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Les "indignados": La quatrième révolution

Un article de Massimo Introvigne, écrit avant les exactions de Dimanche dernier. Quarante trois ans après mai 68... (21/10/2011)



C'est vrai que grâce à Carlota, je me suis intéressée dès le début au phénomène des "Indignados", et j'en suis encore, comme beaucoup, à lui chercher une signification allant au delà des clichés, de l'indulgence, des bons sentiments.
Cet article de Massimo Introvigne pour la Bussola (qui m'avait échappé) m'est retombé sous les yeux grâce au signe italien ami (voir ci-contre) - Rassegna Stampa.
Il a été écrit avant l'épisode de la manifestation de Rome, Samedi dernier, qui a vu des "casseurs" se déchaîner contre les symboles de la société de post-consommation (voitures, banques, Mac Do) mais aussi contre l'Eglise.

Après un rapide historique du mouvement, issu du misérable fascicule sur-exploité (par qui? ces rares et maigres pages avaient au moment de leur sortie en France, bénéficié d'une campagne de marketing hallucinante, relayée avec complaisance par les medias, et il a depuis été traduit dans toutes les langues, voir ici) et sur-évalué (par les mêmes!) signé - et sans doute pas écrit - par Stéphane Hessel, il attire notre attention sur l'indéniable dimension anticatholique du mouvement - et l'inaptitude du politique à apporter des réponses.
Le plus intéressant est la seconde partie, où il cite un de ses penseurs préférés (il en parle souvent), le brésilien Plinio Corrêa de Oliveira (mort en 1995), qui indentifiait dans Mai 68 une "quatrième révolution" dont le mouvement des indignados, plus de 40 après, serait un effet.
Et il rappelle les propos de Benoît XVI, dans l'Homélie des vêpres à Serra San Bruno, qui parlait rien moins que de "mutation anthropologique" (1)


Les "indignados": La quatrième révolution
Massimo Introvigne, La Bussola
14/10/2011
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Demain, samedi 15 Octobre ce sera la journée internationale de mobilisation des «indignados», et la manifestaton de Rome en sera le coeur en Italie.

Mais qui sont les "indignados" qui descendent dans la rue en Espagne, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Italie et dont la protestation semble être impossible à arrêter?
Le nom provient d'une brochure publiée en 2010 par un petit éditeur, en France (Indigènes, éditions de Montpellier) qui est devenu un succès mondial, "Indignez-vous! (Pour une insurrection pacifique)" - le livre a été traduit en italien, mais apparemment dans toutes les langues! - du vieil (93) ancien militant de la Résistance française, Stéphane Hessel, ambassadeur et politicien. Ce nouveau «livre rouge» d'une révolution bricolée est largement surestimé. Hessel attaque ce qu'en Italie nous appelions la «caste» (ndt: j'hésite à trouver un équivalent français, cer l'"établissement" est trop connoté!) - politiques, industriels, Église -, mais ses détracteurs soulignent qu'il en a toujours fait partie. Et son lien politique avec Dominique Strauss-Kahn est devenu une source d'embarras après les incidents à arrière-plan sexuel impliquant l'ancien directeur général du Fonds monétaire international (???).

Le contenu est d'une pauvreté désolante. Un critique vraiment insoupçonnable, le journaliste Pierre Marcelle du quotidien de gauche Libération (ndt: il avait sans doute ses raisons pour critiquer, j'imagine qu'elles ne sont pas celles de M. Introvigne, en tout cas, elles ne sont pas les miennes), a qualifié Hessel de « Père Noël de la bonne conscience». Les trente petites pages qui se voudraient anticonformistes de Indignez vous! sont même un hymne au pire politiquement correct, et laissent l'impression que pour surmonter la crise actuelle il n'est pas nécessaire de faire des sacrifices. Il suffirait que les « méchants» qui se sont emparés de la politique et de l'économie soient remplacés par des «bons» aux caractéristiques très vagues: loyaux, généreux, un peu anti-américain et anti-israéliens, fidèle aux «valeurs de la Résistance» - il ne manquerait plus que cela! - et capable de s'enthousiasmer pour les «nouveaux droits» revendiqués par les féministes et les homosexuels.

Les premiers "indignados" - d'où le nom espagnol - se sont manifestés le 15 mai 2011 à Madrid. Comme l'a noté le Père théologien espagnol Javier Lopez-Prades à une conférence organisée par le cardinal Angelo Scola de Venise, les "indignados" s'en sont pris d'abord à l'Eglise et ont fini par contester le Journées mondiales de la jeunesse et le pape. C'est une différence importante à la fois avec les anciens "anti-mondialisation" , qui n'étaient certes pas philo-catholiques mais qui n'avaient pas l'Église pour cible principale, et avec les foules du «printemps arabe», qui, quoiqu'en partie, contestant des dictatures «laïques», demandaient plus de religion et pas moins.

L'aspect anti-catholique souligné par López-Prades et l'insistance sur les «droits nouveaux» ne doivent en aucun cas être sous-estimés. Mais tout aussi importante est la révolte contre la politique en général, contre la «caste», et l'idée que la crise économique résulte des fautes individuelles de représentants individuels du monde politique et financier, de sorte que les "indignados" ne veulent pas entendre parler d'en payer les coûts. A Rome, on a entendu réclamer un «droit de l'insolvabilité», à ne pas payer les dettes. A Londres, les jeunes ont été vus brisant des vitrines et demandant non pas du pain - comme en Tunisie - mais le droit au portable dernier modèle, ou à des vêtements de marque. A Paris, les slogans contre tous les partis et les invitations à s'abstenir lors des élections ont troublé Hessel lui-même, qui a toujours fait de la politique et qui peut-être maintenant se rend compte qu'il a ouvert une boîte de Pandore.

