogue, avec nos amis juifs à la veille de leur Pâque. C'est l'aspect religieux et pastoral... l'église aux États-Unis en ce moment de notre histoire, et la rencontre avec tous les autres, dans cette humanité commune qui conduit à un sentiment commun de la responsabilité.
Ici, je tiens à remercier le président Bush qui va venir à l'aéroport et a consacré beaucoup de temps à notre rencontre, et qui va aussi me recevoir à l'occasion de mon anniversaire.
Le deuxième objectif est la visite à l'Organisation des Nations Unies, et là il y a un motif particulier. Cette année marque le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. C'est une manifestation de la philosophie qui a fondé l'ONU et de la base humaine et spirituelle sur laquelle elle est construite. Ainsi, c'est un moment de réflexion et de sensibilisation pour rafraîchir les consciences sur cet important moment de l'histoire, que dans la déclaration des droits de l'homme, des cultures différentes se sont réunies. Il y a une anthropologie qui reconnaît l'être humain comme un sujet de droits antérieurs à toutes les institutions, avec une valeur qui doit être respectée par tout le monde. Ce voyage en un moment de la crise des valeurs, nous donne l'occasion de nous appuyer sur ce qui a été entrepris alors et de l'exploiter pour l'avenir.

Lombardi: Nous allons maintenant passer aux questions que vous-mêmes avez présentées ces jours derniers, et que certains d'entre nous soumettront au Saint-Père. Nous commencerons par une question de John Allen, que je ne pense pas nécessaire de présenter. Il est bien connu comme commentateur des affaires du Vatican aux États-Unis.

Allen: Très Saint-Père, je vais poser ma question en anglais. Je sais que vous parlerez principalement en italien, mais nous serions reconnaissants d'au moins quelques mots en anglais. L'église catholique aux Etats-Unis est vaste et dynamique, mais aussi en souffrance, surtout en raison de la récente crise des abus sexuel. Le peuple américain attend d'entendre ce que vous avez à dire sur ce sujet. Quel sera votre message?

Benoît XVI:
C'est une grande souffrance pour l'Eglise aux Etats-Unis, pour l'Église en général, et pour moi personnellement, que cela ait pu se produire. "If I read the histories of these victims, it’s difficult for me to understand how it was possible that priests betrayed in this way their mission to give healing and to give the love of God to these children". Si je lis les histoires de ces victimes, il est difficile pour moi de comprendre comment il est possible que des prêtres aient de cette manière trahi leur mission de donner la guérison et de donner l'amour de Dieu pour ces enfants. "We are deeply ashamed, and we will do all that is possible that this cannot happen in the future". Nous sommes profondément honteux, et nous ferons tout ce qui est possible pour que cela ne puisse pas se produire à l'avenir.
Je pense que nous devons agir sur trois niveaux.
Le premier est le niveau de la justice, le plan juridique. Nous avons maintenant aussi des normes pour réagir d'une manière juste. Je ne voudrais pas parler en ce moment au sujet de l'homosexualité, mais de la pédophilie, [qui] est une autre chose. Nous exclurons absolument les pédophiles du ministère sacré, c'est absolument incompatible. Et celui qui est vraiment coupable d'être un pédophile ne peut pas être un prêtre. Donc, le premier niveau est, autant que nous le pouvons, de faire clairement la justice et d'aider les victimes, car elles sont profondément atteintes. Donc, [il existe] deux aspects de la justice, d'une part, que les pédophiles ne peuvent être prêtres, et d'autre part, d'aider les victimes par tous les moyens possibles.
Le deuxième niveau est le plan pastoral, le niveau de la guérison et l'aide à l'assistance et à la réconciliation. Il s'agit d'un grand engagement pastoral, et je sais que les évêques et les prêtres et tout le peuple catholique des États-Unis feront tout leur possible pour aider et guérir, et aider à ce que ces choses ne puissent pas se produire à l'avenir.
Le troisième point, [c'est que] nous avons inspecté (visitation) les séminaires, afin de faire aussi tout ce qui est possible dans l'éducation des séminaristes, pour une formation humaine et intellectuelle profonde et spirituelle, -avec discernement, afin que seules des personnes solides (sound) puissent être admises à la prêtrise, les personnes avec un profond amour personnel pour le Christ et un profond amour sacramentel, afin d'exclure que cela puisse se produire [de nouveau]. Je sais que les évêques et les recteurs des séminaristes feront tout ce qui est possible de sorte que nous ayons un solide discernement, car il est plus important d'avoir de bons prêtres que de disposer de beaucoup de prêtres. C'est aussi notre troisième niveau, et nous espérons que nous pouvons faire, et nous l'avons fait et nous le ferons dans le futur, tout ce qui est possible pour guérir cette blessure.

