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Tu trouveras des dragons

Le film de R. Joffé sur Josemaria Escriva, fondateur de l'Opus Dei, attendu prochainement en France, est déjà sorti en Espagne. Malgré ses limites, il permet de rappeler les martyrs catholiques de la guerre d'Espagne, et des épisodes terribles et occultés. Carlota a traduit un article passionnant d'un prêtre espagnol, sur le site Religion en Libertad. (2/4/2011)

L'épisode de "la maison des fauves", où une trentaine de catholiques, arrêtés par des miliciens alors qu'ils récitaient le rosaire, ont été jetés en pâture aux bêtes féroces, est totalement occulté par l'histoire officielle. Je n'ai rien trouvé sur l'internet français...
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Ajout, et coïncidence extraordinaire (Source):
Ce samedi, 2 avril, Benoît XVI a autorisé la Congrégation des Causes des saints à promulguer 13 décrets dont 5 concernant autant de miracles. Parmi les futurs bienheureux figure un martyr de la révolution française, le Père Pierre-Adrien Toulorge, chanoine prémontré, guillotiné à Coutances en 1793, et un groupe de 23 espagnols tués en haine de la foi pendant la guerre civile en 1936.



Carlota

J’attendais avec impatience l’avis du Père Jorge López Teulón (né à Madrid en 1970), depuis 2002 postulateur pour la Cause des Martyrs des persécutions religieuses dans la Province ecclésiastique de Tolède et le diocèse d’Avila (+ de 900 dossiers) pendant la Seconde République espagnole, sur le film de Roland Joffé « There be dragons » qui vient de sortir en Espagne sous le titre de « Encontrarás dragones » Tu trouveras des dragons (1). En effet le réalisateur de « Mission» (1986) dont on avait pu apprécier la reconstitution des communautés catholiques en pleine forêt vierge avec les jésuites et les indiens, mais pas forcément à 100% le point de vue, met en scène dans son dernier film qui se déroule pendant la guerre civile espagnole, Josemaría Escrivá (1902-1975), le fondateur de l’Opus Dei (voir http://www.escriva-lefilm.org/ ).
Je n’ai pas encore pu voir le film mais seulement la bande-annonce et j’ai trouvé que les décors faisaient très carton-pâte (effet peut-être moins ressenti par les jeunes générations que par d’autres dont je fais partie qui ont été habitués aux films de guerre en noir et blanc retransmis à la télévision dans leur enfance). Il semble cependant que malgré le côté romanesque orienté donné par le réalisateur et le politiquement correct historique toujours aussi présent, la spiritualité de celui qui allait être canonisé par Jean-Paul II le 6 octobre 2002, a été respectée. C’est déjà cela.
Voilà donc ce qu’écrit le Père Jorge (original http://www.religionenlibertad.com/... )

Finalement j’ai vu le film (ndt l’auteur en avait déjà parlé ici mais n’avait pas pu encore le voir) et à part quelques réserves sur l’histoire en général (une fois de plus, il y a de tous les goûts dans la nature…) le film « Tu trouveras des dragons » montre, oui, montre d’une manière brève mais intense et pour la première fois (2) comment les catholiques et les prêtres ont affronté la persécution à Madrid durant la Guerre Civile.
Ce n’est pas un film du genre de la maison de production italienne LuxVide (3), - nous sommes en train de parler de Roland Joffé ! Malgré des conseillers sur la guerre civile espagnole, il contient des erreurs assez énormes, mais néanmoins, dans le film, on peut voir des scènes comme celles des messes célébrées clandestinement dans des endroits laïcs, les confessions de Josemaría Escrivá dans « la Casa de Fieras » (ndt la Maison des fauves, genre notre « Jardin des Plantes » parisien, était située dans le grand parc madrilène du Retiro, voir plus bas), sans oublier le danger de mort que supposait le fait de porter une soutane dans le Madrid de 1936.

