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Une enquête de John Allen en Argentine

Pour compléter les premiers portraits du Pape François. Avec, en prime, une pertinente réflexion sur la "tribalisation" du monde catholique. Un défi pour François, sans aucun doute (14/4/2013)

     

John Allen Jr: Il me semble avoir traduit suffisamment de ses articles dans le passé pour pouvoir dire que je le connais assez bien (http://tinyurl.com/ca45rqr ).

Il s'est rendu ces jours-ci en Argentine, et il a recueilli plusieurs témoignages sur le pape François
Il est plus un journaliste d'enquête qu'un journaliste religieux, comme par exemple Sandro Magister, et il excelle dans ce créneau (même s'il y aurait à redire, cf. http://benoit-et-moi.fr/2008-II/).

Cette fois, il me fait penser, au moins dans la première partie de ce long article à ces films de procès, genre "A double tranchant", où un(e) avocat(e) envoie un enquêteur dans les endroits les plus improbables pour innocenter son client. La ressemblance s'arrête évidemment là, car il n'y a pas de mandataire, et le "client" n'a commis aucun délit. Et surtout, il n'est pas vraiment accusé, c'est même juste le contraire.
Je m'émerveille, toutefois, de la promptitude à démonter toutes les "rumeurs": c'est drôle, mais je n'avais pas perçu cette réactivité du temps de Benoît XVI. Plutôt l'inverse.

Il y a aussi un passage sur l'attitude du cardinal Bergoglio face au mariage gay. Mais il s'agit de rumeurs, qui plus est divulguées avec délectation par le NYT, et tant que François, en tant que Pape, n'aura pas fait de déclaration officielle à ce sujet, cela restera des rumeurs. Jeanne Smits affirme qu'elles sont fausses (www.riposte-catholique.fr).

Dans la seconde partie de l'article, John Allen Jr. raconte une rencontre ayant eu lieu ces jours-ci au Chili, entre des opérateurs des medias gravitant autour de l'Eglise (blogueurs, vaticanistes, etc..). Andrea Tornielli était présent, et il en a parlé lui aussi sur son blog (http://2.andreatornielli.it/?p=6109 ).

Quand deux des vaticanistes les plus influents au monde se rencontrent pour discuter de la perception du pape par les medias, il n'y a pas lieu de s'étonner que cela laisse quelques traces dans les medias. Ici, très positives.

Il y a par ailleurs un passage excellent sur la "tribalisation" de l'Eglise (un défi pour le nouveau Pape aussi), que je mets en rouge, et auquel je souscris largement.

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Article original en anglais: http://ncronline.org/blogs/all-things-catholic
Ma traduction.

     

Questions difficiles sur François en Argentine, et une leçon du Chili
John L. Allen Jr. |
12 avril 2013
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J'ai passé ce début d'Avril à Buenos Aires, où j'ai essayé d'en apprendre davantage au sujet du Pape François, par ceux qui le connaissent le mieux comme cardinal Jorge Mario Bergoglio. L'idée était de mieux comprendre l'homme et sa vision de l'église, et j'ai publié une partie de ce que j'ai trouvé le long du chemin.
Cependant, j'ai également eu à me pencher sur certaines questions difficiles sur le dossier du nouveau pape en Argentine. Cela comprend:

. La réponse de Bergoglio à deux prêtres accusés d'abus sexuels, où les critiques ont suggéré qu'il avait laissé tomber la balle;
. pourquoi la conférence des évêques catholiques d'Argentine n'at pas mené à terme une série de directives sur les abus sexuels alors qu'il servait en tant que président;
. sa relation avec la dictature militaire en Argentine comme provincial des Jésuites dans les années 1970;
. l'attitude de Bergoglio envers la théologie de la libération,
. la confusion autour de sa position sur la question des unions civiles au cours d'un débat national controversé sur le mariage homosexuel en 2009 et 2010.

Ce qui suit constitue les meilleures réponses que je peux fournir sur la base de ce que j'ai appris en Argentine.

Prêtres abuseurs
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Le 18 Mars, le Washington Post a remué une histoire en Argentine au sujet du bilan de Bergoglio sur la crise des abus sexuels, qui mettait en évidence deux cas: le Père Julio César Grassi, condamné en 2009 pour deux cas d'abus et acquitté pour plusieurs autres, et le Père Napoléon Sasso, condamné en 2007 pour avoir abusé de cinq jeunes filles mineures.