Lombardi: Merci, Votre Sainteté. Un autre thème sur lequel nous avons eu beaucoup de questions de nos collègues a été celui de l'immigration, reflétant la présence croissante d'Hispaniques dans la société des Etats-Unis. Nous avons une question de notre collègue Andres Beltramo, de l'agence Notimex, au Mexique.

Beltramo: Je poserai la question en italien, mais nous aimerions avoir une simple salutation en espagnol. Avec l'énorme croissance de la présence hispanique, l'Eglise catholique aux Etats-Unis devient de plus en plus bilingue et biculturelle. Pourtant, il y a aussi aussi un mouvement "anti-immigrés" croissant en Amérique. Avez-vous l'intention d'inviter les États-Unis à bien accueillir les immigrés, dont beaucoup sont catholiques?

Benoît XVI:
Malheureusement, je ne suis pas prêt à parler en espagnol, mais j'adresse un salut de bénédiction pour tous les hispanophones! Certainement, je vais parler de ce sujet. J'ai eu récemment la visite ad limina des évêques d'Amérique centrale, d'Amérique du Sud aussi. J'ai vu l'ampleur de ce problème, surtout le grave problème de la séparation des familles. C'est vraiment dangereux pour la vie sociale, humaine et le tissu moral de ces pays.
Il me semble que nous devons faire la distinction entre les mesures qui doivent être prises immédiatement, et les solutions à long terme. La solution fondamentale [serait] qu'il n'y ait plus aucune nécessité d'immigrer, qu'il existe suffisamment de possibilités de travail et un tissu social suffisant pour que nul ne sente plus le besoin d'immigrer. Nous avons tous à travailler pour cet objectif, que le développement social soit suffisant pour que les citoyens sont en mesure de contribuer à leur propre avenir.
Sur ce point, je tiens à parler avec le Président, avant tout parce que les États-Unis doivent aider les pays à se développer eux-mêmes. Le faire est dans l'intérêt de tout le monde, pas seulement ce pays, mais le monde entier, y compris les États-Unis.
À court terme, il est surtout très important d'aider les familles. Ceci est l'objectif premier, de faire en sorte que les familles soient protégés, et non détruites. Tout ce qui peut être fait, doit être fait. Naturellement, nous devons faire tout ce qui est possible contre l'insécurité économique, contre toutes les formes de violence, de sorte qu'ils puissent avoir une vie digne.
Je tiens également à dire que, bien qu'il existe de nombreux problèmes, tellement de souffrances, il y a aussi beaucoup d'hospitalité [en Amérique.] Je sais que la conférence des évêques d'Amérique collabore beaucoup avec la conférence épiscopale d'Amérique latine. Ensemble, ils travaillent pour aider les prêtres, les laïcs, etc. A côté de tant de choses douloureuses, il est aussi important de ne pas oublier beaucoup de bien et de nombreuses actions positives.

