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Une interviewe posthume de Mgr Padovese

Elle date de 2009, et a été publiée dans l'OR du 3 juillet dernier. Il nous explique combien c'est dur d'être chrétien en Turquie, et aussi qu'il a baptisé des musulmans (6/7/2010). Il mérite vraiment le "Santo subito!".

--> Meurtre de Mgr Padovese

Une interviewe postume de Mgr Padovese.
Bouleversante! Elle a été publiée sur l'OR du 3 juillet.
Elle date de 2009.
Il parlait en premier lieu de l'importance de l'année pauline, initiée par Benoît XVI, pour la présence chrétienne en Turquie. Un aspect auquel peu de gens ont pensé.
En la lisant, on ne peut que dire: LUI, il a la légimité de témoigner - et nous pas - car il l'a payée du prix du sang.

L'interviewe en italien est reproduite sur le site de la fondation Oasis, une initiative du Patriarche de Venise, le cardinal Scola, dont Carlota nous avait parlé ici: Un pari de grande portée
Et, comme le dit un commentaire du blog de Raffaella, qui m'a permis de remonter à l'article: Mgr Padovese mérite plus que tout autre le "Santo subito". Pour lui, il n'y a même pas besoin de miracle.

Je voudrais encore ajouter ceci: il nous arrive, parfois avec les meilleures intentions, mais sans rien connaître des faits, de juger hâtivement certaines prises de position (plus ou moins bien rapportées par les medias) du saint-Siège (voir ici).
On se souvient par exemple que lors de la visite du pape en Turquie, on avait prêté au saint-Père, et surtout au Cardinal Bertone des propos favorables à l'entrée de la Turquie dans l'UE. C'était faux, sans doute, ou exagéré. Mais on peut comprendre que les catholiques qui là-bas témoignent héroïquement de leur foi, allant jusqu'à payer le prix du sang, voient cette adhésion comme une sorte de protection, disons bureayucratique: on a dit que Mgr Padovese, l'un des protagonistes du futur Synode pour le Moyen-Orient, était engagé dans ce projet. Si c'est exact, il avait des raisons qu'aujourd'hui, je comprends.


Interview inédite, en 2009, de Mgr Padovese, assassiné il y a un mois
(Raffaella)
La mission est la présence

Par Maria Laura Conte et Martino Diez

Le 12 Octobre 2009 Mgr Luigi Padovese - capucin, vicaire apostolique d'Anatolie et président de la Conférence épiscopale de Turquie - a accordé à Venise une interviewe, à ce jour inédite , à Maria Laura Conte , et Martin Diez , respectivement directeurs du bulletin d'information Oasis et de la fondation internationale homonyme (http://www.oasiscenter.eu/).
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La mission est la présence

- L'Année paulinienne vient de se conclure . Pourquoi mettre autant d'énergie à s'occuper des manifestations culturelles autour de la figure de Saint Paul et des pèlerinages aux lieux de sa vie sur le sol turc ?
- Autour de Saint-Paul s'ouvrent des possibilités que nous ne pouvons pas laisser perdre , surtout quand on pense aux chrétiens vivant en Turquie: par exemple, l'afflux de pèlerins pendant l'année qui lui est dédiée a été tel qu'il a aussi conduit les autorités turques à une plus grande attention au tourisme religieux. Nous avons eu plus de 470 groupes à Tarse , un total d'environ 29.000 pèlerins , sans compter tous les autres venus individuellement. Sauvegarder la mémoire de Paul là où il est né et où il n'y a rien pour le rappeler, absolument rien , est important. C'est vital, tant pour la communauté locale, puisque la présence continue de pèlerins chrétiens donne une certaine visibilité aux chrétiens, que pour les chrétiens qui en voyant ces sites comprennent les efforts de Paul et, en même temps ce que signifie être missionnaires dans ce pays .

- Et qu'est-ce que cela signifie pour vous ? Qu'est-ce que cela signifie être prêtre et évêque en Turquie aujourd'hui?
- C'est dur. Non seulement nous sommes peu, mais aussi mal répartis, par la force des choses . En dehors de deux évêques , les cinq autres membres de la Conférence épiscopale résident à Istanbul . Et les distances sont énormes . Notre action pastorale en l'Anatolie est principalement concentrée dans le sud; dans le nord il y a quelques communautés avec une présence minimum des chrétiens . Pourtant, nous essayons de rester pour sauver une présence chrétienne . A Trabzon , là où le Père Andrea Santoro a été assassiné , par exemple, il y a une très petite communauté , il y a aussi des Géorgiens orthodoxes qui participent à la liturgie . Aussi parce que nos églises sont les seules qui restent ouvertes sur toute la côte turque de la mer Noire

- Que voulez-vous dire exactement quand vous observez qu'il est important de rester pour sauver une présence ? Quel sens cela a-t-il rester, si peu nombreux, si seuls, dans une grande majorité qui semble indifférente, sinon hostile?
- Le problème pour ceux qui viennent en Turquie , à l'exception des grandes villes , est d'être une présence. Un témoin. Avec une activité pastorale très réduite, justement à cause du nombre . La mission est la présence . Mais il vaut mieux ne pas utiliser le mot «mission» car il est facilement mal interprété ici en Turquie . Qui n'en connaît pas le sens chrétien , qui en a peur . Le mot «mission» en turc, est immédiatement perçu comme colonialiste. N'oubliez pas que le christianisme est considéré ici comme un phénomène étranger , qui dans le passé avait menacé l'identité du pays . L'unité turque s'est réalisée au détriment des minorités qui ont dû renoncer à leur langue et à leur culture en faveur d'une identité nationale turque .

