Le Saint-Père rend les clés

... premières réflexions. Et une très belle lettre d'un lecteur canadien (12/2/2013)

La nouvelle de la démission du Saint-Père (je sais que le mot n'est pas approprié, mais tout le monde comprend) a été vraiment comme un coup de tonnerre, mais pas dans un ciel serein. Un coup de tonnerre, un vrai, il y en a d'ailleurs eu un, hier, au-dessus de la Basilique Saint-Pierre. Mais on sait que ce Pontificat extraordinaire a été marqué de signes extraordinaires: on se souvient tout particulièrement de l'arc-en ciel d'Auschwitz, mais il y en a eu d'autres..

La foudre est tombée sur la Coupole

Illustration d'une victoire papale? "Je voyais Satan tomber du ciel comme la foudre" (Luc, 10,18).


Après le choc, qui m'a laissée sans réaction, je commence à rassembler mes idées, mais je suis incapable de suivre l'accélération de l'actualité: je me demande d'ailleurs si cela a le moindre intérêt.
La première chose que j'ai oublié de faire, c'est de citer en entier l'annonce de la démission.
D'abord, il est extrêmement important de noter qu'elle a été faite en latin, il y a certainement plusieurs raisons à cela: il rappelle que le latin est la langue de l'Eglise Universelle, il souligne qu'il est en pleine possession de ses facultés intellectuelles, il met les distances par rapport au monde des medias, il donne une grande solennité à sa proclamation:

Frères très chers,

Je vous ai convoqués à ce Consistoire non seulement pour les trois canonisations, mais
également pour vous communiquer une décision de grande importance pour la vie de l’Eglise.

Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien.

Je suis bien conscient que ce ministère, de par son essence spirituelle, doit être accompli non seulement par les œuvres et par la parole, mais aussi, et pas moins, par la souffrance et par la prière. Cependant, dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l’Evangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié.

C’est pourquoi, bien conscient de la gravité de cet acte, en pleine liberté, je déclare renoncer au ministère d’Evêque de Rome, Successeur de saint Pierre, qui m’a été confié par les mains des cardinaux le 19 avril 2005, de telle sorte que, à partir du 28 février 2013 à vingt heures, le Siège de Rome, le Siège de saint Pierre, sera vacant et le conclave pour l’élection du nouveau Souverain Pontife devra être convoqué par ceux à qui il appartient de le faire.

Frères très chers, du fond du cœur je vous remercie pour tout l’amour et le travail avec lequel vous avez porté avec moi le poids de mon ministère et je demande pardon pour tous mes défauts. Maintenant, confions la Sainte Eglise de Dieu au soin de son Souverain Pasteur, Notre Seigneur Jésus-Christ, et implorons sa sainte Mère, Marie, afin qu’elle assiste de sa bonté maternelle les Pères Cardinaux dans l’élection du Souverain Pontife.

Quant à moi, puissé-je servir de tout cœur, aussi dans l’avenir, la Sainte Eglise de Dieu par une vie consacrée à la prière.



La dernière ligne est une magnifique note d'espoir.
Pour le Pape, il ne fait pas de doute qu'il pourra aussi bien servir l'Eglise par ses prières, qu'en restant dans sa charge.
C'est même une note d'espoir très humain, puisque le saint-Père parle de l'avenir.
Nous y reviendrons certainement.

* * *

Benoît XVI a suscité dès le début de son Pontificat beaucoup d'amour autour de sa personne, quoi qu'en aient dit les malveillants, et les commentaires des medias, égaux à eux-mêmes jusqu'au bout dans la bêtise crasse et la méchanceté ne font que témoigner à quel point il est trop grand pour être compris par les médiocres.
Je croyais avoir touché le fond hier, mais j'ai compris depuis que le pire est à venir. C'est plus fort qu'eux, il faut qu'ils salissent, ils ne savent faire que cela.
Je crois que leur bassesse est bien résumée dans un billet (que je trouverais drôle, s'il s'appliquait à une autre situation) que je viens de lire sur le site Boulevard Voltaire: http://www.bvoltaire.fr/francoisteutsch/
L'auteur de l'article s'en prend à une station particulière, mais c'est peut-être parce qu'il n'a écouté que celle-là.
Il relève l'effarante ignorance, la consternante platitude des propos, les obssessions en dessous de la ceinture les insultes en boucle, en particulier le soi-disant passage dans les jeunesses hitlériennes (il a oublié ce qui devient une ritournelle, la "couverture" des actes de pédophilie)

Je voulais juste demander à ces gens – oh ! très humblement, presque en chuchotant : vous qui faites profession d’athéisme et ne croyez ni à Dieu ni à Diable, vous qui rejetez toute idée de transcendance, vous qui analysez tout évènement au travers d’un prisme matérialiste, vous qui prêchez une liberté individuelle relevant de la licence de jouir absolument…

…Foutez-nous la paix avec notre Pape !
* * *

Moi, j'aurais dit "bas les pattes".