Généralement, l'histoire suggère que Bergoglio n'a gèré aucun des deux cas selon les normes désormais acceptées par l'Eglise dans d'autres parties du monde. On a noté qu'il n'a pas rencontré les victimes, n'a offert ni excuses ni dédommagement financier, et n'a pris aucune sanction ecclésiale contre les prêtres impliqués.

Pour commencer, voici un point important qui n'a pas été relevé dans l'histoire du Post ou dans les commentaires ultérieurs: Ni Grassi, ni Sasso ne sont prêtres de l'archidiocèse de Buenos Aires, et donc ils n'ont jamais été sous la supervision directe de Bergoglio. (Entre autres choses, cela signifie que Bergoglio n'a jamais été en position d'imposer une peine ecclésiale, qui aurait dû être faite par leurs propres évêques.)

Au-delà, les observateurs disent que les deux situations doivent être examinées séparément parce que le degré d'implication de Bergoglio diffère.

- Sasso vient du petit diocèse de Zárate-Campana. La plus grande partie de son travail sacerdotal se déroulait dans l'archidiocèse de San Juan, où des accusations de contacts sexuels avec des mineurs avaient commencé en 1994. Après une évaluation psychologique en 1997, il a été envoyé à un centre de traitement pour les prêtres en situation de crise à Buenos Aires, appelé Domus Mariae.
Des sources de l'Eglise disent qu'à aucun moment Bergoglio n'a exercé le moindre contrôle sur lui.
En 2002 et 2003, Sasso était de retour dans le diocèse de Zárate-Campana, travaillant dans une soupe populaire dans la ville de Pilar, où il aurait commis au moins cinq actes d'abus contre des filles entre 11 et 14 ans. Ce sont les infractions pour lesquelles il a été reconnu coupable en Novembre 2007 et condamné à 17 ans de prison.
L'évêque de Zárate-Campana au moment où les premières accusations sont tombées était Rafael Eleuterio Rey, qui a démissionné en Février 2006 pour raisons de santé. Son successeur est Mgr Oscar Domingo Sarlinga. En 2007, au cours du procès de Sasso, une lettre a été déposée comme pièce à conviction, de l'archevêque de San Juan Italo DeStefano, mort en 2002, exhortant les évêques à faire quelque chose à propos de Sasso.
La plupart des sources ecclésiales en Argentine pensent que la responsabilité de la façon dont le cas Sasso a été traité appartient principalement à ces prélats, et non à Bergoglio.

- Grassi, quant à lui, est un prêtre du diocèse de Morón, où il a été incardiné après avoir quitté les salésiens en 1991. Cependant, il a eu une relation plus directe avec le futur pape, puisque Bergoglio soutenait publiquement les «Happy Children», la fondation de Grassi fondée en 1993 pour aider les jeunes pauvres dans le centre urbain.
Grassi a un fort impact médiatique en Argentine et est connu comme un leveur de fonds débrouillard, apte à entretenir des relations avec les donateurs potentiels. En outre, contrairement à Sasso, la plus grande partie de sa carrière sacerdotale s'est déroulée à Buenos Aires.
Un réseau argentin de télévision a commencé à soulever contre Grassi des accusations d'abus en 2002. Jusqu'au moment ou un procès de neuf mois se déroula en 2009, Grassi avait été reconnu coupable de deux actes d'abus et condamné à 15 ans de prison, mais il a été acquitté de plusieurs autres accusations soulevées par deux autres accusateurs.
Cette sentence a été confirmée par une cour d'appel en 2010. Grassi est actuellement en liberté après qu'un ordre d'assignation à résidence ait été annulé en Février dernier alors qu'il attendait les résultats d'un autre appel devant la Cour suprême de la province de Buenos Aires.

Trois remarques peuvent être faites à propos de la réponse Bergoglio à l'affaire Grassi.

. Tout d'abord, les critiques ont accusé Bergoglio de ne pas avoir pris de sanctions ecclésiastiques contre Grassi, comme l'écarter de la prêtrise. En vertu du droit canon, cependant, une telle démarche devait venir de l'évêque de Morón, Luis Guillermo Eichhorn. Comme l'affaire s'est déroulée, le diocèse de Morón a dit qu'il attendrait le résultat définitif du système de justice pénale, ce qui ne s'est pas encore produit.

