Homélie de Monseigneur José Ignacio Munilla, évêque de Saint Sébastien, à Loyola.
Traduction de Carlota (4/8/2010)

Monseigneur José Ignacio Munilla, l’évêque de Saint-Sébastien (Pays Basque espagnol) lors de son homélie dans la Basilique de Loyola, le 1er août, n’a pas hésité à parler du politiquement correct qui voudrait un « évangile décaféiné » et consensuel qui plairait à tous.
Ajoutons qu'il n'est pas inopportun de mettre sous les yeux des catholiques le parcours d'un VRAI converti, au moment où les faux quittent la barque quand elle est assaillie (cf: Ann Rice cesse d'être chrétienne )

Loyola, 1er août 2010
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Chers prêtres co-célébrants,
chère communauté jésuite,
pieux et amis de Saint Ignace,
Messieurs et Mesdames les autorités,

Nous célébrons cette fête profondément enracinée dans notre diocèse et dans notre société de de Guipuzcoa (1) …Il ne s’agit pas seulement de maintenir cette tradition par esprit de continuité, dans le souci pur de ne pas la perdre, ou par simple fidélité à ceux qui nous ont précédés. Fêter chaque année la fête de notre Saint Patron est une bonne occasion pour réorienter le cap de notre vie, en renforçant en nous tant de valeurs impérissables qui ont inspiré la vie d’Ignace et qui continuent à être de pleine actualité pour nous tous.

Je me permets de commencer cette homélie en rappelant et précisant le concept de « patron », de « saint patron »… L’étymologie du mot « patron » nous ramène à un autre terme duquel dérive « pater », « père ». « Patron » vient de « père ». Rappelons-nous que nous avons un « patron », c’est nous rappeler que Dieu est notre Père ; qu’il nous aime, qui prend soin providentiellement de nous, il nous protége et il nous guide…Mais en ajoutant une nuance : Dieu guide personnellement chacun de nous, mais aussi tout notre peuple, comme il le fit avec le Peuple d’Israël. De même il chemine à côté de ce Peuple Basque, qui pérégrine dans le diocèse de Saint-Sébastien… Avec gratitude et reconnaissance, nous ceux de Guipuzcoa, nous nous glorifions d’avoir Saint Ignace comme Saint Patron. Hier cela faisait précisément quatre cents ans que la Ville d’Azpeitia avait proclamé Saint Ignace comme son Saint Patron (2). C’était le 31 juillet 1610, alors que seulement un an s’était écoulé depuis sa béatification. Dix ans plus tard, en 1620, il fut proclamé Saint Patron de Guipuzcoa.

Or, en parlant de Saint Ignace comme de notre « Patron », nous pouvons peut-être nous trouver entourés de pensées triomphalistes, qui nous fassent oublier qu’il n’y a pas de gloire sans croix…Saint Ignace dut en supporter beaucoup, énormément d’incompréhensions et de contrariétés, avant d’être reconnu comme saint ou comme patron. Plus encore, sûrement nous qui le vénérons et l’appelons « Patron », nous continuons à participer à ces incompréhensions. Les saints ont l’habitude de casser la logique humaine, jusqu’au point de s’avérer gênants parce que le témoignage de leur vie et ce qu’il dénonce de vive voix, laisse à découvert notre médiocrité et nos incohérences.

Le premier degré d’incompréhension dont souffrit Ignace fut dans sa propre famille.
Jusqu’à un certain point la conversion d’Iñigo (3) pouvait être une bonne nouvelle pour les siens parce qu’ils comprenaient que ce pas l’aiderait à «poser sa tête », après bien des épisodes d’une vie frivole (4) . Mais très certainement il n’était pas entré dans les projets de la famille une approche de la vie chrétienne si radicale, jusqu’à en arriver à rompre avec ses origines nobles (Abandon de tous ses biens, voyage à pied et dans le plus grand dénuement en Espagne, aide aux pauvres, puis ses études à Paris et bien plus encore…).

En effet, cela continue à être aussi une tentation de nos jours. Dans une certaine mesure nous reconnaissons le fait religieux, comme un élément qui peut contribuer à l’éducation et à la stabilité dans une société qui a bien besoin de valeurs. Cependant, nous avons aussi l’habitude de regarder d’une manière soupçonneuse les projets de cohérence et d’exigence évangélique, qui avec facilité reçoivent injustement l’étiquette « d’exagérés » ou « de radicaux ». Il semble qu’aujourd’hui le « politiquement correct » doive être « un peu » frivole, ou « un peu » religieux : mais sans exagérer dans un sens comme de l’autre…Il est arrivé aussi à Saint Ignace quelque chose de semblable. Nous devons reconnaître que bien que nous vivions dans une culture aux racines chrétienne, il existe une tendance collective marquée à « domestiquer et rabaisser le fait religieux », à « décaféiner » la force de l’Évangile, à le réduire à une série de valeurs communément consensuelles, en mettant dans un coin tout ce qui en lui présente des contrastes excessifs.

