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Discours aux évêques italiens

Jeudi dernier, dans la Salle Paul VI, le Saint-Père s'est adressé aux évêques italiens réunis pour définir leurs orientations pastorales. Le thème principal abordé était "l'urgence éducative": rechercher les causes, proposer des remèdes. Ma traduction complète, et quelques photos. (30/5/2010)

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Au moment où j'écris ces lignes, la traduction en français (à ma connaissance) n'est pas disponible.
L'impression que j'en ai est qu'une partie a été prononcée a braccio, et comme toujours dans ce cas, avec un peu moins de soin pour la forme, il y a des choses très fortes.
Ce qui me gêne, c'est qu'il y a déjà eu beaucoup de commentaires qui ne correspondaient pas au contenu réel.
Et extraire une phrase d'un discours, c'est trahir son auteur.
Par exemple, une dépêche de l'AFP commence ainsi (voir ci-dessous): cela ne correspnd pas à la réalité! Car le Pape, qui ne cite pas la pédophilie, ajoute aussitôt: Cet aveu humble et douloureux ne doit cependant pas occulter le service gratuit et passionné de nombreux croyants, à commencer par des prêtres. Et la citation est de lui-même, rappelant ce qu'il a dit aux journalistes dans l'avion pour le Portugal. Il ne s'agit donc pas d'une nouveauté, visant à faire passer le Saint-Père pour un repentant à répétition.

Voici donc ma traduction, d'après le texte en italien sur le site du Vatican:

* * * * *

Vénérés et chers frères,

Dans l'Evangile proclamée dimanche dernier, en la solennité de la Pentecôte, Jésus nous a promis: «Le Paraclet, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, il vous enseignera chaque chose et vous rappellera tout ce que je vous ai dit» (Jn 14, 26). Le Saint-Esprit guide l'Église dans le monde et dans l'histoire. Grâce à ce don du Ressuscité, le Seigneur reste présent dans le déroulement des événements; c'est dans l'Esprit que nous pouvons reconnaître le Christ comme sens des événements humains. L'Esprit Saint nous fait Eglise, communion et communauté sans cesse appelée, renouvelée et relancée vers l'accomplissement du royaume de Dieu. Dans la communion ecclésiale est la racine, et la raison de votre réunion, et de ma présence encore une fois, avec joie, parmi vous à l'occasion de cette rencontre annuelle; c'est la perspective dans laquelle je vous invite à aborder les thèmes de votre travail, où vous serez appelés à réfléchir sur la vie et le renouveau de la pastorale de l'Eglise en Italie. Je suis reconnaissant au Cardinal Angelo Bagnasco pour les paroles intenses et courtoises qu'il m'a adressées, se faisant l'interprète de vos sentiments: le Pape sait qu'il peut toujours compter sur les évêques italiens. En vous, je salue les communautés diocésaines confiés à vos soins, tandis que j'étends mes pensées et ma proximité spirituelle à tout le peuple italien.

Fortifiés par l'Esprit, en continuité avec le chemin indiqué par le Concile Vatican II, en particulier avec les orientations pastorales de la décennie qui vient de s'achever, vous avez choisi de prendre l'éducation comme thème porteur pour les dix prochaines années. Cet horizon temporel est proportionnel à la radicalité et à l'ampleur de la demande éducative. Et il me semble nécessaire d'aller jusqu'ux racines profondes de cette situation d'urgence pour trouver aussi des réponses à ce défi.
J'en vois principalement deux.

Une racine essentielle consiste - je crois - dans une fausse conception de l'autonomie de l'homme: l'homme devrait se développer seulement par lui-même, sans imposition de la part d'autres, lesquels pourraient contribuer à son auto-développement, mais pas entrer dans ce développement.
En réalité, est essentiel pour la personne humaine le fait qu'elle devient elle-même par l'autre, le «je» ne devient lui-même que par «tu» et le «vous», elle est créée pour le dialogue, pour la communion synchronique et diachronique . Seule la rencontre avec le «tu» et le «nous» ouvre le «je» à lui-même.
Ainsi, l'éducation dite anti-autoritaire n'est pas éducation, mais renoncement à l'éducation: de cette manière, on n'apporte pas ce que nous devons aux autres, c'est-à-dire ce «tu» et ce «nous» qui ouvrent le «je» à lui-même.
Je pense donc qu'un premier point est celui-là: dépasser cette fausse idée d'autonomie de l'homme, comme un «je» complet en soi, alors qu'il devient «je» aussi dans la rencontre collective avec le «tu» et avec le «nous».

