Pourquoi l'ordination des femmes et la pédophilie par des clercs ne sont pas sur le même plan, et pourquoi le Saint-Siège n'a pas commis de "faute de goût" en rassemblant les deux délits dans le même document. (23/7/2010)

Femmes prêtres (*) Pas de quoi rêver!!

Il y a maintenant 16 mois, une polémique se déchaînait contre l'Eglise, avec l'affaire d'une fillette brésilienne enceinte de jumeaux, et contrainte à avorter. Un épisode tristement connu sous le nom de "l'affaire de la fillette de Récife" (voir ici). Ne nous leurrons pas, c'est le Saint-Père qui était visé alors, dans la foulée de l'affaire Williamson, car l'archevêque de Récife n'était évidemment que du menu fretin.
Mme de G., sur son blog de La Croix, avait été parmi les premières à lâcher la meute, avec ce billet mémorable, intitulé: Triste journée de la femme…enfant .
L'auteur(e) y semblait ne pas bien comprendre ce qu'était précisément l'excommunication... à moins qu'elle n'ait décidé de laisser ses lecteurs dans l'ignorance, pratiquant l'amalgame entre la situation de la fillette (bien oubliée depuis lors, la pauvrette, par les professionnels de la compassion!), et celle de l'évêque négationniste, afin de susciter l'indignation des gentils lecteurs.
La même personne persiste, et récidive aujourd'hui - sans trop de succès, période de vacances oblige - avec cette fois les nouvelles normes canoniques sur les délits les plus graves (*), où l'ordination féminine est selon elle mise sur le même plan que les actes de pédophilie.
Elle écrit en effet sur son nouveau blog Une foi par semaine :

Faute de goût, pour le moins… La congrégation pour la Doctrine de la foi aurait pu éviter de publier, dans le même texte, les sanctions pénales contre les prêtres coupables d’actes pédophiles, et contre ceux qui ordonnent des femmes prêtres.
(...)
De toute façon, le débat (???) sur les femmes prêtres a été fermé, avant même qu’il puisse avoir lieu, lorsque Jean-Paul II a déclaré, en 1994, que le refus de l’Église catholique d’ordonner des femmes prêtres appartenait au «dépôt de la foi», c’est-à-dire à l’enseignement infaillible de cette Église, qui exige de la part des fidèles un «assentiment définitif».
Définitif?
Il y a cependant fort à parier qu’un jour, en 2167 (ndlr: j'avais cru comprendre que le "grand soir" était pour 2035: là le pari est sans risque, nous ne serons plus là... mais je suis presque sûre qu'elle se trompe!) par exemple, un texte du pape d’alors décrétera que «selon une longue tradition… nous estimons devoir appeler au presbytérat des fidèles de l’un et l’autre sexe».

Un texte gravement militant, surtout émanant de la directrice du service "religion" du principal quotidien 'catholique' français, La Croix, et surtout en désaccord formel avec le magistère.
Certes, elle a le droit d'écrire ce qu'elle veut (mais on a le droit de lui répondre)!
Certes aussi Benoît XVI n'est pas cité (mais c'est lui qui est visé)!
Pour mémoire, relire ici ce qu'il disait dans le 1er livre d'entretiens avec Peter Seewald, de l'ordination sacerdotale féminine...

La CDF a peut-être fait une faute de goût... mais que dire de Mme de G?
A moins qu'il ne s'agisse que d'ignorance: nous allons donc lui expliquer le sens pour l'Eglise de l'excommunication. L'un des vaticanistes de la RAI, Aldo Maria Valli s'est collé à l'exercice et a écrit sur le sujet, pour Il Foglio, un texte très pédagogique, qu'on pourrait appeler "le droit canon pour les nuls"!!! Vraiment très clair.

Ma traduction:

Graviora delicta
Aldo Maria Valli, Il Foglio, 20 juillet 2010
Voilà pourquoi l'Église catholique sanctionne par l'excommunication , le sacerdoce des femmes
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L'opinion publique a été déconcertée par le fait que, dans les nouvelles règles du Vatican présentées ces derniers jours sur les crimes les plus graves ( " Normae de gravioribus delictis " ) il est prévu l'excommunication pour celui qui consacre une femme prêtre et aussi pour la femme qui reçoit la consécration (article 5) , alors que pour le clerc taché de pédophilie ou d'acquisition et de détention d'images pédo-pornographique (article 6) il n'y a pas d'excommunication .

