A-t-on vraiment besoin des "medias"?

Une chose que j'ai apprise depuis huit ans, grâce à Benoît XVI. Et la lettre d'un journaliste à Benoît XVI, par Bruno Mastroianni (3/3/2013)

Image ici.

     

Les émissions dont le titre commence par ces mots "A quoi sert...", ou "A quoi servent..." sont un marronnier des talk shows télévisuels.
Moi, je leur renvoie leur question: "A quoi servent les médias?"
Si l'on prend le mot "servir" au sens "être utile", la réponse - sans nuance, et sans doute injuste, car elle généralise, attribuant à l'ensemble les comportements de beaucoup - me vient spontanément: à rien.
Mais dans une autre perspective - la leur - il en va tout autrement, et je vais essayer de m'expliquer.

En plus d'enfoncer probablement des portes ouvertes, ce qui pourra en faire sourire certains, plus "aguerris" que moi, ma réflexion est encore en gestation, et j'essayerai de l'affiner plus tard.

D'abord, que sont les medias?
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Dans un premier temps, une interface, un relais, entre la source de l'information et la masse des gens à la recherche de cette information.
Dans la réalité ils sont (surtout à notre ère de sur-information) un moyen de canaliser le flux des recherches, de brouiller la source, et donc de form(at)er l'opinion publique; et ils sont désormais (on le voit de façon dramatique, dans cette phase de préparation au Conclave, voir à ce sujet l'article de Magister), un quatrième, ou cinquième pouvoir... en réalité le seul, puisqu'il contrôle lui-même les contre-pouvoirs éventuels (la rue, les politiques, la culture) - il suffit de voir le cas de Beppe Grillo, illustration caricaturale d'un faux contre-pouvoir adoubé par les "medias" (1).
Ils utilisent d'ailleurs pour définir leur rôle un mot curieusement détourné de son sens, "décryptage", désormais utilisé plusieurs fois au cours d'une même émission de radio ou de télévision, pour introduire chaque "nouvelle".
Décryptage de quoi? Mystère. Décrypter, c'est découvrir ce qui est caché. A l'inverse, ils recouvrent d'une croûte épaisse ce qui est lumineux.

Mais revenons-en à la définition d'interface.
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Ce rôle d'intermédiaire est-il absolument nécessaire, aujourd'hui?
Eh bien, clairement, non! Ceci, essentiellement, grâce à Internet, considéré ici exclusivement comme un outil technologique, i.e. la possibilité pour tout le monde de transférer des fichiers.
Je vais parler de ce que je connais: la "couverture" de l'activité de Benoît XVI par les medias.
Et j'en suis arrivée, au fur et à mesure que le pontificat avançait et que mon propre site s'étoffait, à la constatation que j'avais de moins en moins besoin de leur contribution, et même à la fin, plus du tout (au moins, les medias de notre pays). En réalité, le site du Vatican fournit tous les éléments (textes, images, video, et on a vu que pour les splendides images du départ du Saint-Père que, c'est leur propre télévision qui a pris le relais... avec quelle maîtrise!), et pour les analyses, les circuits parallèles d'information étaient infiniment supérieurs - à condition, bien sûr, d'avoir pris le temps de les chercher, et de se construire son propre circuit.

Je donne un exemple précis: les catéchèses du mercredi, et les angelus du Saint-Père.
Les grands médias n'en parlaient pas, sauf quand il y avait quelque polémique croustillante à se mettre sous la dent (exemple: les Roms, pour mettre Nicolas Sarkozy dans l'embarras). Ceux qui en parlaient découpaient quelques passages, en italique ou entre guillemets, entourés de formules de liaison, du type "dit le Pape", "affirme-t-il", etc... A quoi bon tout cela, quand il est si simple (au moins pour la presse en ligne) de renvoyer au texte complet sur le site officiel? Mais cela permet de faire des coupures, et de diluer, ou déformer le massage initial, le rendant illisible.

Un autre cas d'école, c'est évidemment les propos sur le préservatif, dans l'avion vers Yaoundé. Là encore, je crois que j'avais vu juste dès le début (et je rends hommage à des journalistes italiens exemplaires... mais les propos du Pape étaient instantanément disponibles en video, sur un site non professionnel, celui de mon ami russe, ce qui ne laissait aucune place à l'imprécision), mais mon information n'aurait été reprise par personne en France, pour rien au monde, et elle continue à ne pas l'être, car je suis, pour différents motifs, "infréquentable" (2).

Enfin le rôle des medias est d'autant plus nocif qu'ils ont presque tous, sauf exceptions rarissimes - je pense évidemment à Angela Ambrogetti (3) mais aussi Salvatore Izzo et Lucio Brunelli, l'auteur du beau documentaire récemment diffusé en Italie, Portrait inédit d'un pasteur et bien sûr José-Luis Restàn - gravement failli envers Benoît XVI, surtout ceux catholiques, parce qu'il leur revenait un grand devoir, mais qu'ils ont cru bon de faire passer avant leurs petits intérêts partisans; heureusement que les "vrais gens" ne s'y sont pas trompés, je veux parler de ceux qui ne lisent ni le Nouvel Obs, ni le Monde... ni la Croix, etc... Sans doute ceux que ces mêmes medias qualifient, avec un certain mépris de "personnes ayant un faible niveau d'éducation"!