L'autre racine de l'urgence éducative, je la vois dans le scepticisme et le relativisme ou, en termes plus clairs et plus simples, dans l'exclusion des deux sources qui guident l'aventure humaine.
La première source devrait être la nature selon la Révélation.
Mais la nature est considérée aujourd'hui comme une chose purement mécanique, et donc qui ne contient en soi aucun impératif moral, aucune orientation de valeur: comme c'est une chose purement mécanique, il n'y a aucune orientation de l'être lui-même. La Révélation est considérée ou bien comme un moment du développement historique, donc relatif, comme tout le développement historique et culturel, ou bien - dit-on - peut-être y a t-il révélation, mais elle ne comprend pas de contenus, seulement des motivations. Et si ces deux sources sont muettes, la nature et la révélation, alors la troisième source, l'histoire, ne parle plus, parce que l'histoire elle aussi devient tout simplement un conglomérat de décisions culturelles, occasionnelles, arbitraires, qui ne s'appliquent ni au présent ni au futur.
Il est donc fondamental de retrouver un concept vrai de la nature comme création de Dieu qui nous parle - le Créateur, à travers le livre de la création nous parle à nous et nous montre les vraies valeurs - et de cette façon, retrouver aussi la révélation: reconnaître que le livre de la création dans lequel Dieu nous donne les orientations fondamentales, est déchiffré dans la Révélation; il est appliqué dans l'histoire culturelle et religieuse, non sans erreurs, mais d'une manière substantiellement valide, encore et toujours à développer et à purifier. Ainsi, dans ce «concert» - pour ainsi dire - entre création déchiffrée dans la Révélation, concrétisée dans l'histoire culturelle qui se poursuit et dans laquelle nous retrouvons de plus en plus le langage de Dieu, s'ouvrent également les indications pour une éducation qui n'est pas imposition, mais réellement ouverture du «je» au «tu», au «nous» et au «Tu» de Dieu

Donc, les difficultés sont grandes: retrouver les sources, le langage des sources, mais, tout en restant conscients du poids de ces difficultés, nous ne pouvons pas céder à la défiance et à la résignation.
Enseigner n'a jamais été facile, mais nous ne devons pas renoncer: nous manquerions au mandat que le Seigneur Lui-même nous a confié, en nous appelant à paître avec amour son troupeau. Réveillons plutôt dans nos communautés cette passion éducative, qui est une passion du «je» pour le «tu», et pour le «nous», pour Dieu, et qui ne se réduit pas à une didactique, à un ensemble de techniques et pas même à la transmission de principes arides. Éduquer, c'est former les nouvelles générations, afin qu'elles sachent entrer en contact avec le monde, fortes d'une mémoire significative qui n'est pas seulement occasionnelle, mais accrue par le langage de Dieu que nous trouvons dans la nature et dans la Révélation, d'un patrimoine intérieur partagé, de la vraie sagesse qui, en reconnaissant l'objectif transcendant de la vie, oriente la pensée, les affections et le jugement.

Les jeunes portent une soif dans leurs cœurs, et cette soif est une demande de sens et de rapports humains authentiques qui aident à ne pas se sentir seuls face aux enjeux de la vie. C'est le désir d'un avenir rendu moins incertain par une compagnie sûre et fiable, qui se tient aux côtés de chacun avec délicatesse et respect, proposant des valeurs solides à partir desquelles on puisse croître vers des buts élevés, mais accessibles. Notre réponse est l'annonce du Dieu ami de l'homme qui, en Jésus s'est fait proche de chacun. La transmission de la foi est un élément indispensable de la formation intégrale de la personne, parce que en Jésus Christ se réalise le projet d'une vie réussie: comme le Concile Vatican II l'enseigne: "Quiconque suit le Christ, homme parfait, devient lui-même davantage homme" (Gaudium et spes 41). La rencontre personnelle avec Jésus est la clé pour pressentir l'importance de Dieu dans la vie quotidienne, le secret pour la dépenser dans la charité fraternelle, la condition pour se relever des chutes et avancer vers une conversion constante.

La tâche d'éducation, que vous avez prise comme priorité, valorise les traditions et les signes, dont l'Italie est si riche. Elle nécessite des lieux crédibles: d'abord la famille, avec son rôle unique et indispensable; l'école, horizon commun, au-delà des options idéologiques; la paroisse, "fontaine du village", lieu et expérience qui initie à la foi dans le tissu des relations quotidiennes. Dans chacun de ces milieux, la qualité du témoignage, voie privilégiée de la mission de l'Eglise, reste essentielle. L'accueil de la proposition chrétienne, passe en effet par des rapports de proximité, de loyauté et de confiance. À une époque où la grande tradition du passé risque de rester lettre morte, nous sommes appelés à nous mettre aux côtés de chacun avec une disponibilité toujours renouvelée, l'accompagnant sur le chemin de la découverte et de l'assimilation personnelle de la vérité. Et, ce faisant, nous aussi nous pouvons découvrir de manière nouvelle les vérités fondamentales.

