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Juan Carlos, et la loi sur l'avortement

"Majesté, ne signez pas": Carlota prend la défense du Roi, suite à un article lu sur le blog de Jeanne Smits, via le Salon Beige (9/12/2009).

Carlota m'écrit


... et elle prend vigoureusement (avec des arguments convaincants) la défense du Roi Juan Carlos.
Une fois de plus, il s'avère que les invectives tiennent lieu d'idées, et que les critiques contre ici le Roi émanent de gens qui ne sont pas toujours donnés la peine d'étudier tous les aspects du problème.
Il est peut-être injuste, ou au moins, excessif, de qualifier le Roi d'Espagne de "figurant de luxe".

* * * * * * *

Carlota, 9 décembre:

En lisant ce qui est dit sur le Salon Beige et le blog de Jeanne Smits, il est peut-être intéressant d'analyser la situation avec notamment cet article de Luis Antequera.

Certes il peut paraître incompréhensible que le Roi d'Espagne ne s'oppose pas bec et ongle à la loi sur l'avortement mais c'est malgré tout pour moi un très grand roi chrétien qui a fait le pari (alors que rien ne l'y obligeait) de remettre le moment venu ses pouvoirs au peuple espagnol (Constitution de 1978) et s'est magnifiquement opposé au coup d'état du 23 février 1981. Et lui, il connaît parfaitement son pays et ses habitants!
N'ayons donc pas en effet la mémoire trop courte et essayons de comprendre la situation politique peut-être pas si policée que cela de l'Espagne actuelle où l'on trouve des autonomistes sécessionnistes forcenés avec des franges terroristes non négligeables, la position du gouvernement de José Luis Rodríguez Zapatero (réélu pour la deuxième fois) qualifiée par certains de "fureur" anticléricale à laquelle s'ajoute un souci constant de détruire la mémoire historique sur le long terme dont l'Espagne a pourtant toutes les raisons d'être fière, un chômage qui frôle les 20% de la population, etc.
Un référendum populaire sur la question (demandé d'ailleurs par certains groupes de citoyens) serait peut-être la meilleure solution mais il est certain que M. Zapatero n'a aucun intérêt à utiliser ce procédé de démocratie directe.


Je vous avais envoyé il y a quelque temps une information sur l’association espagnole Bébé Aído qui espère que Juan Carlos 1er d’Espagne mette son veto à la Loi sur l’avortement. Or il semble que cela ne soit pas si simple que cela car le Roi démocrate, par la Constitution de 1978, a remis au peuple espagnol, les pouvoirs que lui avaient laissés Francisco Franco, et il apparaît donc qu’il ne puisse plus refuser la ratification d’une Loi sous peine de ne pas respecter la Constitution !
Voilà ce qu’en a dit tout récemment Luis Antequera (*) sur Religion en Libertad

Ma traduction:

De l’hypothétique refus du Roi à ratifier la Loi sur l’avortement.
Les cas de l’Uruguay et de la Belgique par Luis Antequera.

Ce cyberjournal qui m’accueille avec tant d’hospitalité a mis sur le tapis un très intéressant débat, auquel, si on me le permet, j’aimerais apporter, moi aussi, mon grain de sel, même si pour cela, je dois m’étendre un peu plus que je ne le fais habituellement au quotidien. Il s’agit du débat qui fait référence à un hypothétique refus du Roi de ratifier la Loi sur l’avortement qui lui sera présentée dans un futur proche.

Tout d’abord je tiens à dire, qu’évidemment je me compte parmi ceux qui regarderaient avec une très grande affection un tel geste de la part du Roi, car la Loi sur l’avortement que le Gouvernement veut faire approuver est de toute évidence injuste et en outre, au cas où ce ne serait pas suffisant, clairement anticonstitutionnelle: chose que constatera sans aucune difficulté le Tribunal Constitutionnel, quand la loi lui sera présentée, comme elle ne peut que l’être sans aucun doute.

Il ne s’agit donc pas ici d’analyser mes sympathies ou mes sentiments, mais les formes et les conséquences d’un acte du chef de l’état.