. Deuxièmement, lorsque le premier premier procès de Grassi a pris fin en 2009, la conférence des évêques a chargé un juriste bien connu en Argentine du nom de Marcelo A. Sancinetti d'étudier l'affaire. Bergoglio était le président de la conférence à l'époque, et un porte-parole des évêques, le père Jorge Oesterheld, m'a dit le cardinal avait approuvé la décision de procéder à un examen juridique indépendant.
Sancinetti a produit trois volumes à ce jour et travaille actuellement sur un quatrième, un total de plus de 1.000 pages de documents. (J'ai une copie du second volume de Sancinetti, qui examine les accusations pour lesquelles Grassi a été effectivement condamné).
Sancinetti conclut que Grassi est innocent de tous les chefs, insistant sur le fait que les accusations sont en contradiction avec les preuves et marquées par des contradictions internes. Les critiques affirment que Sancinetti utilise presque entièrement les arguments de la défense dans l'élaboration de cette évaluation, mais la croyance en l'innocence de Grassi reste forte dans certains milieux catholiques, ce qui peut aider à expliquer pourquoi Bergoglio a hésité à faire des déclarations ou à rencontrer des accusateurs (ndt: dans le cas de Benoît, on disait "les victimes"!!).
Oesterheld m'a dit que la position de base de Bergoglio dans le cas Grassi est qu'«il ne voulait pas précéder le système juridique», préférant attendre que le processus d'appel suive son cours avant de prendre toute décision.

. Troisièmement, il a été rapporté par certains organismes de presse que Bergoglio, ou l'église en général, a payé les frais judiciaires de Grassi. Selon son avocat, Daniel Cavo, ce n'est pas le cas.
Cavo m'a dit par un interprète que les frais de Grassi sont payées par de petits dons de personnes qui le soutiennent encore, lui et sa fondation "Happy Children", et qu'il n'a reçu aucune aide financière de l'église.

Lignes directrices sur les abus
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Le 5 Avril, le Wall Street Journal rapportait que la conférence des évêques de l'Argentine n'a pas réussi à respecter la date limite de mai 2012 imposée par le Vatican pour se soumettre à un ensemble formel de règles sur la lutte contre la maltraitance des enfants, notant que Bergoglio est l'ancien président de la conférence.
Aux yeux de certains, ce délai non respecté soulève des questions sur le sérieux de Bergoglio sur la question des abus sexuels.

Quatre points aident à compléter l'histoire.

. Tout d'abord, la version originale de l'article du WSJ ne prend pas acte du fait que la fonction de Bergoglio en tant que président de la Conférence épiscopale argentine (CEA) a pris fin en Novembre 2011, donc au moins techniquement, la responsabilité d'avoir négligé la date limite du Vatican revient à son successeur en tant que président, Mgr José María Arancedo de Santa Fe.
. Deuxièmement, les évêques disent que l'ensemble des lignes directrices est près d'être achevé. Un projet sera discuté lors d'une réunion de la Conférence lundi (donc demain?) avant d'être ensuite transmis au Vatican pour examen, selon Mgr Sergio Buenanueva, évêque auxiliaire de Mendoza, qui a supervisé le processus.
. Troisièmement, les évêques disent qu'une raison pour laquelle il a fallu du temps pour finir le travail, c'est qu'ils voulaient attendre le Sommet sur la crise des abus, devant se dérouler en Février 2012 à Rome, à l'Université grégorienne, organisé en partie pour aider les Conférences qui n'avaient pas encore disposé de lignes directrices, à les rassembler. L'idée était de donner aux Conférences les information dont elles avaient besoin pour s'assurer que leurs politiques étaient conformes non seulement aux attentes du Vatican, mais aux meilleures pratiques dans d'autres parties du monde catholique, comme l'Allemagne et les États-Unis.
C'est fondamentalement une revendication crédible, étant donné que des représentants de plusieurs autres conférences avec qui j'ai parlé lors de cet événement disaient à peu près la même chose. Buenanueva a dit que quand les lignes directrices seront achevées, on allait adopter une «tolérance zéro» à l'instar du modèle américain.
. Quatrièmement, Oesterheld (ndt: donc le porte-parole des évêques d'Argentine) a dit qu'une autre raison pour laquelle le processus a pris plus de temps que prévu est que, pendant son mandat de président, Bergoglio était «très respectueux» du fait que chaque évêque a une relation directe avec le Vatican et le désir de ne pas «supplanter» cette autonomie est une des raisons pour lesquels cela prend du temps de forger des politiques communes.
Le même respect pour l'autorité locale, dit Oesterheld, entraînera vraisemblablement François à soutenir une plus large «décentralisation» en tant que pape, en faveur d'une plus grande latitude pour les églises locales et les conférences épiscopales.

