Le don du pape pour la Basilique St-Augustin

L'Osservatore Romano s'entretient avec l'évêque d'Hippone-Constantine, Mgr Paul Desfarges , à propos des travaux de restauration de la Basilique consacrée à Saint Augustin, à Annaba, en Algérie (26/8/2012)

On peut sans doute trouver dans ses propos des traces d'angélisme (peut-être aussi par prudence): je le trouve personnellement très émouvant.

Le don de Benoît XVI pour encore mille années de splendeur.
La restauration de l'ancienne basilique de Saint-Augustin sur la colline d'Annaba près d'Hippone
(Raffa)
Tiziana Campisi
25/8/2012
Osservatore Romano, ma traduction
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Le chantier a été mis en place il y a un an. Sur la colline d'Annaba, en Algérie, les échafaudages cachent les détails architecturaux dans le style arabo-mauresque et romano-byzantin de la belle basilique dédiée à Ssaint Augustin, évêque d'Hippone de 395 à 430. Mais l'année prochaine, ce lieu de culte, fruit de mains africaines qui ont su harmoniser des cultures différentes, parlera à nouveau, laissant filtrer, à travers les belles façades, les vitraux colorés, les marbres précieux, les mots du grand philosophe numide que l'Église reconnaît comme Père. Le projet de restauration est financé par les pouvoirs publics algériens et français, des institutions diverses, des ordres religieux, des diocèses, et divers bienfaiteurs divers.
Benoît XVI a également offert une contribution personnelle. Régulièrement informé de l'avancement des travaux par une «Lettre», qui décrit les détails des travaux. Notre journal aussi en a parlé. Aujourd'hui, dans cette interview, l'évêque d'Hippone-Constantine, Mgr Paul Desfarges, fait le point sur l'avancement des travaux et se concentre sur le sens que prend la restauration dans le contexte œcuménique.

- Le Pape a lui aussi donné des fonds pour contribuer à la restauration de la basilique de Saint-Augustin à Annaba. Quelle est l'importance de ce lieu de culte significatif?

- L'importance est également perceptible par l'attention portée par Benoît XVI pour l'initiative. La Papal Foundation a déjà offert une contribution. Toutefois, le Pape, informé de la nécessité de la restauration de l'ancien temple, a tenu spécialement à participer au financement des travaux avec une contribution personnelle. Nous savons tous à quel point saint Augustin est cher au cœur du Pape. Il sait aussi très bien que la basilique d'Annaba, en Algérie, n'est pas seulement un lieu de culte. La colline d'Hippone, avec la basilique tout en haut, est un lieu-symbole.
Un symbole fort de convivialité, de fraternité, humaine et spirituelle. C'est un lieu transculturel, transreligieux, et cela, on le doit aussi à la figure de saint Augustin, qui lui a insufflé ces valeurs à travers son humanisme, à travers sa foi et sa culture, et qui conduit chaque homme à l'essentiel. Comment il aimait à répéter: vivre, c'est aimer, retourne à ton coeur. Et ce message est actuel aujourd'hui comme il l'était hier. La basilique - consacrée au début du XXe siècle - est située à quelques centaines de mètres du site archéologique de l'antique Regius Hippone, qui conserve encore les vestiges de la Basilique Pacis, où Augustin exerça son ministère; le trône de l'évêque et le baptistère existent encore. Ce n'est pas quelque chose qui regarde seulement à l'Église catholique en Algérie, cela regarde tous les Algériens. C'est pourquoi cette restauration a été bien accueillie par tous; les gens d'Annaba sont fiers de Saint-Augustin. Sur cette colline, il y la Basilique, il y a les pères augustins - qui sont chargés de la pastorale - et les Petites Sœurs des Pauvres qui dirigent un foyer pour personnes âgées qui ne peuvent pas rester dans leur famille, ou très modestes.

- Le début des travaux de restauration a été rendue possible grâce à la collaboration de plusieurs institutions, quel est le sens de tout cela?

- Il y a eu une collaboration très importante de l'Algérie à travers l'implication des différentes institutions, d'entreprises publiques. Il y a aussi des entrepreneurs privés qui parrainent les travaux, et puis des entreprises publiques d'autres pays, à commencer par la France. Une contribution importante provient de la région Rhône-Alpes qui compte trois villes jumelées avec des municipalités Algériennes. Annaba est jumelée avec Saint-Etienne, Grenoble avec Constantine et Sétif avec Lyon. Comme je le disais la restauration de la basilique de Saint-Augustin n'est pas seulement la restauration d'un lieu de culte, mais un lieu symbole de la coexistence et de la fraternité entre les deux rives de la Méditerranée et entre chrétiens et musulmans, entre l'Occident et l'Islam, entre hommes demandeurs de sens et de vérité.

