Quand des journalistes trahissent

La juste indignation d'Angela Ambrogetti à l'issue du procès Vatileaks (7/10/2012)

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Vatileaks: Les agences qui couvriront le procès
¤ Vatileaks: Les agences qui couvriront le procès(2)

L'éthique journalistique oubliée, même dans le procès au Vatican
Angela Ambrogetti
Korazym.org
6 Octobre 2012
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Le procès est clos.
Pour l'instant, nous allons voir si Gabriele fera appel ou s'il attendra seulement la grâce du Pape, auquel jusqu'à présent il n'a envoyé qu'une lettre qui, selon ceux qui l'ont lue, est formelle et sans sentiment. Il faudra suivre le procès de Sciarpelletti (l'informaticien) et nous verrons aussi si Gabriele veut dénoncer la gendarmerie du Vatican, en bref, la bataille juridique n'est pas finie, pas plus que les enquêtes ne sont terminées.
En attendant, nous pouvons tirer quelque bilan. Au moins sur le comportement des médias, ou plutôt de certains membres des médias.
Le premier problème que nous avons dû affronter en tant que journalistes accrédités de façon permanente auprès du Saint-Siège était que seuls huit journalistes à la fois pouvaient suivre les audiences. Et on a vu dans cette circonstance, l'arrogance des médias riches et puissants, en somme des lobbies de l'information. Ils ont prétendu à un poste fixe pour toute la durée du procès. Ainsi, quatre places étaient occupées. Les quatre autres ont été attribuées à tour de rôle. C'est toujours mieux que rien. Mais il est évident que le compte-rendu global a été «conditionné» par la volonté des «grands».

Pour ceux qui ne font pas de journalisme, il est difficile de comprendre ce que signifie un "pool" (ndt: voir les deux articles cités en lien plus haut). Ce n'est pas une récompense, mais un service, ce ne sont pas ceux qui ont plus de lecteurs qui devraient participer, mais ceux qui sont le mieux adaptés à la tâche dans une occasion déterminée, ou alors mieux vaut tout laisser au hasard avec un tirage au sort. Comment gérer un pool est de toutes façons une affaire interne entre les journalistes. Au lieu de cela, pendant des jours, on en a parlé comme si le Vatican avait imposé des conditions. Il n'en était rien. Mais l'engouement pour le scoop et le scandale sévit désormais.

Une fois décidé, grâce à d'amples consultations, que l'arrogance ne se combat qu'avec la démocratie, un accord a été conclu sur les «règles du pool» parmi les journalistes de l'Aigav (Association Internationale des journalistes accrédités auprès du Vatican) - dans la pratique, ceux qui sont accrédités de façon permanente. Mais durant les jours d'audiences, beaucoup sont venus de l'extérieur pour suivre les rapports des huit collègues qui se trouvaient dans la salle d'audience. Tous ont été informés des règles, du pacte par exemple, selon lequel personne ne publiait rien jusqu'à 15 minutes après la fin du briefing. Ils l'ont tous respectés. Sauf l'envoyé du Fatto Quotidiano (ndt: comme par hasard le journal d'extrême-gauche qui a diffusé les confidences du corbeau!!) Carlo Tecce. Venu dans la salle de presse un jour ou deux, il a jugé bon de ne tenir compte d'aucun lien pour puvoir faire un «scoop». C'est-à-dire donner la nouvelle un peu avant les autres. Lors des briefing, alors que les collègues restaient silencieux en attendant la fin de l'embargo sur les nouvelles, quelques-uns twittaient les nouvelles. Puis il y a eu Aldo Maria Valli, de TG1 et Enzo Romeo de TG2 qui sont passés à l'antenne, violant l'embargo, plus attentif aux souhaits de leurs directeurs que du respect de leurs collègues. Et enfin, Al Jazeera en anglais, qui entre autre n'a pas d'entrées à la salle de presse du Vatican et qui devait donc être informé par d'autres, ce samedi 6 Octobre a «volé» quelques minutes pour arriver le premier. Alors que tous les autres attendaient l'expiration de l'embargo. Un très grave manque de respect pour les collègues, également assez inutile, puisque, presque tout de suite après, tout serait public.

Cela, non seulement ce n'est pas du journalisme, ce n'est pas professionnel, c'est contraire à l'éthique, mais ce n'est même pas le minimum d'éducation requis par le pacte social. "Pacta sunt servanda" (les pactes doivent être respectés) disaient les Latins. Sinon, on retourne à «l'homme est un loup pour l'homme», on descend dans le bestial. Et cette «bestialité» devrait assurer une information meilleure? Libre? Objective? Comment le public des lecteurs peut-il faire confiance à ceux qui agissent de cette façon, trahissant la confiance des autres? N'est-ce pas cela, au fond, le problème à la base de l'affaire Gabriele? Trahir vraiment, n'est-ce pas un comportement condamnable?