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LA CRISE DES VOCATIONS ET LE MARIAGE DES PRÊTRES
 

L'évêque du diocèse de Santander, de retour des JMJ, répond à des questions d'un journal local, abordant de multiples thèmes, parmi lesquels son refus d'associer la pénurie de prêtres à l'obligation du célibat. Traduction de Carlota.(7/9/2011)




 

Carlota

Les journaux mettent beaucoup en avant, avant chaque visite pastorale du Pape, le manque de prêtres catholiques qui serait lié au fait que ceux-ci ne pourraient se marier comme tout le monde (enfin de moins en moins de monde…et d’autant que de malheureuses femmes opprimées par une église machiste continuent à ne pouvoir être ordonnées !).
La presse nationale espagnole dont le País a évidemment ouvert ses colonnes aux contestataires.

L’Évêque de Santander (*), Mgr Vicente Jiménez Zamora (né en 1944, ordonné en 1968, évêque de ce diocèse depuis 4 ans), et de retour des JMJ, a été interrogé par une journaliste du périodique local El diario montañés, sur diverses questions dont la pénurie de prêtres.

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Texte original en espagnol: El diario montañés
En italique, les commentaires et questions de la journaliste Rosa M. Ruiz .




 

Monseigneur Vicente Jiménez, Évêque de Santander, croit qu’à la base il faut fortifier la foi de toute l’Église et il assure que les JMJ « ont été des semailles qui donneront de grands fruits ». Son esprit et son coeur sont pleins des expériences des deux dernières semaines. La rencontre avec le Pape, l’accueil et la fraternité vécus en Cantabrique avec l’arrivée des jeunes pèlerins, la joie évangélisatrice de la jeunesse…
Monseigneur Vicente Jiménez sait que l’Église a eu une plus grande visibilité ces jours-ci. Une proximité avec la société qui doit être la meilleure carte de visite de l’évangélisation. Avec, dans son cas, celle « d’un pasteur pour tous » , conscient de l’importance du travail pastoral des prêtres (« S’ils disparaissaient la Cantabrique serait autre chose »), comme « défenseurs du bien commun et annonciateurs de la Vérité » ...

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Rosa M. Ruiz: On accuse toujours les jeunes d’immobilisme et cependant ces derniers mois ils sont descendus dans la rue. D’abord ce furent ceux du mouvement du 15-M (ndt: les « indignés » qui ont pris position sur la place de la Puerta del Sol de Madrid à partir du 15 mai 2011), et maintenant les catholiques qui se sont impliqués avec la visite du Pape.

Monseigneur Vicente Jiménez:
C’est que peut-être ce qui remue le ressort du coeur d’un jeune c’est de faire une société meilleure. La différence est que tandis que certains sont désenchantés, les autres sont pleins d’espérance. Certains veulent changer le monde par des moyens constructifs, démocratiques et respectueux et d’autres ont préféré des méthodes plus violentes et en usant plus de la force.

- L’Église est très fière du comportement de ses jeunes lors de la visite du Pape. Est-ce qu’on s’y attendait ?
- Ça a été une expérience inoubliable et un immense plaisir de voir presque deux millions de jeunes de 130 pays vivrent ces journées avec tant de joie et se sentir Église avec Dieu. Il est encore trop tôt pour faire un bilan mais je crois que le terrain a été bien ensemencé. Il y a eu des semailles qui peuvent donner de grands fruits.

- Les jeunes sont venus de façon massive aux JMJ. Participent-ils avec la même joie aux restes des activités de l’Église ?
- La majorité des participants des JMJ ne sont pas arrivés à Madrid d’une façon isolée, mais organisés par groupe dans leur diocèse. Ce qui veut dire qu’ils avaient déjà réalisé un parcours. À Santander, les 300 jeunes qui y sont allés avaient un an de préparation. Nous, l’Église, nous avons en eux une garantie de futur et cela nous oblige à ce que prêtres et évêques nous préparions un plan pastoral très bien élaboré pour que cette récolte ne se perde pas.

- Vous avez été l’un des évêques confesseurs durant ces journaux et vous avez eu des relations directes avec beaucoup de volontaires. Vous lanceriez-vous dans une radiographie de la jeunesse?
- Le profil est celui d’universitaires de quelques 22 ans. J’ai eu des contactes directs avec des dizaines d’entre eux, surtout des pays d’Amérique latine, qui sont très démonstratifs et sentimentaux. Ils ont été très spontanés, ils demandaient même de faire des photos avec nous. Ils contrastaient avec le sérieux de ceux des pays du centre et de l’est de l’Europe, mais ils savaient passer de l’explosion de la fête et de la joie, au silence, à la réflexion et à la prière. J’ai aussi noté que malgré cette différence culturelle et même linguistique, ils ont une problématique commune, c’est de connaître dès maintenant ce que va être leur futur. Ils m’ont parus être une jeunesse saine et très impliquée par rapport à leurs pays.