La volonté de promouvoir une saison renouvelée d'évangélisation ne cache pas les blessures dont la communauté ecclésiale est marquée par la faiblesse et le péché de certains de ses membres. Cet aveu humble et douloureux ne doit cependant pas occulter le service gratuit et passionné de nombreux croyants, à commencer par des prêtres. L'année spéciale qui leur est dédiée voulait être une occasion d'en promouvoir le renouvellement intérieur, comme condition d'un engagement ministèriel et évangélique plus incisif. Dans le même temps, elle nous permet également de reconnaître le témoignage de sainteté de ceux qui - à l'exemple du Curé d'Ars - se dépensent sans réserve pour éduquer à l'espérance, à la foi et à la charité. Dans cette lumière, ce qui est cause de scandale, doit se traduire pour nous par un rappel à un «besoin profond de réapprendre la pénitence, d'accepter la purification, d'apprendre d'un côté le pardon, mais aussi la nécessité de justice» ( Benoît XVI Interview aux journalistes pendant le vol vers le Portugal, 11 mai 2010).

Chers frères, je vous encourage à suivre sans hésitation la voie du devoir d'éducation.
Que l'Esprit Saint vous aide à ne jamais perdre la confiance des jeunes, vous pousse à aller à leur rencontre, vous porte à fréquenter leurs milieux de vie, y compris celui représenté par les nouvelles technologies de communication qui désormais imprégnent la culture dans toutes ses expressions. Il ne s'agit pas d'adapter l'Evangile au monde, mais de puiser dans l'Évangile cette éternelle nouveauté, qui permet à chaque époque de trouver des façons adaptées pour annoncer la Parole qui ne passe pas, fécondant et servant l'existence humaine.
Proposons donc à nouveau aux jeunes la mesure élevée et transcendante de la vie, comprise comme une vocation: appelés à la vie consacrée, au sacerdoce, au mariage, qu'ils sachent répondre avec générosité à l'appel du Seigneur, car seulement ainsi, ils pourront saisir ce qui est essentiel à chacun. La frontière éducative constitue le lieu d'une large convergence de vue: la formation des nouvelles générations ne peut, en effet, qu'être chère à tous les hommes de bonne volonté, interpelant la capacité de la société tout entière à assurer des référence fiables pour le développement harmonieux des personnes.

En Italie aussi, la saison présente est marquée par une incertitude sur les valeurs, évidente dans les difficultés de nombreux adultes à être fidèles à leurs engagements: c'est un signe d'une crise culturelle et spirituelle, aussi grave que la crise économique.
Il serait stupide - je tiens à le souligner - de penser à lutter contre l'une, en ignorant l'autre. Pour cette raison, tandis que je renouvelle l'appel aux responsables de la chose publique et aux entrepreneurs à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour atténuer les effets de la crise de l'emploi, j'exhorte tous à réfléchir sur les conditions d'une vie bonne et significative, qui fonde cette autorité qui seule éduque, et retourne aux vraies sources des valeurs.
A l'Église, en effet, tient à coeur le bien commun, qui nous engage à partager les ressources économiques et intellectuelles, morales et spirituelles, apprenant à faire face ensemble, dans un contexte de réciprocité, les problèmes et les défis du pays. Cette perspective, largement développée dans votre document récent sur "l'Église et le Sud", trouvera un approfondissemnt lors de la prochaine Semaine sociale des catholiques italiens, prévue en Octobre à Reggio de Calabre, où, avec les meilleures forces du laïcat catholique, vous vous engagerez à décliner un ordre du jour d'espoir pour l'Italie, afin que «les exigences de la justice deviennent compréhensibles et politiquement réalisables" (Lettre encyclique Deus Caritas Est, n°28).
Votre ministère, chers Confrères, et la vivacité des communauté diocésaines dont la direction vous est confiée sont la meilleure assurance que l'Eglise continuera à apporter sa contribution de façon responsable à la croissance sociale et morale de l'Italie.

Appelé par la grâce à être Pasteur de l'Eglise universelle et de la splendide ville de Rome, je porte constamment avec moi vos préoccupations et vos attentes, que j'ai déposées ces jours derniers - avec celles de toute l'humanité - aux pieds de Notre-Dame de Fatima. À Elle va notre prière:
"Vierge Mère de Dieu et notre Mère chérie, que ta présence fasse refleurir le désert de nos solitudes et briller le soleil dans nos ténèbres, fais revenir le calme après la tempête, afin que chaque homme le Salut du Seigneur, qui a le nom et le visage de Jésus reflété dans nos coeurs pour toujours unis au Tien! Ainsi soit-il " (Fatima, 12 mai 2010).

De tout coeur, je vous remercie et je vous bénis.

Homélie à Sulmona