Le martyre d’un prêtre dans les rues de Madrid en plein jour, qui au cinéma occupe tout l’écran, correspond à un seul plan, MAIS C’EST LA RÉALITÉ. À Madrid ont été assassinés, parmi des prêtres diocésains et des religieux presque 1000 personnes consacrées. Les décombres de plusieurs églises apparaissent sans cesse tout au long du film, sans oublier, une scène dramatique, quand le co-protagoniste, le fondateur de l’Opus Dei a juste le temps de sortir Notre Seigneur Jésus Christ du Tabernacle, alors qu’il se sauve en courant en cachant le Ciboire avec les formes consacrées…(Ndt je ne suis pas sûre qu’actuellement toutes les personnes qui ont reçu le baptême, savent et comprennent l’importance pour les catholiques du Corps et du Sang du Christ et donc des formes consacrées…). Je n’ai pas pu faire moins que me rappeler une autre histoire vraie…Ici (ndt Diocèse de l’auteur), celle du prêtre de la Magdalena de Tolède qui a du voir comment ils avaient incendié son église et brûlé « vivant » le Christ dans son tabernacle.
Quelqu’un a écrit que les images de «Tu trouveras des dragons » sont « des images que les Espagnols n’avaient jamais vu au cinéma depuis les années de la Transition » (ndt époque qui suit la mort du Général Franco et la promulgation d’une nouvelle constitution 1975-1978, voire pour certains 1982 quand le parti socialiste ouvrier espagnol obtient la majorité absolue aux élections). Et bien, depuis l’après-guerre où l’on a commencé à produire des films, moi non plus je ne m’en souviens pas…75 ans d’une amnésie provocatrice (1).

Le Père Jorge fait alors des retours sur des événements en rapport avec le film

L’horreur de « La Casa de Fieras »

L'Ange déchu, Madrid

Photo fr.academic.ru

[…]
Cecilio Rodríguez fut le Jardinier en chef de la Municipalité, et avait installé en 1919 les promenades et jardins de « La Casa de Fieras », entre autres raisons pour pouvoir contempler une grande variété de félins, quelques uns de grande taille, qui avaient été amenés du Sahara et de la Guinée (ndt l’Espagne possédait alors des territoires dans ces régions d’Afrique). Cinq ans plus tard la faune se voyait compléter d’autruches, de zèbres, d’éléphants, d’ours polaires et d’un hippopotame. Avec la proclamation de la Second République (ndt 1931) la nouvelle municipalité démocratique destitua Cecilio Rodríguez et « La Casa de Fieras », traversa une sérieuse stagnation qui devint encore plus aigüe avec la Guerre Civile, l’amenant presque à sa disparition. Durant la guerre, diverses bêtes moururent d’inanition et d’autres furent sacrifiées pour la consommation des humains. Des scènes dramatiques furent aussi vécues dans ses installations - entre 20 à 30 personnes furent jetées vivantes aux fauves pour être dévorées.
En 1972, alors que Carlos Arias Navarro était maire de Madrid, « La Casa de Fieras » du Retiro fut définitivement fermée et l’on inaugura le Zoo de « la Casa del Campo ».

Voilà comment le professeur d’Histoire contemporaine Javier Paredes décrit les faits : « Madrid est le pire endroit d’Espagne pour croire en Dieu. Les miliciens ont arrêté une trentaine de personnes parce qu’elles sentaient la cire. Ils les ont surpris dans une église en train de réciter le rosaire et ils les ont enfermés en attendant de décider de leur châtiment. Enfin l’un d’entre eux a l’idée d’une peine que tous approuvent. Ils montent leurs prisonniers dans un camion et traversent le parc du Retiro, juste par l’endroit où la municipalité de Madrid, depuis longtemps, a érigé un monument en l’honneur de Satan (NDT: appellation officielle l’ange déchu, œuvre du sculpteur espagnol Ricardo Bellver, réalisée vers 1870. Cette statue représente la chute de Lucifer mais certains la présentent comme l’unique statue dans le monde en honneur de Satan !!! Sur fond de polémique, les socialistes ont voulu la faire retirer), qu’encore aujourd’hui, aucun maire n’a osé faire enlever. Et ils arrivent au parc zoologique qui en ces temps-là s’appelait « La Casa de Fieras ». Les ours et les lions étaient affamés, parce que depuis le début de la guerre il n’y avait même pas à manger pour les personnes. Pour les rassasier, ils ont jeté les prisonniers aux fauves. À quelques uns ils ont écourté le supplice leur faisant exploser la tête en tirant des balles dessus avant que les bêtes féroces ne les dévorent».