Mais l’incompréhension ne l’accompagna pas seulement dans le milieu familial. Également à l’Université de Paris, Ignace eut à souffrir des contradictions. Ignace enthousiasmait quelques jeunes dans l’idée de suivre le Christ, ce qui entraîna la suspicion des autorités académiques…C’était comme si ces jeunes avaient perdu la tête de sa faute. Ignace est jugé comme un prosélyte qui fait violence à la conscience de ceux qui l’écoutent…Une fois de plus la maxime de l’Évangile s’accomplit : « Le Royaume de Dieu souffre de la violence » (Mt 11,12). Mais Ignace comprenait que la plus authentique œuvre de charité c’est l’apostolat, le zèle pour rapprocher les autres du Christ ; et sa conscience ne lui permettait pas de se taire, même si cela lui entraînait des complications et des problèmes.

Prenons en compte que c’est toujours le signe de l’Église dans sa tâche d’étendre le Royaume de Dieu : l’incompréhension. Alors comme aujourd’hui, et aujourd’hui comme alors, l’incompréhension et la persécution ne vont pas contre ceux qui ont assumé la pensée unique, dans un pacte avec le politiquement correct, mais contre ceux qui oeuvrent en cohérence avec leur foi catholique.

Certainement aujourd’hui nous commémorons notre Saint Patron, au milieu d’une ambiance de fête…mais c’est justice de se rappeler que l’une des premières difficultés que Saint Ignace dut affronter fut la Contre - Réforme, comme on le voit représenté dans quelques uns des bas-reliefs de cette splendide Basilique de Loyola. Une fois de plus, la tâche d’Ignace fit son chemin au milieu de beaucoup de difficultés. Ses fils de la Compagnie de Jésus récupérèrent une bonne partie du terrain perdu par l’Église catholique après la Réforme de Luther, et ils le firent en utilisant la rigueur et la charité. C’est ainsi que Saint Ignace conseillait les pères jésuites qui allaient fonder un collège en Allemagne, se rapprochant des protestants : « Ayez grand soin de prêcher la vérité de telle sorte que, si par hasard il y a dans l’auditoire un hérétique, cela lui serve d’exemple de charité et de modération chrétiennes. N’utilisez pas des mots durs et ne montrez pas de mépris envers ses erreurs ».

Il n’y a pas de doute que c’est aussi dans ce style que Saint Ignace usa pour affronter la Contre-Réforme, qu’il continue à être pour nous tous un « Saint Patron » et un « modèle ». En effet le moment présent nous porte de façon évidente au relativisme religieux. On affirme d’une manière erronée que toutes les religions sont égales. Mais, en même temps, nous voyons aussi que les fondamentalismes guettent l’Occident, en occupant le vide intérieur que le relativisme est en train de laisser dans notre culture. Saint Ignace concilie dans son style « l’amour de la vérité » et la « charité » ; la fermeté et la patience ; le témoignage complet de la foi catholique et la tolérance avec ceux qui vivent dans l’erreur.

Et comme déjà souligné, dans l’actualité de la figure de Saint Ignace, comment ne pas faire mention de son intuition éducative ? Durant la vie du Saint, des universités, des séminaires et des collèges dans diverses nations furent fondés. On peut dire que Saint Ignace posa les fondements de l’œuvre éducative dont il faudra rendre hommage à la Compagnie de Jésus et qui allait tellement se développer avec le temps. La clef du succès du modèle éducatif ignacien est dans l’intégration de la « rigueur académique » et de « l’espérance chrétienne ». Au milieu de l’échec éducatif dont nous avons à pâtir à notre époque, il faut se rappeler que « l’éducation » a besoin « d’espérance », comme la natation a besoin d’eau.

Chers frères, vivons dans la joie cette fête et rendons grâce à Dieu pour le privilège d’avoir un Saint Patron comme Ignace; mais assumons en même temps la responsabilité d’être des témoins de son exemple, avec nos œuvres. Invoquons Dieu comme Père, Marie comme Mère, et Ignace comme Saint Patron ; en même temps, soyons appelés à vivre la fraternité avec tous, sans distinction. Sous sa protection, nous nous mettons aujourd’hui, et tout notre peuple…À lui nous lui demandons qu’il nous aide à parcourir le chemin de la vie dans l’espérance et toujours sous l’aimable regard de Dieu notre Père, et dans la main de Notre Mère Sainte Marie. Que Dieu vous bénisse !

Original de l’homélie : http://infocatolica.com/?t=ic&cod=6962

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Notes

(1) Autour de Saint Sébastien, la plus septentrionale et petite des provinces basques espagnoles

(2) Ignace de Loyola naquit dans cette ville le 24 octobre 1491

(3) Le futur saint changea par la suite son prénom en Ignace, en hommage au Saint martyr d’Antioche

(4) Ignace de Loyola, jeune homme noceur, compromis même dans des affaires de duel voire de meurtre, fut en tant que militaire, très gravement blessé à la jambe, en combattant les Français au siège de Pamplune. Retenu de longs mois sur son lit, et n’ayant trouvé à lire que des œuvres pieuses, il commença à se remettre en question

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