Mais pour comprendre les "indignados", les analystes politiques ne suffisent pas. Ce qu'il faut, c'est une théologie de l'histoire.
Le pape Benoît XVI a parlé ce mois-ci en Calabre de la «mutation anthropologique» d'une génération qui vit dans la réalité virtuelle de l'Internet et des smartphones et risque de perdre le contact avec le monde réel. Le penseur catholique brésilien Plinio Corrêa de Oliveira (1908-1995), dans sa grande fresque de la déchristianisation de l'Occident, "Révolution et Contre-Révolution", voyait la Révolution, avec un "R" majuscule , comme un processus de destruction progressive des liens sociaux qui avaient fait de l'Occident chrétien ce qu'il était. D'abord, les liens religieux, avec la rupture avec Rome du protestantisme; ensuite, les liens politiques organiques fondés sur la richesse des corps intermédiaires, remplacés par un froid rapport entre le citoyen et l'État moderne, avec la Révolution française; et enfin les liens économiques avec le Communisme et l'absorption de toute la vie économique dans l'État. Plus tard, Corrêa de Oliveira ajouté aux trois premières phases ce qu'il a appelé la quatrième révolution, qui a eu son moment emblématique, en 1968, et n'attaquait plus les liens macrosociaux, mais microsociaux - la famille, le lien entre la mère et l'enfant par l'avortement - et même les liens de l'homme avec lui-même, avec la drogue, l'idéologie du genre, et l'euthanasie.

1968 était tout cela, mais la troisième révolution - celle communiste - était encore si forte qu'elle a réussi largement à le récupérer. Les no global (anti-mondialisation) - en partie des professionnels du désordre, en partie nostalgiques de formes archaïques du marxisme - représentent la transition entre un mouvementisme (tendance politique vouée à investir sur les mouvements extra-parlementaires et/ou les manifestations de rue de troisième, et un de quatrième révolution. Les "indignados" semblent être à la fois la cause et l'effet d'une quatrième révolution, qui a porté à leurs conséquences extrêmes l'écrasement du corps social, la solitude de tous par tous, et contre tous, le rejet de toute responsabilité - bien symbolisé par la revendication du droit à ne pas payer les dettes et les insultes au Pape, car il rappelle l'existence de devoirs - le manque absolu de perspectives et, au fond, même de l'espoir. Il a fallu plus de quarante ans de la quatrième révolution, pour que les rues puissent se remplir d' «indignados».

Ces mouvements ont toujours été manipulés et réabsorbés par certains démagogues politiques. Va-t-on voir la même chose cette fois? Beppe Grillo (ndt: histrion médiatique italien à la Coluche, que nous avons déjà croisé dans ces pages) a posé sa canditature, qui s'est empressé d'accourir à Madrid au premier signe de vie des "indignados". Et nous avons vu l'émergence de partis paradoxaux, du néant, consacrés au droit de piratage informatique, ou comme on vient de le voir en Pologne, à une collection hétéroclirte de «nouveaux droits» rassemblés par l'anticléricalisme. Ces parties ne gagnent pas les élections, mais il est déjà inquiétant de constater qu'ils obtiennent des sièges au parlement.

Quant aux politiciens traditionnels - y compris ceux de gauche - ils espèrent parfois exploiter les "indignados", mais ils en reçoivent la plupart du temps que des œufs pourris. L'incompréhension et les œufs pourris, expliquent pourquoi non seulement la politique n'est pas en mesure de répondre à quelques revendications raisonnables des "indignados" - qui sont de caractère économique immédiat, autrement dit ils dénoncent le scandale réel de classes dirigeantes qui réclament des sacrifices auxquels ils ne sont pas prêts à s'associer en personne - mais aussi pourquoi, intimidée, elle même pas en mesure de garantir l'ordre public comme il se doit lorsque les manifestations dégénèrent en violence intolérable.

La présence de "indignados" donne raison à Benoît XVI : Nous sommes confrontés à une dégradation anthropologique qui commence souvent par se manifester comme hostilité à l'Eglise et au christianisme. Il faut certes une réponse d'ordre public aux franges violentes, qui ne se laisse intimider par aucune rhétorique "buoniste". Mais s'attaquer sérieusement au problème des "indignados" signifie travailler patiemment à reconstruire les liens sociaux et personnels brisés par une longue révolution. Pour les hommes et les femmes de bonne volonté - le Pape l'a dit au Parlement fédéral allemand - cela s'appelle un retour à la loi naturelle, à l'idée qu'il y a non seulement des droits, mais aussi des devoirs, à une notion claire du bien et du mal. Pour les catholiques, cela s'appelle la nouvelle évangélisation.

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(1)
Dans les dernières décennies, ensuite, le développement des media a développé et amplifié un phénomène qui se profilait déjà dans les années soixante: la virtualité, qui risque de dominer la réalité. De plus en plus, même sans s'en rendre compte, les gens sont plongés dans le monde virtuel, en raison de messages audiovisuels qui accompagnent leur vie, du matin au soir. Les plus jeunes qui sont déjà nés dans cette condition, semblent vouloir remplir de musique et d'images chaque instant vide, comme par peur de resentir, justement, ce vide. C'est une tendance qui a toujours existé, surtout parmi les jeunes et dans les contextes urbains les plus développés, mais aujourd'hui elle a atteint un niveau tel qu'on parle de mutation anthropologique.

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