J'ai traduit à ce sujet un article issu du blog de Bruno Mastroianni (un spécialiste des media, assurément!), que mes lecteurs connaissent. C'est évidemment aux journalistes catholiques qu'il pense, à travers l'artifice littéraire de cette "lettre ouverte", et j'aimerais penser qu'il ne cède pas à un optimisme excessif.

Avant de lui laisser la place, je termine par une prière: Prions pour que le prochain Pape ne soit pas "médiatique". Au sens où ces gens-là l'entendent, c'est une insulte: un homme qui se mettrait à leur niveau!

Lettre ouverte d'un journaliste à Benoit XVI


D'un journaliste (anonyme) à Benoît XVI
http://brunomastroianni.blogspot.it
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À 20h00 aujourd'hui, 28 Février 2013, en concomitance avec la fin du pontificat de Benoît XVI, j'ai reçu ce message anonyme signé simplement «un journaliste».
Le voici:


Cher Benoît XVI
Tu as commencé ton pontificat comme un «humble travailleur dans la vigne du Seigneur» et tu le finis comme un «simple pèlerin qui commence la dernière étape de son pèlerinage sur la terre», nous donnant une (dernière?) très grande leçon.

Nous t'avons appelé berger allemand, Panzerkardinal, pape théologien, timide, isolé, nous avons dit: «il n'est pas comme son prédécesseur».
Nous t'avons accusé, nous avons commenté chacun de tes choix comme si nous savions mieux que toi ce qu'il convenait de faire.
Nous nous sommes trompés très souvent.

Beaucoup parmi nous ont essayé de te raconter comme tu le méritais, mais ce n'était pas facile dans ce climat de concurrence et de crise du système. Nous avons été souvent arrogants, superficiels, incrédules. Nous ne t'avons pas lu à fond, nous avons balancé des titres. Nous avons cherché des effets dans tes chef-d'oeuvre de catéchèse, quelque chose à «faire mousser» dans les journaux. Nous t'avons donné du "froid", "faible", "maladif". Nous nous sommes plantés un grand nombre de fois.

Et toi, comment nous as-tu payé en retour?
Comme seul un père peut le faire avec des enfants adolescents (ce que nous sommes, surtout nous, journalistes) qui sait se taire, pardonner, excuser, passer à autre chose, patient.

A présent, ce n'est plus à nous de nous occuper de toi. A présent, c'est au tour de l'histoire. On va commencer à faire la lumière sur l'immense Pape que tu as été. On va à nouveau te lire sans l'urgence de l'effet d'agence, sans la pression de trouver des nouvelles. Nous commencerons à réaliser que nous étions en face d'un des papes les plus grand des derniers siècles.

Et la chose sera publique, elle se répandra, elle sera imparable, écrasante. Elle traversera l'Église, le monde, l'humanité toute entière. Beaucoup redécouvriront le sens du Concile Vatican II, l'amour pour le catéchismse, la fidélité à l'Evangile, au Pontife Romain. La relation avec Jésus, la Vérité, le dialogue avec Dieu, la dévotion à la Vierge. Toutes ces choses que nous pensions perdues en route, et qui sont, maintenant et dans l'avenir, la vraie vie de l'Église. Nous aurons de nouveau un grand désir d'aller nous confesser. Nous aurons de nouveau envie d'être amoureux de Dieu, tous, plus que jamais. Nous aurons à nouveau envie de nous convertir.

Et si, à ce point, quelqu'un, peut-être avec l'assurance d'un expert, dit encore: «Benoît XVI n'a pas réussi à faire la réforme de l'Eglise», il aura raté la plus grande nouvelle de l'histoire. Parce que la réforme est déjà en place depuis longtemps, il ne s'agit plus que d'apprendre à en discerner les fruits à l'avenir. Serons-nous des journalistes assez intelligents?

Merci, Benoît XVI, qui, au lieu de rester à notre traîne - toujours un peu esclaves de l'actualité - as déployé tes efforts avant tout pour le bien de l'humanité et de l'Église.

Un journaliste

Notes

(1) http://benoit-et-moi.fr/2009-II/0455009beb0f1c20e/0455009c480fb6f1e.html
Les faux dissidents se reconnaissent parce qu'ils jouissent d'un espace médiatique dont un vrai dissident peut seulement rêver. Ils sont comme schizophrènes : ils déplorent le manque d'attention médiatique mais en réalité, ils en profitent (par exemple ils écrivent dans les grands titres) ; ils criminalisent le système actuel mais ils lui appartiennent, recevant de l'argent de sociétés appropriées bien insérées dans le système ; avec les mots, ils voudraient faire la révolution, mais ils se gardent bien d'aller au-delà des limites établies.
...
Dans une societé qui veut être considérée démocratique il est nécessaire que l'information semble libre… le résultat est un système vaste et subtil de manipulation…
...
Un système qui fabrique même les dissidents pourrait être mis sous une botte de fer, vu que les gens ne seraient pas en mesure de voir d'autres « luttes » contre le système que celles voulues par le système même. Et beaucoup encenseraient les faux dissidents, disposées à insulter les vrais pour les protéger!

(2) Voir ici (http://benoit-et-moi.fr/2009-I) la chronologie en temps réel, et en particulier cet article:
APPELER UN CHAT UN CHAT; Les VRAIES paroles du Pape sur le préservatif. (19/3/2009)

(3) http://benoit-et-moi.fr/2012(III)/articles/quand-des-journalistes-trahissent.php
http://benoit-et-moi.fr/2013-I/articles/siege-vacant-le-vrai-travail-du-journaliste.php