Il faut d’abord signaler qu'en ce qui concerne la ratification des lois, la Constitution espagnole octroie au Roi non pas un pouvoir mais un mandat. Notre « carta magna » qui consacre au procédé législatif ses articles 81-92, se manifeste clairement dans ce sens. Après avoir exposé les pouvoirs relatifs aux différentes institutions, « Le congrès pourra… » (art 82.1), « Le Gouvernement a la possibilité de …» (art. 84), « Le Parlement pourra… » (art.86.3), « Les assemblées de communautés autonomes pourront… (art.87.2), « Le Sénat pourra… » (art.90.2), etc., en ce qui concerne la ratification royale, il est établit ce qui suit :
« Le Roi ratifiera (et non « pourra ratifier ») dans un délai de quinze jours les lois approuvées par le Parlement, il les promulguera et ordonnera leur publication immédiate (art.91)

La non ratification d’une loi, en l’espèce celle sur l’avortement, de la part du Roi, mettrait le monarque dans une situation de rébellion ouverte contre la Constitution, - ce qui doit être exprimé de façon claire, puisque la dite ratification n’est normalement pas soumise à son arbitraire.

La thèse qui soutient la rébellion royale s’appuie en matière de droit sur des cas que certains présentent comme des précédents à une possible action du Roi dans ce sens.
À côté d’autres cas moins notables, on a l’habitude de citer ce qui s’est passé en Uruguay avec le Président Tabaré le 14 novembre 2008 et ce que fit le Roi Baudouin en Belgique entre le 30 mars et le 4 avril 1990.

Il ne sera pas inutile de regarder de près ce qui s’est passé dans chacun des cas et les conséquences qui en résultèrent, pour en tirer les conséquences par rapport à notre affaire à nous.

1. En ce qui concerne l’Uruguay, le président Tabaré a agi selon les prérogatives que lui reconnaissait l’article 138 de la Constitution uruguayenne qui stipule :
« Quand un projet de loi est renvoyé [aux chambres] par le pouvoir exécutif [ dans ce cas par le Président Tabaré] avec des objections ou des observations, sur l’ensemble du texte ou une partie, l’Assemblée Générale est convoquée et il sera établi ce que décident les trois cinquièmes des membres présents de chacune des chambres ».

La majorité, c’est à dire des trois cinquième, une fois qu’auront été analysées les objections du président, n’est pas atteinte, en vertu de l’article 140 de la dite Constitution, le projet ne pourra pas être débattu avant la prochaine législature.
C’est à dire que le Président Tabaré, lui, disposait bien d’un pouvoir constitutionnel pour mettre son veto à la Loi, lequel pouvoir, même limité, lui fut suffisant pour qu’il obtienne, avec le résultat que l’on connaît, que la Loi n’entre pas en vigueur. Il s’agissait là d’un acte parfaitement constitutionnel qui a permis d’obtenir un résultat parfaitement efficace, la non entrée en vigueur de la Loi.

2. Quant au précédent belge, ce qui c’est passé est quelque peu différent non seulement par les formes adoptées mais aussi, comme nous le verrons, par les résultats atteints.

En Belgique, on a improvisé une solution constitutionnelle, - soit dit en passant, d'une constitutionnalité douteuse - qui s’est articulée de la façon suivante : Après avoir accusé réception le 30 mars 1990 de la lettre du Roi Baudouin dans laquelle il manifestait une sévère objection de conscience à ratifier la Loi sur l’avortement qui avait été présentée à sa signature, le Gouvernement belge, le 4 avril fit entrer en vigueur l’article, actuellement le 93 de la Constitution belge et qui était le 82 quand il fut appliqué, et qui disait comme suit :
« Si le Roi se trouve dans l’impossibilité de régner, les ministres, après avoir constaté l’impossibilité, convoquent immédiatement les chambres ».
Une fois l’impossibilité de régner du Roi statuée par le gouvernement, on a agi comme si le Roi était mort (ce qui ne correspondait pas du tout à ce qui était arrivé), éventualité qui rendait possible l’entrée en vigueur de l’article, aujourd’hui le 90 de la Constitution belge, lequel dans la partie qui nous intéresse, stipule que :
« à partir de la date de décès du Roi et jusqu’à la prestation de serment de son successeur au trône ou à la régence, les pouvoirs constitutionnels du Roi sont exercés, au nom du peuple belge, par les ministres réunis en Conseil ».