Pour comprendre et expliquer le pourquoi (et en implorant d'avance la clémence des canonistes pour le langage non-spécialiste que nous allons utiliser) , il faut avant tout se poser la question de ce qu'est l'excommunication. Si dans la mentalité courante, il s'agit de la plus grande punition qu'un catholique puisse recevoir de l'Eglise (un peu comme d'être jeté dans les flammes de l'Enfer ) , en réalité, au sens littéral, l'excommunication n'est rien d'autre que l'action de mettre en dehors de la communauté en raison d'un comportement donné.
Quand se met-on dans les conditions d'être éloigné de la communauté ? Quand on ne respecte pas certaines règles reconnues comme fondamentales par la communauté elle-même.

Pensons, dans une comparaison footballistique audacieuse mais peut-être plus compréhensible pour le plus grand nombre , au joueur qui est expulsé par l'arbitre pour une faute grave ou un comportement injurieux ou anti-sportif. Ayant enfreint une règle fondamentale pour le déroulement du jeu, il est chassé, dans la pratique, il est "excommunié". C'est le cas du prêtre qui ordonne une femme prêtre et de la femme qui se fait ordonner.

Puisque la théologie actuelle ne prévoit pas pour une personne de sexe féminin la possibilité de recevoir l'ordre sacré , le droit canon (qui n'a pas de compétence théologique, mais seulement normative) en tire les conséquences sur le plan disciplinaire et dit: là, il ne s'agit pas d'une vraie ordination, mais d'une fiction , d'une simulation . Il se pourrait aussi qu'un jour, un Pape décide de changer la théologie et d'admettre les femmes à l'ordination sacrée, mais tant que la théologie est ce qu'elle est, le droit canon en prend acte et excommunie , c'est à dire expulse, met hors de la communauté celui qui ne respecte pas cette règle de base .


Un cas différent
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Différent est le cas du prêtre pédophile qui se procure du matériel pédo-pornographique. Ici, nous ne sommes sommes pas sur le plan de la règle de base partagée par la communauté , mais sur celui du comportement individuel et du péché contre le sixième commandement (ndt: tu ne commettras pas d'impuretés).

En conséquence , puisque ce qui est en jeu n'est pas une une règle contraignante pour tous, mais un acte moralement illicite, il ne sert à rien d'intervenir avec le «carton rouge» de l'excommunication . En effet , la punition est la réduction à l'état laïc, en pratique, un «licenciement» qui vous prive de l'état et de la fonction que vous aviez.
Beaucoup de gens pensent que, puisque dans un cas il y a excommunication, et pas dans l'autre, le Vatican estime « plus grave » l'ordination d'une femme que le comportement d'un prêtre pédophile. Ce n'est pas le cas. Il s'agit en fait de deux questions différentes , et elles sont abordées en tant que telles par le droit canon .

A ceux qui se demandent pourquoi l'ordination d'une femme est considérée comme un "crime grave", il faut répondre sur le plan théologique , et la réponse est que, en 1994, le Pape Jean- Paul II a établi (avec la lettre apostolique "Ordinatio Sacerdotalis" ) que le refus de l'Eglise catholique d'ordonner des femmes prêtres appartient au "dépôt de la foi" et à l'enseignement infaillible de l'Eglise elle-même, ce qui détermine également la requête d'un "consensus définitif" des fidèles sur ce refus .

Cette vision théologique changera-t-elle un jour ? Certains le souhaitent , d'autres pas .
L'affaire n'est de toutes façons pas une question de droit canon , qui n'entre pas dans les contenus théologiques, mais doit établir les règles applicables à la communauté .

Aldo Maria Valli
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(*)
-> Femmes prêtres dans les délits les plus graves
-> Femmes prêtres (II)
-> Les délits les plus graves

Image ici.