- Peut-être dans les messages de Benoît XVI a-t-on regretté l’absence d’allusion à cette problématique, surtout par rapport à l’emploi…

- Je crois que si l’on lit attentivement ses messages, il y a plusieurs allusions à ces moments difficiles dont souffrent les jeunes. Le Saint Père est venu leur dire de collaborer entre eux tous pour y remédier. Il a fait plusieurs appels à la collaboration et aux responsables des nations pour qu’ils créent les conditions nécessaires de développement matériel pour les jeunes.

- Et que diriez-vous à tous ceux qui ont critiqué la visite du Pape?
- L’Église respecte les critiques mais elle demande aussi l’objectivité dans l’analyse des données. Les JMJ ont entraîné une perfusion économique, surtout pour l’hôtellerie et le tourisme. Il n’y a jamais eu autant d’occupation hôtelière en août à Madrid (qui a monté de 40 à 70%). Le Gouvernement ne s’est pas investi au niveau économique dans la visite. Si des installations ont été prêtées, cela m’a paru logique car les jeunes qui ont assisté aux JMJ contribuent aussi au trésor public.

- Le 9 septembre prochain cela fera 4 ans que vous êtes évêque de Santander. Quel bilan faites vous?
- Cela a été des années très intenses avec une grande activité. L’une des choses que j’ai le plus aimé réaliser a été de promouvoir la pastorale des vocations: pour cela j’ai restauré le Petit Séminaire et bien que pour l’instant il n'y ait pas beaucoup de vocations, il est bon qu’il y ait un séminaire qui soit comme une réclame et comme un appel pour les adolescents, pour des jeunes garçons qui sentent l’appel comme un indice et qui puissent le cultiver dans une ambiance saine.

- Comment avez-vous trouvé le diocèse?
-Ce qui me préoccupe le plus c’est de fortifier la foi de tous les secteurs que nous formons, nous l’Église, parce que s’il y a un renouveau fort des prêtres, il y aura aussi une efficacité apostolique et pastorale très forte. Ce qui me plairait aussi c’est que les laïcs soient conscients du moment que nous vivons et qu’ils vivent leur vocation particulière. Ils doivent être bien formés pour être le sel du monde et la levure au milieu de la pâte. Je crois que les laïcs peuvent être un levier de transformation.
...

- Le manque de prêtres fait que les paroisses ferment en Cantabrique (ndt: zone centrale montagneuse de la Cantabrique qui compte de très belles églises du XIIème siècle mais qui perd ses habitants dont la moyenne d’âge est de plus en plus élevée).
- Nous avons 315 prêtres pour tout le diocèse qui compte 615 paroisses (**). Parmi eux 103 ont plus de 75 ans. Il n’y en a que 200 de moins de 75 ans (âge de la retraite), pour pouvoir servir dans le diocèse. De moins de cinquante ans il y en a 60. Il manque une relève générationnelle car l’âge moyen des prêtres en Cantabrique est d’environ 66 ans. Ce qui fait qu’il faut remettre en question des présences et refondre des paroisses. Dans beaucoup de villages nous devons avoir des unités pastorales. Cela ne veut pas dire que l’on néglige les fidèles mais qu’on s’en occupe d’une autre manière. Nous ne pouvons pas continuer à servir le diocèse comme il y a vingt ans. Il y a un déséquilibre entre les ordinations et les décès. Nous devons nous arrêter pour réfléchir et voir comme faire front pour l’évangélisation.

- Le plus grand problème du diocèse est peut-être le manque de vocations?
- C’est préoccupant. Au grand Séminaire dix élèves ont terminé l’année scolaire. Deux vont être ordonnés au mois d’octobre, jour de la Vierge du Pilier (ndt: 12 octobre). Un autre attendra jusqu’à la Saint Joseph en mars 2012 et il restera 7 séminaristes. Au Petit Séminaire, il y a trois élèves. Il faudrait qu’il en entre un peu plus pour que le centre soit un embryon qui se développe et que puissent venir d’autres s’ils sentent l’appel de Jésus. Je l’ai pris en charge avec beaucoup d’espoir. On doit soutenir la vocation parce que c’est une vie de sacrifice mais aussi très belle. Il n’y a pas de plus grande joie que de se donner et faire le bien des autres. Nous devons encourager les jeunes pour qu’ils sentent l’appel, qu’ils n’aient pas peur et qu’ils sentent que s’ils entrent dans ce chemin du sacerdoce, leur mission sera belle et en faveur des autres.