Le secours bleu
Le père Luis Javier Fernández Frontela, carme déchaux, dans son ouvrage, « Une église clandestine. L’église persécutée dans l’Espagne de la Guerre Civile », raconte que le Secours Bleu était une des multiples organisations clandestines madrilènes qui avaient de nombreux services : un service pour les vêtements, pour le travail ou le Soutien spirituel. « Ce dernier service en plus de protéger des prêtres et des religieux menacés, organisait et facilitait l’attention spirituelle dans le Madrid clandestin, pour cela ils avaient leurs propres chapelles clandestines, parmi elles celle connnue comme Paroisse Bleue qui fonctionnait dans une laiterie au 46 de la rue Velázquez et qui faisait en sorte que l’attention spirituelle arrive dans les prisons, où ils faisaient arriver l’Eucharistie dans des caisses de médicaments (Javier CERVERA, Madrid en Guerra. La ciudad clandestina, 1936-1939, Madrid 2006).
À Madrid il faut aussi mettre en avant ce qui était appelée la Cathédrale d’Hermosilla, une chapelle clandestine qui fonctionnait au numéro 12 de la rue Hermosilla, mais dont la localisation était connue de tous. On y célébrait la messe. Les dimanches durant la célébration de la messe, il y avait toujours quelque prêtre qui expliquait l’homélie, et ceux qui voulaient être entendus en confession, avaient l’habitude de toujours trouver un prêtre, on administrait les sacrements du baptême et du mariage, et l’on enseignait le catéchisme aux enfants et aux adultes.

Escrivá, Lahiguera ou la paroisse de Sainte Thérèse
Alors que les premiers membres de l’Opus Dei cherchaient un moyen de passer dans la zone nationale (ndt celle contrôlée par les troupes ralliées au général Franco), Escrivá se déplaçait dans Madrid, en costume et cravate, et portait le drapeau du Honduras (4) soigneusement accroché au revers de sa veste. Souvent il écoutait des confessions dans la rue, la remontant et la descendant sur le trottoir. Il disait la Messe et prêchait des méditations à des petits groupes dans des maisons d’amis. Il portait le Saint Sacrement avec lui, à l’intérieur d’un étui à cigarettes qu’il gardait dans un petit sac avec le drapeau et le cachet du Consulat du Honduras, pour distribuer la Sainte Communion à plus de gens…comme on le voit dans « Tu trouveras des dragons ».
¨Pour sa part le directeur spirituel du Grand Séminaire de Madrid, José María García Lahiguera, après avoir été retenu à la légation de Finlande qui avait été subie l’assaut des milices populaires le 3 décembre 1936, arrive prodigieusement à obtenir sa liberté, et commence à organiser l’Église clandestine de Madrid aidé par d’autres prêtres et laïcs, comme c’est le cas de José María Tabeada, secrétaire national de l’Action Catholique.
Il faut aussi souligner le travail mené à bien par la Jeunesse de l’Action Catholique de la paroisse de Sainte Thérèse, qui a soutenu pendant les trois ans de guerre le mouvement de dévotion. Pendant la Semaine Sainte ils ont maintenu 19 monuments avec un cierge en continu ! Et durant les années de guerre ils ont célébré avec toute la solennité la fête de Sainte Thérèse, ils avaient la prière du rosaire perpétuelle, récité tout au long du jour avec des tours d’une demi-heure (ndt Et pensons au peu d’enthousiasme rencontrée dans certains de nos diocèses pour la petite veillée de prière pour la vie demandée par le Saint Père en novembre dernier…). Ou bien ils se dédiaient à la récolte de sommes fixes et d’intention de messes pour quelques trente prêtres qui vivaient et exerçaient leur ministère sacerdotal dans la clandestinité (Frontela, o.c. 201-202).

À côté des martyrs, furent nombreux ceux qui se chargèrent sans relâche de raviver la flamme de la foi à Madrid et dans tant d’autres lieux où l’Église fut persécutée avec des desseins de l’exterminer.

Notes complémentaires de Carlota

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(1) Interrogé (cf. http://www.zenit.org/article-26569?l=french ) le réalisateur Roland Joffé a expliqué le titre de son nouveau film ainsi :- « Les cartes médiévales désignaient les territoires inconnus avec les mots « Hic sunt dragones », « ici il y a des dragons ». Quand j’ai commencé à faire des recherches sur le thème et écrire le scénario, étant donné que je ne savais pas réellement ce qui m’attendait ni comme cela se terminerait, « Tu trouveras des dragons » m’est apparu un titre approprié. C’était comme si j’étais sorti de ma carte et m’étais aventuré dans un territoire inexploré en touchant des sujets comme qu’est ce que la sainteté, des thèmes de religion et de politique du XXème siècle, le passé d’un autre pays. J'avais été frappé par l’affirmation de Josemaría : Dieu on le rencontre dans « la vie ordinaire » et cette vie ordinaire, dans son cas, ce fut la guerre civile espagnole. Je me suis demandé : Comment est-il possible de rencontrer le divin dans la guerre ? ».
Le bande annonce française du film garde pour l’instant le titre anglais qui fait plutôt penser à un film « heroic fantasy », de même que la police des lettres qui illustrent l’affiche…