Lombardi: Merci, Votre Sainteté. Maintenant nous avons une question qui fait référence à la société américaine, la place des valeurs religieuses dans la société américaine, de notre collègue Andrea Tornielli, le Vaticaniste du journal Il Giornale.
Tornielli: Saint-Père, en recevant le nouvel ambassadeur des États-Unis d'Amérique, vous avez apprécié sous un jour positif la valeur publique de la religion aux Etats-Unis. J'aimerais demander si vous estimez que c'est également un modèle possible pour une Europe sécularisée? Et aussi, y-a-t'il un risque que la religion et le nom de Dieu puissent être abusés pour soutenir certaines prises de position politique, y compris la guerre? (voir ici le texte en italien de la question de Tornielli: http://blog.ilgiornale.it/tornielli/.. )

Benoît XVI:
Certes, nous ne pouvons pas simplement copier les États-Unis. Nous avons notre propre histoire, et nous devons apprendre les uns des autres.
Ce que je trouve fascinant sur les Etats-Unis, c'est qu'ils ont commencé par un concept positif de la laïcité. Ce nouveau peuple est composé de communautés et de peuples qui s'étaient séparés des religions d'état, et ils voulaient avoir un Etat laïque, ce qui ouvrirait des possibilités pour toutes les confessions et toutes les formes d'expression religieuse. C'était expressément un Etat laïque, et c'était directement opposé à la religion d'état. C'était laïque justement par amour de la religion, de l'authenticité de la religion, qui ne peut être vécue que dans la liberté. Ainsi, nous constatons que c'est un état expressément laïque , mais favorable à la religion afin de lui donner l'authenticité.
Nous savons que les institutions publiques en Amérique, bien que laïques, s'appuyent sur un consensus moral de fait qui existe entre les citoyens. Cela me paraît fondamental et positif de l'envisager, également en Europe. Mais dans l'intervalle, plus de 200 ans d'histoire se sont écoulés avec beaucoup d'évolution. Aux États-Unis aussi, il y a eu une nouvelle forme de sécularisation, une nouvelle laïcité, qui est entièrement différente. Ils ont aussi des problèmes nouveaux, tels que l'immigration, l'idéologie "Wasp" , et tous ces problèmes. La situation est devenue compliquée et différenciée dans le cours de l'histoire, mais il me semble que l'idée fondamentale mérite aujourd'hui encore,d'être observée.

Lombardi: Merci, Votre Sainteté. Maintenant nous allons avoir la dernière question, qui porte sur le thème de la visite à l'ONU. Elle sera posée par John Thavis, le chef du bureau de Rome du Catholic News Service.

Thavis : Très Saint-Père, le pape est souvent considérée comme la conscience de l'humanité, et c'est l'une des raisons qui font que votre discours à l'ONU est très attendu. Pensez-vous qu''une institution multi-latérale telle que l'ONU puisse protéger les principes non négociables défendues par l'église catholique, c'est à dire ceux ancrés dans la loi naturelle?

Benoît XVI:
C'est précisément l'objectif fondamental de l'ONU, protéger les valeurs communes de l'humanité sur lesquelles la coexistence pacifique des nations est fondée, la poursuite de la justice et du développement contre l'injustice. Il y a une idée que j'ai déjà évoquée, qui me semble fondamentale pour l'ONU, et c'est l'idée des droits de l'homme, les droits exprimés par eux-mêmes comme non négociables, dans toutes les situations, sont les principes fondamentaux de l'institution. Il est important qu'il y ait cette convergence entre les cultures, qui trouve un consensus dans le fait que ces valeurs sont fondamentales et sont écrites dans l'être de la personne humaine. Pour renouveler cette prise de conscience, que l'ONU avec sa mission de maintien de la paix ne peut fonctionner que si elle est fondée sur les droits fondamentaux, détenue en commun par tous. Confirmer cette conception fondamentale et la renforcer autant que possible est l'un des objectifs de ma mission.

Au début, le Père Lombardi m'a interrogé sur mes sentiments. J'aimerais dire que je viens avec joie. J'ai été aux États-Unis à plusieurs reprises, je connais ce grand pays, et je connais aussi la grande vie de l'Eglise, malgré tous les problèmes. Je suis heureux de pouvoir rencontrer en ce moment historique, à la fois grâce à l'église et à ma visite à l'ONU, ce grand pays.