- L’église ne devrait-elle pas accorder des facilités à tous ceux qui sentent cet appel de Dieu, par exemple même s’ils sont mariés?
- Je ne le crois pas. La vocation doit être exigeante et sans concession. Certains croient que si nous enlevons l’obligation de célibat et permettons le mariage, parmi les prêtres il y en aurait plus. Je ne le crois pas. Dans l’église protestante il n’existe pas l’obligation de célibat et ils ont moins de vocation que dans l’Église catholique. Le sujet n’est pas le célibat oui ou non. Le sujet est que si un jeune veut mettre à disposition sa vie parce qu’il a eu l’appel du Seigneur, il doit être très généreux. Et c’est certain qu’il doit disposer de conditions qui rendent cette décision plus facile, comme le soutien familial. Il y a beaucoup de cas de parents qui s’y opposent. La communauté chrétienne doit les entourer et la société montrer que cette vocation a un sens. Il semble qu’aujourd’hui on donne plus de valeur à une profession comme celle de médecin ou d’ingénieur et pas au sacerdoce. Il n’y a pas de reconnaissance sociale. Au mieux nous ne sommes pas aussi professionnels que les autres, mais nous rendons un grand service. Que serait la société cantabrique si du jour au lendemain disparaissaient tous les prêtres et leur dévouement ? La Cantabrique serait autre chose.

- Quel secteur de la population cantabre participe le plus aux activités de l’Église?
- Au niveau du Culte et de l’Eucharistie, ce sont les personnes les plus âgées qui viennent le plus. Dans la mission d’amour et de solidarité, nous comptons sur des personnes d’un âge moyen et puis il y a un groupe minoritaire très actif de jeunes qui veulent être le ferment des autres jeunes dans les universités, les collèges, les paroisses .




Notes du traducteur

(*) Le diocèse de Santander, situé entre les diocèses maritimes du Pays Basque espagnol et du principat des Asturies, est de création relativement récente (milieu du XVIIIème siècle), mais est le lointain héritier d’un premier siège épiscopal du VIIIème siècle (Amaya).
Le diocèse correspond plus ou moins à l’actuelle communauté autonome (créée en 1981) de Cantabria en référence aux Cantabres, des peuples celtes qui s’opposèrent âprement aux Romains qui convoitaient leurs terres riches en minerai de fer. Région isolée, son évangélisation complète s’est faite « assez » tardivement et en particulier avec l’apport de nombreuses populations espagnoles chrétiennes fuyant l’invasion musulmane. À la même époque les reliques de nombreux saints furent mises à l’abri dans la région et notamment celles en provenance de la région de la Rioja, des Saints Patrons du diocèse, Émétère et Chélidoine, anciens légionnaires romains martyrs sous Dioclétien (vers 298). Parmi d’autres martyrs plus récents originaires du diocèse, l’on peut aussi citer deux religieux, frères des écoles chrétiennes morts par haine de la foi pendant la Révolution des Asturies en 1934, et canonisés en 1999, Saint Román Martínez (1910-1934) et Saint Manuel Seco (1912-1934).
La communauté autonome de Cantabrique a une superficie d’environ 5200 km^2 et compte quelques 590 000 hts dont le tiers réside dans le port de Santander et ses environs...


(**) À titre de comparaison, par exemple (sources site CEF)
-> le diocèse de Coutances (département de la Manche) 5.938 km^2; - env. 490 000 hts - 63 paroisses – 239 prêtres - 300 JMJistes madrilènes.
-> celui d’Angers (département du Maine et Loire) - 7166 km^2 – env. 730 000 hts - 85 paroisses - 337 prêtres dont 220 en activité - 600 JMJistes madrilènes .

À titre de curiosité j’ai trouvé cette étude sur internet (http://www.persee.fr/), qui semble dater d’une trentaine d’années: « Une population en voie d'extinction : le clergé français ». On y trouve des éléments intéressants et si les chiffres sont sans doute exacts même si certaines remarques des auteurs sont curieuses (page 400) du genre : « l’Allemagne ne connaîtrait par ce genre de crise car le clergé est rémunéré par l’État » (sic). Ils écrivent cependant : « on ne peut cependant exclure une reprise vigoureuse des vocations [en France]. Il s’en est produite à plusieurs époques : sous Napoléon après la signature du concordat, après la première et après la seconde guerre mondiale ».

Pour ma part, plutôt que de m’occuper de chiffres, je préfère une image des JMJ, celle de tous ces jeunes curés bien identifiables, de ces jeunes religieux de tous les ordres et de tous les pays, y compris ces moines avec leur tonsure en couronne, dans les rues de Madrid. Ils étaient magnifiques, marchant ainsi, déterminés. Ce sont eux l’Église de demain, et nous à leur côté. Deo Gratias (cf. Photos de Madrid )




 

Moines de Madrid : près du parc du Retiro. S’il y en avait qu’une à choisir ce serait celle-là parce qu’elle montre magnifiquement ce qu’est l’Église éternelle qui est dans le monde sans être de ce monde.




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