- La pastorale de la basilique est confiée à une petite communauté de pères augustins, quelle est leur service?

- Les pères augustins, ils sont trois, espérent un jour être plus nombreux. Mais il faudrait pouvoir résoudre le problème des visas, qui encore aujourd'hui, pour les prêtres, les religieux et religieuses est toujours un petit obstacle à surmonter. Ils réussissent quand même à assurer l'animation de la vie pastorale; ils célébrent la liturgie; ils accueillent les étudiants et guident la visite de la basilique. Chaque jour, de nombreux Algériens, algériennes, musulmans, musulmanes (!!), mais aussi des pèlerins, touristes et fidèles viennent pour visiter le lieu de culte, mais aussi pour mieux connaître Saint Augustin, pour méditer. Et quand ils passent l'entrée de la basilique, ils comprennent qu'ils ne sont pas dans un musée, mais un lieu où la paix et la tranquillité vous capturent. Et puis, les Augustins sont des religieux, donc ils prieent, comme dans un petit monastère. Ainsi, la vie de la basilique est rythmée par leurs prières.

- Les travaux de restauration se poursuivent. De quelle façon est-il désormais possible de contribuer?

- D'abord à travers la prière, à travers la communion d'amitié fraternelle, pour faire connaîtr notre Eglise et ce lieu symbolique, notre désir de vivre dans la fraternité et la communion. Du point de vue financier, je peux dire que, tout compte fait, pour compléter l'ensemble des travaux il faudrait encore 500 000 €. Nous comptons sur la Providence. Ainsi, nous demandons des prières sans frontières: pour faire entendre notre voix par la Divine Providence.

- Quelle est aujourd'hui la présence de l'Eglise en Algérie?

- LÉglise catholique en Algérie d'aujourd'hui est principalement représentée par des jeunes d'Afrique subsaharienne qui viennent étudier grâce aux bourses accordées par leur pays d'origine et, dans certains cas, co-financées par l'Etat algérien. Pour certains d'entre eux, il n'est pas toujours facile de s'intégrer. Avec le temps, toutefois, les relations s'approfondissent et se transforment en amitié, et cela fait partie de la mission de notre Eglise. En plus des étudiants, ensuite, il y a les travailleurs des chantiers navals internationaux, en particulier les Philippins, qui fréquentent nos paroisses, surtout pour les grandes fêtes. Une fréquentation régulière n'est pas toujours facile pour eux, c'est pourquoi nous nous efforçons de les rejoindre dans leur vie quotidienne. Et puis il y a quelques Fils de ce pays; ils ne sont pas nombreux, et certains les appellent les amis de saint Augustin. Ce sont des personnes qui ont fait, à leur manière, la même expérience que Saint-Augustin, de découverte de la présence de Dieu dans les profondeurs de leur cœur, et qui peuvent aujourd'hui invoquer Jésus. Ils sont le signe de cette volonté de notre Dieu d'habiter parmi les Siens. Dieu montre son désir de demeurer dans nos cœurs à travers ces Algériens.

- Celles d'Algérie sont des petites communautés, qui rappellent un peu l'Église primitive. Des minorités dans des zones géographiques où la majorité professe d'autres religions. Quelle valeur revêt leur témoignage? Peut-elle être un exemple?

- Je ne sais pas. Nous n'avons pas la prétention d'être un exemple. Nous sommes une petite Église, discrète, modeste, qui essaie d'être humble. Sœur Magdeleine, fondatrice des Petites Sœurs de Jésus de Charles de Foucault disait que dans un pays musulman, nous ne devons faire d'ombre à personne. Nous ne voulons pas faire de l'ombre à quiconque, nous essayons simplement d'exister. Je pense que c'est la vocation de l'Église, ici et la vocation de l'Église tout entière. Dieu veut habiter parmi les Siens, il veut venir parmi les siens, alors: celui qui vous accueille m'accueille, et celui qui m'accueille, accueille Celui qui m'a envoyé. Nous nous sentons accueillis ici.

- Il y a le respect de la liberté religieuse?

- La liberté de conscience de certaines personnes qui ont rencontré le Christ n'est pas toujours respectée. Ce n'est pas facile, la Croix n'est pas absente de notre chemin, mais ici, nous faisons l'expérience de la beauté de recontres humaines spirituelles profondes. L'Eglise devient ici un signe de l'amour du Père qui vient dans son Fils Jésus pour vivre parmi les siens.

