Ne les laissons pas seuls: pour une fois, il n'est pas question du Pape, mais de la situation de l'Ouganda et de l'Éthiopie, particulièrement menacés, par la conquête islamique. Commentaire et traduction de Carlota (23/7/2010)

Carlota

Une fois n’est pas coutume, dans son dernier éditorial, José Luis Restán ne parle pas directement du Pape, et fait preuve d’un certain pessimisme et même de révolte devant l’indifférence face à la situation de l’Ouganda et de l’Éthiopie, particulièrement menacés, comme peut-être jamais dans leur histoire par la conquête islamique.
Le journaliste critique l’absence de réaction des politiques et des médias, mais semble-t-il aussi de l’Église, et fait appel au sens de la justice et de l’intelligence historique.
Si personnellement je suis persuadée que l’Église catholique fait déjà beaucoup (et notamment avec des œuvres comme l’Aide à l’Église en Détresse et l’Œuvre d’Orient), je crains malheureusement que ce qui s’est passé dans les Balkans, avec le soutien par les grandes puissances des populations converties à l’islam, contre les populations chrétiennes (cf la récente nouvelle légitimation de l’auto-proclamation du Kosovo indépendant) n’ait déjà été à « petite » échelle le prélude aux erreurs (voulues ?) historiques et à l’injustice.

Ne les laissons pas seuls.
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Le 11 juillet dernier, quatre-vingts personnes ont été assassinées dans un bar de Kampala (en Ouganda) alors qu’ils étaient en train de regarder la finale du Mondial de football. L’horrible tuerie s’inscrit dans la folie idéologique de l’hydre Al Qaïda qui étend ses tentacules d’une manière inquiétante sur la côte orientale de l’Afrique. La réaction impavide de la presse occidentale surprend, tout comme la rareté des analyses des chancelleries. Parce que nommer l’horreur et la juger est essentiel pour toute civilisation. Et parce que ce qui est en marche nous affecte beaucoup plus que ce que nous voudrions reconnaître.

Un chef de la milice Al Shabah, la fraction somalienne d’Al Qaïda, se félicitait après la nouvelle, et expliquait la « justice » de l’évènement : « L’Ouganda est un pays d’infidèles qui lutte contre l’expansion de l’islam, ils ont mérité leur châtiment ». On ne peut résumer mieux en en moins de temps. Je me demande si quelqu’un en Occident, au-delà de la première réaction d’horreur, a médité sur cette assertion. Bien sûr il y a une explication immédiate, l’implication de l’armée ougandaise dans la force africaine qui essaie de stabiliser le quasi impossible embryon d’état somalien. Comme le dit le confrère Roberto Fontolan (Ndt: directeur de l’organisme Oasis que nous avons déjà évoqué ici), « La Somalie est un trou noir, absolument hors de contrôle, qui tend à élargir ses bords ». La corne de l’Afrique n’est pas seulement un pourrissoir dans lequel s’enterrent les efforts de l’ONU, de l’OUA et des Etats-Unis mais aussi la nouvelle frontière du djihadisme d’Al Qaïda qui cherche désespérément de nouveaux théâtres de lutte et qui a trouvé là un terrain le plus fertile qu’on puisse imaginer

Le même Fontolan lance dans Il Sussidiario l’hypothèse que dans un futur pas très éloigné, à côté des théâtres de guerre de l’Irak et de l’"Afghanistan-Pakistan", l’environnement somalien se transformera en un nouveau cauchemar pour la communauté internationale. Parce que là-bas, le terrorisme islamiste a déjà rencontré une nouvelle pépinière et un nouveau front où déployer son défi. Mais il y a une lecture complémentaire qui nous amène de nouveau à l’horrible justification du génocide déjà cité, l’Ouganda (situé très clairement dans la zone d’influence somalienne) est l’un des pays d’Afrique où la foi chrétienne (et plus spécialement catholique) est le plus profondément enracinée. Rappelons-nous qu’en 1969, à une époque où les voyages papaux étaient encore une étrange nouveauté, Paul VI fit le voyage à Kampala pour rendre hommage aux martyrs ougandais. Et certainement, dans ce pays souffrant, la foi a germé en des témoignages d’une extraordinaire valeur dans tous les domaines : éducatif, sanitaire et culturel. On comprend que les bouchers d’Al Qaïda ressentent une aversion particulière envers ce singulier pays, tellement oublié de la grande presse.

Mais même avant ce chapitre, certainement inscrit dans l’imaginaire particulier de la terreur salafiste, il y en a un autre qui se pose déjà avec une terrible acuité. Je fais référence à l’Éthiopie, le pays chrétien le plus ancien d’Afrique avec l’Égypte, qui a maintenu sa tradition chrétienne à l’abri de la marée islamique qui a inondé la frange nord du continent. L’Éthiopie est une pièce majeure dans cette sinistre bataille dont nos sociétés occidentales préfèrent ne pas entendre parler. C’est une pièce qui peut tomber, si l’intelligence politique et historique de l’Occident continue à offrir une mesure aussi rachitique que celle qu’elle met en évidence ces derniers temps. Cela ne servira pas à grand-chose, après cela, d’enliser Petraeus et ses petits gars dans le bourbier (Ndt référence au général nord-américain David Petraeus, commandant en chef de la coalition en Irak en 2007, qui vient de prendre le commandement des forces déployées en Afghanistan).

Le défi est formidable et touche tous les domaines: économique, politique, militaire et bien évidemment religieux. Si l’anomalie éthiopienne était abolie et si l’empire brutal du Wallabisme se projetait sur le flanc de l’Afrique, nous serions devant une authentique tragédie historique. Tout d’abord pour les millions d’habitants de cette région, qui pâtiraient en leurs chairs de l’irrationalité de cette idéologie brutale. Mais par la suite pour la communauté internationale entière, qui s’en ressentirait durablement durant des décennies.

C’est pour cela que le mutisme maladroit de la presse, la réponse bien chiche des chancelleries européennes et la somnolence de nos intellectuels surprennent. Une réflexion ecclésiale sur le futur de ces deux pays serait aussi nécessaire (Ndt je crois que l’Église romaine ne manque pas de la faire déjà cette réflexion !), pris dans l’épouvantable faille de ce mouvement sismique des débuts du XXIème siècle. Au moins l’Église universelle, avec ses divers moyens, ne peut les laisser à leur sort. C’est une question de justice et d’intelligence historique.

Texte original sur le site www.cope.es: http://tinyurl.com/2w42bxv