Enfin, j'ai été étonnée et émue de voir que des amis, connus et inconnus, m'ont écrit hier, pour me transmettre leur peine et leur désarroi.
Qu'ils soient remerciés.

Parmi ces messages, en voici un, venant d'un ami inconnu du Canada, que je trouve particulièrement beau, parce qu'il s'achève, comme l'annonce du Pape, sur une note d'espoir:

Dès mon réveil ce matin, j'apprenais la décision surprise (mais pas surprenante) du Saint-Père.
Mon premier réflexe fut d'aller consulter votre blogue. Il vous a fallu du temps pour réagir et j'en déduis que pour vous plus que pour d'autres, ce fut comme un choc profond et paralysant. J'en suis navré parce que je perçois votre désarroi et votre tristesse.

Quoique attristante pour ceux et celles qui le suivent depuis tant d'années et apprécient ses écrits comme autant de perles - et j'en suis !- , son abdication doit nous rappeler aussi qu'il est un serviteur, humble et réfléchi.

Humble parce qu'il faut l'être pour avouer et reconnaître en âme et conscience ses propres limites humaines alors que tant d'autres compte sur nous ! Une nouvelle façon de voir la mission Pétrinienne.

Réfléchi parce qu'il faut aussi penser au bien commun qui n'apparaît pas encore aux yeux du commun des mortels. Tout ceci est du grand Ratzinger !

Quant à ce qui a pu animer ses réflexions et l'amener à comparer ses capacités réelles actuelles et la tâche à accomplir, il faut se rappeler que Benoît XVI a toujours senti, perçu et lu les signes des temps comme en témoigne le Ratzinger Report des années 1980 par exemple. Relisez plusieurs de ses récents discours, homélies et lectio divina, en particulier son discours sur ce que doit être un Évêque - et en premier celui de Rome. C'est prophétique. Une immense tempête s'en vient pour laquelle toute la forme physique et mentale sera requise. L'Évêque de Rome, premier serviteur parmi les serviteurs, se doit d'être capable de l'affronter. Les récents événements au sujet de la théorie du genre et du mariage gay révèlent la tension grandissante entre des forces obscures et la nature humaine, bouleversant l'anthropologie naturelle. Oui, comme au début de l'Humanité, l'Homme va à nouveau être le centre de bouleversements terrifiants. Il est et reste le champ de bataille où la défaite des forces du Mal se réactualise depuis la Résurrection mais au prix de souffrances incommensurables. Benoît XVI, tout en reconnaissant la valeur de la souffrance acceptée pour le Salut, sait qu'il ne peut attendre sa propre mort juste pour le principe de rester jusqu'au bout. Il cherche le bien commun de l'Église et comme tout bouge trop vite et se bouscule, il en a déduit que l'Église a besoin d'un pontife en pleine possession de ses moyens. Il veut pourtant servir. Et, dans l'esprit de son baptême, il sait que c'est en diminuant qu'il servira maintenant. Dieu nous enverra un autre pontife - et nous serons surpris encore une fois ! - pour continuer à diriger la barque de Saint-Pierre.

Soyons rassurés : dans la faiblesse apparente de son âge, Benoît XVI a déjà redressé la barque, réveillé les consciences, promu l'unité des chrétiens comme jamais, fait preuve de compassion et d'amour pour les victimes d'abus dont il n'était pas responsable, démontré ce qu'est le courage de dire la Vérité. Patiemment, il a créé des cardinaux parmi lesquels, il le sait, l'Esprit Saint fera son choix. Je n'ai aucune inquiétude. De plus, Benoît XVI - redevenu simple Évêque - va rester présent pour nous offrir encore ses précieux écrits, pour assister son successeur. Vous poursuivrez leur diffusion je l'espère !

Prions surtout pour remercier le Seigneur de nous avoir donné un si grand théologien et un remarquable Pape.
Prions aussi pour demander au Seigneur de nous donner un Pape pour les temps qui s'en viennent.
Mais surtout, surtout, tournons notre regard vers Celui qui nous précède en Galilée et ne nous laisse jamais seuls.
"Allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée: c'est là que vous le verrez."
La Galilée : terre de mission permanente jusqu'à l'ultime montée à Jérusalem.