Bergoglio et la "sale guerre"
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Une accusation précise contre Bergoglio qui a refait surface dans la période qui a précédé le conclave de 2005 et qui a été soulevée à nouveau après son élection en tant que pape, est de savoir s'il a été impliqué dans l'arrestation et la torture de deux prêtres jésuites, Orlando Yorio et Franz Jalics, en 1976. Tous deux étaient impliqués dans le ministère social (action sociale de l'Eglise) et étaient soupçonnés par les militaires d'être liés à des mouvements d'opposition de gauche.
Cette accusation s'est en fait effondrée à la lumière d'une déclaration du 20 mars, de Jalics, qui vit aujourd'hui dans un monastère allemand: «Le fait est qu'Orlando Yorio et moi n'avons pas été dénoncés par le Père Bergoglio», at-il dit.
Sur la question plus large du dossier Bergoglio pendant la dictature militaire, j'ai consulté l'historien Roberto Bosca à l'Université d'Astral à Buenos Aires. J'ai posé des questions sur la relation Bergoglio avec le gouvernement militaire qui a pris le pouvoir en Mars 1976 et qui a dirigé le pays à travers ce qui s'appelait par euphémisme «Processus de Réorganisation Nationale» jusqu'en Décembre 1983.
L'opinion de base de Bosca est que Bergoglio, comme la plupart des gens en Argentine à l'époque, n'était ni un partisan ni un opposant.
«Il n'y a presque aucune trace de ce qu'il dit ou écrit au cours de cette période, soit en faveur du régime soit contre lui», dit Bosca.
«Bergoglio n'était pas vraiment une autorité de l'Église à l'époque. Il n'était pas encore un évêque à Buenos Aires, il était simplement le supérieur régional d'un ordre religieux. La nature de son travail ne se prête pas à prendre des positions pour ou contre le gouvernement, et mon impression est que pendant cette période, il essayait simplement de faire son travail», dit Bosca.
«S'il est juste de demander quelle attitude Bergoglio a prise, vous pourriez aussi bien vous poser la même question pour les membres de toute autre profession - quelle position avait adopté un médecin , par exemple, ou un mécanicien ou un coiffeur (ndt: un argument vraiment étrange: un médecin ou un coiffeur, ce n'est pas le Pape, ni même le Provincial des jésuites! et tout le monde s'en fiche). En outre, il n'y a pas de raison pour que le gouvernement l'ait écouté s'il avait dit quelque chose, parce qu'il n'était pas une autorité suffisante pour être pris au sérieux», dit Bosca.
«Sa façon de composer avec le régime était plus ou moins la façon dont la plupart des gens en Argentine l'on fait, c'est-à-dire qu'ils continuaient à travailler et essayé de se consacrer à leur vie», dit-il.

Théologie de la libération
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Malgré la réputation de Bergoglio comme adversaire de la théologie de la libération dans les années 1970, Bosca insiste que ce n'était pas vraiment le cas. Il dit que Bergoglio a accepté le principe de la théologie de la libération, en particulier l'option pour les pauvres, mais dans une modalité «non-idéologique».
L'insistance de Bergoglio à déplacer des prêtres dans les villas miserias, les bidonvilles de Buenos Aires, reflète cet instinct, dit Bosca.
Si Bergoglio était opposé à quelque chose à l'époque, dit Bosca, c'était de donner une bénédiction catholique à l'insurrection armée. Ce n'était pas seulement une possibilité théorique en Argentine, selon Bosca, compte tenu de la montée du mouvement des Montoneros.
Les Montoneros, dit-il, étaient «un mouvement de guérilla catholique» reposant sur «trois piliers idéologiques: le socialisme, le péronisme et la théologie de la libération» dit-il. (le «Péronisme» désigne les divers courants politiques en Argentine qui s'inspirent de l'ancien président Juan Perón et de sa femme, Eva, qui voulait se tailler une troisième voie entre le capitalisme et le communisme.)
«Il y avait quelques prêtres en Argentine qui ont rejoint les Montoneros et qui sont devenus des prêtres de guérilla, comme Camillo Torres en Colombie», dit Bosca.
Comme le régime militaire en Argentine avançait, les Montoneros sont devenus moins un mouvement de résistance et plus un groupe gauchiste de terreur urbaine, qui s'apparente aux Brigades rouges en Europe. Selon une estimation du milieu des années 1980, les Montoneros ont été responsables de quelque 6000 morts parmi les forces de police, les militaires et la population civile au cours de la décennie précédente.
«Bien sûr, [Bergoglio] a été en opposition avec les Montoneros», dit Bosca. «Ce n'était pas l'opposition à la théologie de libération en elle-même ou à l'option pour les pauvres».