- Où réside le principal problème pour les minorités?
- Le problème, c'est la législation . L'Église catholique en Turquie en tant que minorité de fait, n'existe pas du point de vue légal. Après le traité de Lausanne de 1923 , avec une interprétation que nous considérons comme arbitraire, seules les minorités ethno-religieuses ont été reconnues. Cela signifie : grecs orthodoxes , Arméniens , Syriens , Juifs , et aussi bulgares. Telles étaient les minorités reconnues . Etant donné que, contrairement aux autres, l'Eglise catholique n'est pas une minorité ethno-religieuse, elle n'a pas eu de reconnaissance . Mais en fait , les catholiques romains étaient sur le terrain , et on est parvenus à une sorte de compromis qui a conduit à la reconnaissance des biens qui existaient ( églises , collèges ,écoles , oeuvres de bienfaisance et ainsi de suite ) . Mais en tant que minorité , nous n'avons jamais été reconnus par l'État et nous ne le sommes pas encore aujourd'hui . Cela nous pose des problèmes considérables , parce que, paradoxalement, nous existons et en même temps nous n'existons pas. De toute façon, le problème regarde aussi les minorités ethno-religieuses reconnues : les prêtres et les évêques doivent être des citoyens turcs, mais puique les séminaires ont été fermés et ne peuvent pas rouvrir , le problème de l'avenir de ces Églises se pose . Comment pourront-elles continuer à exister s'il y n'y a pas de renouvellement de génération dans le pays ? Cette législation conduit à la mort progressive du christianisme. Le problème est difficile pour les Syriens et les Arméniens , mais aussi pour les orthodoxes . Comme vous le savez, le patriarche de Constantinople doit lui aussi être de nationalité turque; il est choisi par le Synode parmi trois candidats possibles , mais ensuite, c'est le gouverneur d'Istanbul qui choisit le patriarche. En résumé, l'Etat, se fondant sur son concept de laïcité - qui serait selon moi à revoir - met sous tutelle la réalité de ces minorités .

- Quelle contribution apporte le fait qu'en Turquie , des courants musulmans prônent une interprétation différente de la laïcité que celle de l'Etat Turc? Une plus grande liberté pour les chrétiens peut-elle venir de ce côté?
- La laïcité turque est à la base de l'État turc, elle a donné sa physionomie à la Turquie; en d'autres termes - et c'est là le mérite d'Atatürk - elle a créé une Turquie sans les hésitations du passé et donc très différente de la situation d'avant, où il y avait une domination religieuse, de contrôle de la vie religieuse sur la société , étant donné que le sultan était également le calife , c'est-à-dire la plus haute autorité religieuse. Cette laïcité était une réaction à la situation antérieure. L'idéal d'Atatürk était une laïcité à la française , la séparation entre la religion et la vie publique mais, en fait , la réalité n'a pas évolué dans cette direction. Une telle laïcité est sui generis , car au fond, l'orientation sunnite dans laquelle se reconnaissent 75% des Turcs est sous le contrôle direct de l'Etat. En d'autres termes, on a créé un ministère des Cultes et un directeur des affaires religieuses dépendant directement du Premier ministre . Et, étant donné que le culte est lié à l'état , tous les chefs de la communauté ( les mufti ) sont des employés de l'Etat et sont donc payés par l'État . De cette façon, l'Etat contrôle que la laïcité est sauvegardée, et de fait, les responsables - c'est le seul modèle au niveau international - sont choisis parmi des personnes qui ont à cœur la laïcité de l'Etat et en même temps ont un rôle religieux . Telle est la situation en Turquie , où la laïcité signifie un contrôle étatique sur la religion .

- Mais alors, quel est le visage de l'islam turc, sur la base de votre expérience?
- L'islam turc Islam est peut-être l'islam le plus diversifié qui existe. L'un des premiers choix effectués par Atatürk fut d'abolir de nombreuses confréries religieuses soufistes qui existaient dans le pays et qui aujourd'hui, même privées de reconnaissance , ont recommencé à vivre . Parmi elles, il y a plusieurs groupes d'orientation religieuse pacifiste - si on peut dire - qui cherchent le dialogue et le contact et aussi reconnaissent la présence chrétienne comme un moyen d'ascension vers Dieu , vers la transcendance . C'est pourquoi il existe un islam modéré en Turquie : cette modération est aussi le résultat du changementpolitique mis en place par Atatürk .

