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Benetton, le Pape et l'imam de la discorde

Un article d'un collaborateur hispanophone de Vatican Insider, qui apporte un éclairage un peu différent. Traduction de Carlota (18/11/2011)

Benetton, le Pape et l’imam de la discorde
Article original ici: http://www.e-consulta.com/
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Stratégie orchestreée ? Simple superficialité ? Il est évident que les publicistes du groupe italien Benetton étaient complètement conscients de l’impact qu’aurait leur campagne publicitaire « Unhate » (anti-haine) qui, entre autres choses, inclut un photomontage du Pape Benoît XVI embrassant sur la bouche un responsable musulman égyptien . Et ils ont atteint leur objectif : positionner leur produit (ndt: je le pense et le marché visé n’est peut-être pas celui à qui l’on pense en premier…). Ils ont tombés dans la tentation du scandale, un vieux truc. Pathétique mais effectif.

La campagne a eu un lancement mondial le mercredi 16 novembre. Pour une plus grande provocation, la compagnie a décidé d'installer une affiche géante avec le baiser du souverain pontife , à quelques mètres du Vatican, en plein Rome. Les réactions d’indignation du monde catholique ne se sont pas fait attendre. L’après-midi, le directeur de la salle de presse du Vatican, Federico Lombardi a émis le communiqué suivant : Il s’agit d’un grave manque de respect envers le Pape, d’une offense aux sentiments des fidèles, d’une démonstration évidente de comment, dans le cadre de la publicité, l’on peut violer les règles élémentaires de respect des personnes pour appeler l’attention au moyen de la provocation. La secrétarie d’État est en train d’évaluer les démarches nécessaires devant les autorités compétentes pour garantir une juste défense du respect de la figure du Saint Père.



Les commentaires sont plus qu’abondants. Ce même mercredi dans la soirée, quand le scandale médiatique était à son pont culminant, Benetton a annoncé sa décision de retirer l’affiche offensante. Le mal (et l’impact sensationnaliste) était déjà fait.
Voici quelques remarques en marge.

Ceux qui ont dessiné la campagne savaient bien ce qu’ils faisaient parce qu’en la préparant, ils n’ont pas choisi un musulman quelconque mais l’imam de la mosquée de Al-Azhar au Caire, Ahmed Mohamed-el-Tayed. Il s’agit de l’un des dirigeants les plus représentatifs de l’islam égyptien car Al-Azhar n’est pas seulement un lieu de culte mais un centre de culture. Cette institution maintient toujours la rupture de ses relations avec le Saint Siège après le démêlé diplomatique du début de l’année 2011. Tout avait surgi du message de nouvel an de Benoît XVI, dans lequel le Pape demandait aux autorités politiques égyptiennes, - à l’époque à la tête desquelles se trouvait Hosni Moubarak - d’offrir une protection à la minorité chrétienne copte. Cela après, qu’au Noël qui venait d’avoir lieu, une bombe ait explosé dans une église tuant des paroissiens. L’imam el-Tayeb avait réagi immédiatement en qualifiant « d’inacceptables » les phrases du souverain pontife, et en annonçant que Al-Azhar gelait ses relations institutionnelles avec le Vatican. Cela avait une signification particulière puisque ce lien n’était pas occasionnel, tous les ans, les musulmans égyptiens se réunissant avec des représentants du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Après ce démêlé la dite rencontre a été suspendue et tous les contacts ont été annulés, et c’est ainsi resté en l’état jusqu’à maintenant.

À l’origine, la faute de l’attentat à la bombe avait été attribuée à des groupes islamiques radicaux, le temps a démontré que les choses étaient différentes. Il y a à peine quelques jours j’ai pu converser avec un ami égyptien chrétien copte originaire de El Menia. Au cours d’une très intéressante conversation il m’a révélé que l’engin explosif avait été installé par des agents du président Moubarak. Son objectif ? Distraire l’attention alors que l’ambiance politique se faisait délétère (ndt: je prends l’information telle quelle évidemment. Qui pourra d’ailleurs le prouver…). L’attaque a eu lieu en pleine gestation du « printemps arabe », le mouvement qui provoquera le renversement du président, à peine quelques semaines plus tard.