Le mariage homosexuel et les unions civiles
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Le 19 Mars, le New York Times a rapporté que lorsque l'Argentine se préparait à un âpre débat national sur le mariage homosexuel en 2009 et 2010, Bergoglio favorisa calmement une solution de compromis qui inclurait les unions civiles pour les couples de même sexe.
Une source à ce sujet était un journaliste argentin nommé Sergio Rubin, co-auteur avec Francesca Ambrogetti d'un livre interviewe avec Bergoglio intitulé El Jesuita. (J'ai rencontré Ambrogetti alors que j'étais à Buenos Aires. Elle m'a raconté en détail qu'il avait fallu des années pour convaincre le notoirement anti-medias Bergoglio à accepter l'entretien.)
La version des événements de Rubin a été rapidement démentie par Miguel Woites, directeur de l'Argentinian Catholic Information Agency, un media lié à l'archevêché de Buenos Aires. Woites affirme que Bergoglio n'aurait «jamais» favorisé une reconnaissance juridique des unions de même sexe et insiste que ce que rapporte le NYT est une «erreur complète»

Sur ce point, il m'a été dit par trois sources en Argentine que le NYT avait en réalité vu juste: Bergoglio était, en effet, en faveur des unions civiles.
Cela a été confirmé en arrière-plan par deux hauts responsables de la conférence des évêques d'Argentine, qui ont tous deux travaillé avec Bergoglio et ont pris part aux discussions en coulisses, quand la conférence essayait de façonner sa position.
«Bergoglio soutenait les unions civiles», m'a dit un de ces fonctionnaires.
Mariano de Vedia, un journaliste chevronné de La Nación, a couvert les questions Eglise/Etat en Argentine pendant des années et il dit qu'il pouvait confirmer que la position de Bergoglio avait été correctement décrite dans l'article du NYT.
Guillermo Villarreal, un journaliste catholique en Argentine, dit qu'il était bien connu à l'époque que la position modérée de Bergoglio était contestée par l'archevêque de La Plata, Héctor Rubén Aguer, le chef de file des faucons. La différence n'était pas sur l'opportunité de s'opposer mariage gay, mais avec quelle "férocité" le faire et s'il y avait de la place pour un compromis sur les unions civiles.
Villareal décrit l'impasse sur le mariage homosexuel comme le seul vote jamais perdu par Bergoglio durant ses six années en tant que président de la conférence.
Dans les coulisses, des sources disent que Bergoglio a essayé d'éviter les feux d'artifice sur la question du mariage gay. Un jeune catholique m'a dit, par exemple, qu'il avait voulu organiser une récitation publique du Rosaire devant le parlement, à la veille du vote de la loi, en sachant que les partisans du mariage gay seraient également là-bas et que la prière serait une provocation. Il a écrit à Bergoglio pour lui demander conseil, et Bergoglio l'a appelé directement, suggèrant qu'ils prient à la maison à la place.
Oesterheld suggére que Bergoglio a suivi la position plus ferme adoptée par la majorité de la conférence des évêques, même si ce n'était pas son propre instinct.
«À cette époque, il y avait différents points de vue au sein de la conférence des évêques sur le degré d'ouverture de l'Eglise [à des solutions de compromis]», dit Oesterheld. «Le cardinal a suivi ce que la majorité voulait. Il n'a pas voulu imposer ses propres vues. Il n'a jamais exprimé publiquement ses propres sentiments sur la question, parce qu'il ne voulait pas avoir l'air de faire concuurence (undercutting) à la position commune des évêques».

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Rencontre au Chili

Plus vous vous déplacez, plus vous avez le sentiment que les problèmes auxquels l'église doit faire face sont souvent peu près le même partout. Mon expérience de lundi et mardi à Santiago, au Chili, a enfoncé le clou.