- Cela pourrait sembler presque optimiste pour l'avenir...
- La route est très longue et surtout il faut voir si aux paroles correspondent les faits . Pour moi, il sera très important de voir quelle sera l'attitude vis à vis de l'église de Tarse , s'ils en confieront la gestion aux chrétiens, comme nous le demandons; mais aussi envers l'Académie de théologie du Patriarcat orthodoxe. Depuis des années, il y a des pressions également des autorités étrangères qui viennent en Turquie , rencontrent le patriarche et réclament la réouverture de cette Académie théologique qui assurerait un avenir à cette réalité désormais à moitié inexistante de l'Eglise orthodoxe. Mais nous restons toujours au niveau des mots , les faits concrets ne sont pas là .
En Turquie, il est important de ne pas faire confiance aux paroles mais aux faits . Je comprends que la situation est difficile , que le gouvernement doit faire face à des opposants politiques toujours prêts à instrumentaliser un geste comme la cession d'une église pour les chrétiens , mais je me demande : est-il possible qu'un gouvernement démocratiquement élu , avec une majorité au Parlement , ne soit pas capable de produire des gestes hautement symboliques concernant des minorités ?

- Même l'aspiration de la Turquie à entrer dans la Communauté européenne ne changerait rien?
- C'est une situation très complexe . Nos demandes ont toutes été oubliés et nous n'avons jamais obtenu une réponse . En tant que Conférence des évêques, nous avons déjà écrit au Premier ministre, puis encore une fois comme présidents de la Conférence d'Europe du Sud , mais nous n'avons jamais eu aucune réponse , pas même pour dire que la lettre avait été reçue . Nous sommes confrontés à un oubli total. Le Premier ministre a rencontré le 15 août 2009 des représentants des minorités religieuses , à l'exception de l'Eglise catholique qui "n'existe pas "; mais qu'a produit cette réunion, concrètement? Peut-être un peu plus d'attention , mais concrètement, quoi?

- Mais la responsabilité de cette situation est-elle seulement des autorités, ou bien des gens qui ne réagissent pas?
- Je crois qu'il revient aux autorités d'accomplir des choix plus décisifs pour changer l'attitude de la population. Il y a un immobilisme, et même si les gens sont ouverts à notre égard - j'en fais personnellement l'expérience -, nous sommes ensuite confrontés à une bureaucratie qui bloque tout.

- Pouvez-vous nous aider à comprendre en quoi consitent concrètement les discriminations subies par les minorités ? De l'Occident, il est difficile de les saisir , ou mieux, parfois, on préfère ne pas les reconnaître.
- Je reviens à l'exemple très significatif de l'église de Tarse . C'est une église confisqués par l'Etat . A l'origine arménienne , puis finalement, dans les années 30 et 40, utilisée par les orthodoxes . Ce que nous demandons, c'est que ce bâtiment, qui pour nous chrétiens a une haute valeur symbolique , soit restitué au culte , comme ce fut le cas pour deux mosquées appartenant à l'Etat et qui avaient été transformées en musée . Nous ne sommes pas intéressés par la propriété (elle appartient à l'Etat) , mais nous voulons un lieu où les chrétiens peuvent librement prier sans l'hypothèque d'être dans un musée . Pensez qu'à fin de la célébration de l'année Pauline, une communication du Ministère du Tourisme et de la Culture, et puis du directeur du Musée de Tarse, est arrivée, précisant que le bâtiment est un musée et que, pour célébrer , il fallait écrire trois jours à l'avance au directeur du musée pour demander la permission . Il y a donc une volonté claire de dire que c'est un musée . Voici un exemple de discrimination, et d'hostilité subtile à notre présence .

- Mais comment est-il possible qu'on en soit arrivé à la situation que vous décrivez ? Où est la responsabilité?
- Cette situation est le résultat des changements advenus ces dernières années . Nos fidèles ne sont pas à blâmer pour la perte de la conscience de ce que signifie être chrétien, parce que, après des décennies de discrimination, et même de réduction à l'invisibilité , avec la disparition des prêtres , la fermeture des monastères et des lieux de la vie religieuse , où les gens pourront-ils nourrir leur foi? Il est naturel que l'expérience de la vie chrétienne soit apaisée pour au moins survivre. Il faut donc inévitablement se poser la question : pourquoi les chrétiens étaient-ils si nombreux, et pourquoi n'y en a-t-il désormais presque plus ? C'est un fait indiscutable et il faudra en donner une explication . Ils pourront nier les mesures discriminatoires , mais ils devront quand même donner une explication .

- Y a- t-il de nouveaux chrétiens dans ce contexte?
- Il y a de nouveaux chrétiens , j'ai baptisé plusieurs musulmans , mais après un long chemin de catéchuménat, parce que cela doit être un choix bien mûri, un choix de foi , qui exige que les personnes qui cherchent à être baptisées soient mises à l'épreuve. C'est-à-dire montrent non seulement un zèle initial , mais aussi de la persévérance .

( © L'Osservatore Romano - 3 Juillet 2010)

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