- Quels sont les rapports avec l'islam?

- Nous savons que l'Esprit Saint agit dans les cœurs de tous les croyants. Je qualifierais de surprenantes certaines importantes et profondess rencontres et avec la spiritualité de l'Islam. De l'Islam, nous avons souvent la vision déformée d'une religion politique et idéologique. Trop souvent nous oublions cependant ses aspects intérieurs. Nous rencontrons ici des croyants, des gens qui prient. Les frères chrétiens de Tibhirine disaient que le Christ a tant aimé l'Algérie qu'il a donné sa vie pour elle et pour nous. Eh bien, nous sommes une Eglise-mangeoire, nous sommes ici: ma vie pour toi, ma vie pour vous. Comme le Christ - déposé sur une mangeoire, avec humilité, il s'est fait pain pour nous - l'Eglise ici se veut une humble présence aux côtés des gens.

(© L'Osservatore Romano le 25 août 2012)

Noes additives

1. On connaît la passion du Saint-Père pour Saint Augustin, auqel il a publié une série de catéchèses en février 2008.
Cliquez sur l'image.

Les catéchèses de Benoît sur Augustin (fev. 08)

Dialogue

Benozzo Gozzoli Saint-Augustin enseignant à Rome, Chapelle de San Gimignano, Italie. Collage Benoit-et-moi

2. A propos des travaux de restauration de la basilique, j'ai trouvé ce site: http://www.questionsenpartage.com

La restauration de la basilique d’Hippone est avant tout un projet culturel et interculturel aux multiples dimensions.
C'est un projet exemplaire de coopération. La coopération mise en œuvre pour restaurer cet édifice du patrimoine algérien dépasse le cadre strict de la coopération financière, puisque les autorités algériennes, et au premier chef la wilaya d’Annaba, soutiennent totalement l’opération. Il s’agit d’un partenariat exceptionnel, conduit dans une confiance réciproque.
Ces travaux doivent permettre de transmettre les connaissances techniques requises pour ce “chantier-école”, qui seront utilisables pour la restauration d’autres monuments historiques. Voilà un signe fort de coopération.
C'est un projet interculturel. Le monde de l’Islam et le monde occidental se sont, dans l’ histoire, opposés, le plus souvent par ignorance des richesses des uns et des autres ; même si cet affrontement peut encore subsister, on restaure aujourd’hui un bâtiment qui n’est pas le symbole du passé, mais un édifice qui a vocation à être un lieu de rencontre entre deux cultures, appelées à mieux se connaître, pour construire un avenir partagé.
Ce projet s'inscrit dans une dimension patrimoniale. La basilique d’Hippone est un joyau architectural bâti sur un site d’exception ; son style éclectique s’inspire de références romanes, byzantines et mozarabes. C’est à l’évidence un élément significatif du patrimoine historique national, dont l’intérêt permet de dire qu’on accède ici au degré de patrimoine de l’humanité.
Ce projet a une dimension sociale. Le chantier mettra en œuvre des techniques modernes mais aussi des savoir-faire transmis, depuis le moyen-âge, et maîtrisés par des “compagnons” ; un des aspects intéressant du projet consiste ainsi à transmettre ces connaissances à des jeunes Algériens à travers une formation en alternance aux métiers de la restauration du patrimoine bâti.
Ce projet a une dimension économique et touristique. Une opération de cette ampleur a des retombées économiques locales non négligeables.. Toutes les ressources nécessaires au projet et disponibles en Algérie seront mobilisées sur place. A terme, Annaba offrira aux touristes un édifice à visiter, à la mesure de ses ambitions.

La basilique se trouve dans un état de dégradation avancée. Le clos et le couvert de l’édifice ne sont pas assurés, ce qui détériore les maçonneries et l’intérieur. De nombreux vitraux sont cassés. 140 vitraux d’un intérêt exceptionnel ornent la basilique ; leur dégradation nécessite un très important travail de restauration. L’état des plafonds menace la sécurité du public.
Les travaux du dôme ont débuté en 2010, avec les concours publics de la wilaya et de l’APC, et d’autres collectivités, ainsi qu’avec des contributions d’entreprises : Sonatrach, Total, Saipem, Sider, Sonelgaz, Lafarge, Epan, Mehri, Fertial, Linde Gas, Egta, SNC Ghimouz. Les travaux s’achèveront au printemps 2013.
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