J'étais au Chili pour une conférence sur les communications ecclésiales, parrainée par l'Université pontificale catholique du Chili et la Conférence épiscopale du pays. Le public était composé principalement de personnes qui travaillent dans les médias à propos de l'Eglise, en tant que porte-parole des Eglises ou journalistes indépendants, blogueurs et ainsi de suite.
Malgré les différences évidentes de culture et de géographie qui séparent le Chili des États-Unis ou de l'Europe, j'ai été frappé par la façon dont les conversations semblaient étrangement similaires. J'ai trouvé la même préoccupation d'un climat de presse hostile, la même frustration sur la difficulté de raconter des histoires positives au sujet de l'église, que l'on entend souvent chez les catholiques en Occident.
Mon ami et collègue Andrea Tornielli, par exemple, a parlé le même jour d'un article qu'il a publié sur La Stampa, en Italie à propos de prêtres faisant état d'une augmentation de la demande pour la confession, qu'ils attribuent à «l'effet de François». Tornielli a raconté à l'assemblée, à Santiago, que les prêtres lui ai dit que les Italiens retournaient à la messe en foule, citant la phrase de François que «Dieu ne se fatigue jamais de nous pardonner, c'est nous qui nous fatiguons de demander pardon».
Tornielli dit qu'au moment où les commentateurs se concentrent sur d'autres questions au sujet du nouveau pape, il semblerait qu'«ils n'ont pas compris ce qui se passe vraiment».
Des gens ont hoché la tête, dans la salle, quand des Chiliens ont dit que la même chose était vraie en termes de commentaires ici.
Le Père Josè Maria La Porte, un Espagnol qui enseigne à l'Université de la Sainte Croix de Rome, tenue par l'Opus Dei a décrit un récent voyage qu'il avait fait à Cuba où il a rencontré des prêtres qui exercent leur ministère auprès des plus pauvres parmi les pauvres, voyageant dans une vieille voiture déglinguée où ils doivent transporter des jerrycan d'essence parce que c'est trop cher de l'acheter en cours de route, même s'ils peuvent trouver les stations qui fonctionnent. Il a décrit comment les gans arrêtaient la voiture, prenaient un tuyau en caoutchouc dans la bouche et aspiraient l'essence, puis la versaient dans le réservoir.
«J'aimerais que nous puissions voir des histoires de prêtres comme cela dans les médias, quelquefois», a dit La Porte, suscitant une fois de plus l'approbation de l'assistance, qui a dit que ce genre d'histoires voient rarement la lumière du jour dans leurs médias.
On m'a demandé de parler de l'unité dans l'église. En plaisantant, j'ai dit à l'assistance qu'inviter un journaliste à parler de l'unité est un peu comme demander à un terroriste de parler de la paix dans le sens où nous ne sommes pas vraiment dans le business de l'unité. Si tout le monde s'entendait, franchement, nous n'aurions pas grand chose de précieux à dire.

Cela dit, j'ai dit à l'assistance que j'avais un peu réfléchi sur le thème de l'unité, peut-être parce que je viens d'une culture catholique aux États-Unis qui à bien des égards est profondément divisée. J'ai servi mon diagnostic habituel, qui est que, bien que les gens disent que nous les catholiques américains sommes polarisés, la vérité est que nous sommes davantage tribalisés.
En regardant autour, ce que l'on voit, ce sont des tribus différentes: catholiques pro-vie, catholiques paix-et-justice, catholiques traditionalistes liturgiques, catholique pour la réforme de l'église, catholiques Obama, catholiques néo-con, les mouvements, les différentes églises ethniques, et ainsi de suite. En principe, tout ce qui est diversité est un trésor, mais cela devient dysfonctionnelle lorsque ces différentes tribus commencer à se voir les unes les autres comme des ennemis, et trop souvent c'est notre situation.
J'ai suggéré que ce dont l'Eglise aux Etats-Unis a besoin, c'est d'un effort de base pour construire des zones d'amitié à travers les lignes tribales, des lieux où les catholiques de différents tempéraments et perspectives peuvent se côtoient - non pas pour débattre de questions, mais simplement pour apprendre à se connaître les uns les autres.
J'ai été frappé par l'écho que cele rencontrait chez les Chiliens, qui m'a dit que bon nombre des mêmes divisions tribales sont chez eux aussi.

Bien sûr, l'Église catholique est une marque (!!) mondiale avec près de 1,2 milliard de membres, et les situations auxquelles elle est confrontée dans le monde sont souvent très hétéroclites. La morale de mon expérience au Chili, cependant, est que, parfois, nous avons plus en commun qu'on ne le pense.