Moubarak est tombé, la révolution a triomphé, les militaires sont arrivés au pouvoir et rien n’a changé. Aujourd’hui les mêmes qui étaient avec le dictateur, contrôlent la politique, et les persécutions contre la minorité chrétien sont devenues encore plus dures. Dans ce contexte l’imam de Al-Azhar n’a pas changé d’opinion. Le dialogue avec le Vatican reste congelé.

Un épisode embarrassant provoqué par ce même responsable musulman a eu lieu il y a à peine quelques jours. À l’occasion de la fête islamique du sacrifice (Eid el Adha) le nonce apostolique au Caire, Mgr Michael Fitzgerald a décidé d’aller personnellement saluer Ahmed Mohamed el-Tayeb au lieu de lui envoyer la traditionnelle lettre. La réponse de l’imam a été : « J’accepte tes salutations personnelles mais pas celles du Saint Siège » (ndt il est évident, sans être un fin stratège et un fin diplomate, que ce genre d’attitude n’est pas le fruit du hasard, alors les coptes ont à crainte le pire de l’évolution politique égyptienne. Qui pouvait imaginer que le « printemps arabe » allait aussi les concerner !).

Évidemment les publicistes de Benetton connaissaient très bien ce contexte. Personnellement je me refuse à voir dans leur photomontage un « complot » politique international contre l’Église catholique (*). Je me dissocie des interprétations apocalyptiques. Mais l’affiche avait un sens très précis. Ils étaient conscients de la réalité. Ils ont vu de très près la tentation du scandale et ils sont tombés dedans. J’insiste, pathétique.

Note de Carlota

(*) Sans être un complot international, l’intention est loin d’être innocente. Et taper sur le Pape et l’Église catholique est particulièrement à la mode actuellement dans le monde occidental de la « culture » (enfin de la contre-culture) au sens le plus large.
Certes l’on peut penser que Benetton fait partie de cette « élite » industrielle richissime tellement coupée des réalités qu’elle réagit en enfant gâté qui fait des bêtises bien préparées mais en pensant plus aux conséquences immédiates qu’à celles plus profondes. Des grands enfants immatures et pervers qui cherchent à se faire remarquer (ou la marque qu’ils fabriquent mais c’est du pareil au même). Mais ce sont aussi et surtout des adultes que l’Église romaine dérange parce que tout ce qu’elle fait et dit est aux antipodes des contre-valeurs qui les animent. Alors tout est bon.
Les autres images choisies sont les alibis pour noyer le poisson. Et l’on peut remarque que Nicolas Sarkozy, notre président embrasse Mme Merkel. Cela reste gentillet…si l’on peut dire. Et Madame n’a même pas à s’inquiéter (c’est peut-être par solidarité entre compatriote ou bien on n’embête pas un jeune couple respectable qui vient de pouponner, ou est-ce le syndrome Légion d’Honneur ? Il est toujours étonnant de voir combien cette décoration peut avoir de l’importance pour certaines catégories de personnes). Et pourtant l’on aurait pu avoir une photomontage de M. Sarkozy avec M. Dimitri Medvedev ou « pire » avec l’ex-futur président russe (si l’on en croit les soudages) Vladimir Poutine, lui aussi tellement honni par les journaux français…Les publicistes de Benetton ont choisi avec soin leurs sujets et ils savaient parfaitement que leur campagne ne ferait pas long feu, à cause justement du Pape. Ce qui comptait c’était de le faire. Je ne connais pas la santé financière de ce groupe et je ne sais pas non plus quelles sont les parts de marché de l’Arabie saoudite et de la Russie pour Benetton (Tiens, l’on a pas vu non plus le Patriarche Cyrille embrassant un chef religieux musulman de Tchéchénie !). Par ailleurs pour certains « bobos » peut-être version Ryad (car le snobisme existe partout même s’il prend des formes différentes), cette nouvelle publicité leur donnera peut-être la sensation d’avoir la « rebel attitude » quand ils achèteront un Benetton.
Alors pathétique sans doute mais aussi perversement indigne et dangereusement irresponsable.

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