Donc, en la situation, le Conseil de ministres procéda à la ratification de la Loi sur l’avortement que n’avait pas ratifiée le Roi, ce qui se fit en vertu d’une régence qui n’aurait vraiment été constitutionnelle que si le Roi avait été mort, ce qui était plus que discutable, puisque que le Roi était simplement déclaré incapable.

La ratification de l’état de régence gouvernementale entra en application selon le deuxième paragraphe de l’articule 93 de la Constitution : « Les chambres réunies prononcent la tutelle et la régence ».

Réunion qui eut lieu le 5 avril 1990, jour où les chambres ne procédèrent pas à la nomination d’un successeur, comme elles l’auraient fait si l’incapacité royale avait persisté, mais qui constatant qu’elle avait cessé, se limitèrent à rétablir Baudouin sur le trône, avec un nombre d’abstentions notables (90 sur les 335 voix).

Comme on le voit, le résultat d’un tel marchandage ne fut en aucune façon, que la Loi sur l’avortement n’entre pas en vigueur, mais que la conscience du roi fut soulagée - on peut ajouter aussi que le geste fut un témoignage valeureux, mais qui cependant, se fit au prix d’une situation dangereuse dans laquelle la Belgique pendant 36 heures se trouva sans Roi et soumise à une régence de douteuse constitutionalité.

Arrivé à ce point, il convient d’extrapoler la situation au cas espagnol.
La solution uruguayenne ne peut être prise en compte puisque le Président Tabaré avait des prérogatives constitutionnelles qu’en toute évidence, notre monarque ne dispose pas.

S’il y avait à tenter une solution, ce serait peut-être la belge, mais cette dernière a elle-même deux implications importantes : la première, c'est que jamais, comme certains le croient, le refus du Roi de ratifier une loi - ce que ne fit pas le Roi Baudouin - n’empêcherait l’application de la Loi et en outre cela mettrait le Roi dans une situation de rébellion ouverte contre la Constitution, car il n’est pas autorisé par la Constitution à refuser de ratifier une loi. La deuxième serait de chercher une formule pseudo - constitutionnelle pour permettre de soulager la conscience royale.

Pour cette deuxième solution qui est plutôt le résultat d’une tentative téméraire d’accommodement, elle aurait des résultats similaires à ceux qu’elle a produit en Belgique, avec d’un côté ne pas empêcher l’entrée en vigueur de la loi injuste sur l’avortement et de l’autre une vacance du trône que, selon toute probabilité, n’est souhaitée par aucun d’entre nous, qui pourtant déplorons la Loi sur l’avortement que se propose d’approuver le Gouvernement. Cette vacance, sans le moindre doute, serait exploitée aux bénéfices de tous les groupes anti-systèmes, malheureusement trop nombreux à avoir atteint de la notoriété dans la vie politique espagnole.

Je ne voudrais pas terminer cet article sans signaler, même si elles sont connues de tous, les voies qu'à mon avis, doit suivre la lutte contre la Loi injuste que le Gouvernement se propose d’approuver, lesquelles, loin d’impliquer le Roi dans une bataille qui ne conduit à aucun résultat souhaité, ne doivent pas être autre chose que d’obtenir le compromis clair du principal parti d’opposition contre les pratiques avortives en attendant qu’il accède au Gouvernement ; la voie de la prise en compte des éléments de la gauche, et il y en a, qui sont récupérables pour la lutte pour la vie et entre temps, la voie du recours devant le Tribunal Constitutionnel, un recours gagné d’avance si la haute Instance ne prend pas la décision de se suicider ou d’enterrer la Constitution espagnole de 1978.

Le lecteur pourra trouver les éléments concernant les constitutions de l’Uruguay et de la Belgique en consultant les liens suivants :

- La Constitution uruguayenne.
- La Constitution belge.

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Note

(*) De formation juridique et économique, Luis Antequera a une expérience dans le monde de la banque et de l’enseignement. Il est également passionné de littérature, d’histoire des religions et d’actualité socio-politique. Il a notamment publié « El cristianismo desvelado » (2007) ou « Réponses aux 103 questions les plus fréquentes sur le Christianisme ».
Il a collaboré à divers programmes de télévision. Actuellement il participe comme analyste politique à la radio www.cope.es et donne régulièrement son point de vue dans www.religionenlibertad.com

La seule personne au monde... Louis XVI et Benoît XVI