(2) De très nombreux et intéressants films de fiction espagnols (parfois coproduits avec l’Italie en attendant que l’Espagne puisse retrouver des studios « opérationnels »), ont évoqué le sujet dès 1939 mais, bien évidemment pas dans le sens donné par exemple dans l’adaptation hollywoodienne d’Hemingway et de son très fameux « Pour qui sonne le glas » (1943) avec Gary Cooper et Ingrid Bergman. Un « silence assourdissant » s’est abattu hors d’Espagne sur la légitime mémoire (et leurs évocations cinématographiques) de ces persécutions religieuses et l’anticléricalisme radical des années trente en Espagne évoqués par Benoît XVI lors de son voyage vers Saint Jacques de Compostelle (2010) et provoquant encore la ire de certains.
Ces films toujours présentés comme de pure propagande franquiste n’ont donc connu à leur sortie qu’une diffusion très limitée voire inexistante hors d’Espagne. Ils paraissent sobres face aux horreurs perpétrées en haine de la foi, suggérant plutôt que montrant des scènes brutales de persécutions. Mais l’époque n’était pas aux images violentes comme maintenant. Le père Jorge est donc un petit peu sévère en parlant de 75 ans d’amnésie provocatrice même s’il a sans doute raison hors d’Espagne ou depuis même en Espagne pour les jeunes générations baignant dans la dictature du relativisme.

(3) LuxVide a notamment produit le film télévisé sur Saint Augustin (2009)

(4) Les ambassades des petits pays et notamment les pays hispanophones d’Amérique latine accueillirent avec un grand dévouement les « réfugiés de classe » et leurs familles pourchassés. Ce que ne firent pas forcément les ambassades des grands pays occidentaux et d’Amérique du Nord…

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Je crois utile pour finir de donner l’avis général (qui correspond à ce que je pressentais intuitivement) d’un certain nombre de spectateurs espagnols, tel qu’il a été repris sur Religion Libertad (original: www.religionenlibertad.com/... ).
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Satisfaction religieuse et déception historique pour les spectateurs de « Tu trouveras des dragons ». […] l’impression générale des spectateurs coïncide: un traitement correct de la figure de Saint Josemaría et la transmission adéquate à travers le film de l’esprit chrétien de pardon et réconciliation après les horreurs de la guerre.
Mais il y a aussi un malaise dans une bonne partie du public par la vision qu’offre Joffé de la guerre, par sa « correction politique », par l’équidistance entre des victimes (catholiques, en particulier les prêtres et des religieux) et des bourreaux (miliciens) et par l’inégale et manichéenne vision qui est offerte de ceux qui ont rallié le camp national par rapport à ceux du camp républicain. Beaucoup de personnes ayant assisté aux premières séances ont montré leur surprise et dans quelques cas de l’indignation, pour ces faits.
En tout cas le message religieux du film pénètre vraiment profondément, et « Tu trouveras des dragons » s’inscrit dans la nouvelle vague du cinéma spirituel qui ces dernières années rencontre le succès (Bella, Fireproof, La última cima, Katyn, Des dieux et des hommes, etc.).
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Pendant ce temps des associations féministes et athées madrilènes ont prévu d’organiser pour le jeudi Saint (21 avril prochain) une procession avec des « confréries » comme celle de la « Sainte Pédophilie » et d’autres aux mots offensants sur la Sainte Vierge et le Pape, et n’ont pas hésité à dire à la radio : « Nous sommes exclusivement pour châtier la conscience catholique » ; « L’incendie des églises de 1936, une référence indispensable ». (on peut écouter ici).
Combien ces personnes doivent être malheureuses sans vouloir l’admettre pour n’avoir que ce genre de béquilles pour pouvoir continuer à cheminer ! C’est pour moi incompréhensible.

Une campagne choc pour le denier du culte Fosses ardéatines (2)