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Domspatzen : le rapport qui "blanchit" Mgr Georg

Une interview de Michael Hesemann (co-auteur de « Mon frère le pape »), qui devrait mettre un terme définitif aux soupçons infâmants. Traduction complète par Isabelle (22/7/2017)

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Ce qui s'est vraiment passé à Ratisbonne

Le communiqué sur les Domspatzen disculpe Georg Ratzinger

Georg Ratzinger et Michael Hesemann à la présentation du livre "Mon frère le Pape"

www.kath.net
20 juillet 2017
Traduction d'Isabelle

* * *

«Je dois défendre Georg Ratzinger, car il n’est en rien concerné par tout cela. Cela n’a rien à voir non plus avec l’Eglise catholique comme telle».
Yuliya Tkachova interroge Michael Hesemann à propos du communiqué de presse sur le scandale des Domspatzen

« Je ne veux pas justifier ce qui a été perpétré, comme violence et comme actes ignobles, sur des enfants innocents. Tout cela est absolument horrible et je suis content qu’on ait vidé l’abcès. Mais, en même temps, je dois défendre Georg Ratzinger, car tout cela n’avait rien à faire avec lui. Et cela n’a rien à faire non plus avec l’Eglise catholique comme telle. C’était des méthodes d’éducation courantes autrefois. Nous pouvons être heureux d’avoir, depuis bien longtemps, dépassé cette époque. »
Ainsi s’exprime l’historien Michael Hesemann à propos des allégations unilatérales de l’information sur les cas d’abus sexuels et d’actes de violence commis sur les « Domspatzen » de Ratisbonne, portés à la connaissance du public dans le communiqué de l’évêché de Ratisbonne de mardi dernier.


Tkachova : Monsieur Hesemann, vous avez lu, en tant qu’historien et biographe de Georg Ratzinger, le rapport de 440 pages sur les « Cas de violence exercée à l’encontre de mineurs en situation de faiblesse concernant les Domspatzen de Ratisbonne », présenté à la presse à Ratisbonne ce mardi. Samedi vous en publierez dans le Tagespost de Würzburg une analyse détaillée. Aujourd’hui déjà, vous reprochez à de grandes parties de la presse allemande une « information délibérément fallacieuse ». A quoi reconnaissez-vous celle-ci ?

Hesemann : A leur sensationnalisme tout à fait forcené et au fait qu’ils servent à leurs lecteurs et spectateurs un mélange obscur de sordide et de violence dont le consommateur ne garde en mémoire qu’une seule chose : Georg Ratzinger, le frère du pape émérite, a « quelque chose » à voir avec tout cela, puisque son nom est cité dans chaque communiqué. D’une manière tout à fait perfide, ce venin du soupçon se distille jusqu’à son célèbre frère. Ce faisant, on omet à chaque fois de mentionner le plus important : que le communiqué exonère explicitement le maître de chapelle Georg Ratzinger.

Tkachova : Est-ce que vous n’allez pas un peu trop vite en besogne ? Le journal Bild a tout de même cité les mots d’une des personnes impliquées : « Ratzinger était connu comme quelqu’un qui donnait facilement des gifles » et tire la conclusion : « Le frère du pape maltraitait des Domspatzen. »

Hesemann : Voyez-vous : c’est là précisément le meilleur exemple. Car, nulle part dans le rapport de 440 pages on ne retrouve cette citation. Elle est, par contre, le fait d’un homme qui vit aujourd’hui de ce qu’il a raté hier chez les Domspatzen : Alexander Propst (57 ans) qui, entre-temps doit se produire dans tous les talkshows allemands puisqu’il veut vendre son livre, qui s’intitule « Maltraité par l’Eglise » ; il n’y a rien là-dessous. Il faut évidemment que ce soit « l’Eglise » : c’est ce qui se vend le mieux. Y compris à Hambourg, Cologne et Berlin où personne, autrement, ne s’intéresserait à ce qui se vit dans un internat de Bavière. Propst est malin : il sait comment il peut faire les gros titres. Notamment en accusant Georg Ratzinger, une victime facile parce qu’à 93 ans il ne va plus faire de procès en diffamation. Que le communiqué présente le maitre de chapelle tout autrement ne l’intéresse pas, et n’intéresse manifestement pas non plus le journal Bild.

Tkachova : Qu’il y a –t-il donc dans le communiqué?

Hesemann : L’étude devait en fait comporter deux parties, car il s’agit de deux types de fautes complètement différentes que les médias, dans leur langage sans nuance, rassemblent volontiers sous le terme générique de « maltraitance ». C’est perfide car, sous le terme « maltraitance », le lecteur comprend d’abord un acte de nature sexuelle, et cela gonfle évidemment les chiffres. En fait, il s’agit de deux choses : d’un côté l’abus sexuel envers des mineurs en situation de faiblesse, qui est un acte scandaleux, et, de l’autre, des méthodes d’éducation brutales qui couvrent un large spectre, allant des coups de bâton à la gifle. De cette seconde catégorie relèvent 91 % des cas repris dans le communiqué.
Les 67 cas d’abus sexuels répertoriés ont été commis par neuf membres du corps enseignant, entre 1945 et 2015 ; pour la plupart, dans l’école préparatoire des Domspatzen, à Etterzhausen et Pielenhofen, où Georg Ratzinger n’a jamais travaillé. Deux auteurs des abus étaient en poste au moment où il a commencé à travailler au gymnase des Domspatzen à Ratisbonne ; l’un d’eux fut dénoncé après seulement deux années. Finalement, un seul auteur, le directeur du gymnase, était depuis plus longtemps en poste, quand Georg Ratzinger commença à travailler. Il fut licencié en 1971. Mais le rapport exclut catégoriquement que Georg Ratzinger ait pu savoir quoi que ce fût de ces agressions, si douloureuses pour les victimes qu’elles n’en parlaient même pas à leurs parents. Le véritable problème de l’information sur les abus sexuels c’est que, par honte, la plupart des victimes se taisent. Comment aurait-il pu intervenir ou même, de mon point de vue, choisir de fermer les yeux s’il ne savait absolument rien ? Après 1972, quand Ratzinger se fit petit à petit une place à Ratisbonne – dans les premières années le maître de chapelle qui venait de sa province de Bavière, était plutôt mal vu par l’establishment de Ratisbonne et se sentait « opprimé sur le plan humain et sur le plan artistique », comme il l’a dit lui-même dans "Mon frère, le pape" - il n’y a pas eu un seul cas d’abus sexuel dans le gymnase des Domspatzen de Ratisbonne, et ce jusqu’à ce jour. Cela ressort clairement du rapport. C’est pourquoi, Georg Ratzinger doit être, sans conditions, lavé de toute accusation de complicité ou de faute dans cette scandaleuse affaire. Et donc, il n’y a aucune raison de salir sa réputation en mêlant son nom à des faits aussi répugnants ; ce que, malheureusement, la presse a fait.

Tkachova : Et qu’en est-il de la violence excessive ?


Hesemann : Ici aussi, il faut encore distinguer entre l’école préparatoire et le gymnase. Et surtout, il ne faut pas tomber dans le piège de l’anachronisme. J’entends par là : évaluer des actes du passé à l’aune des normes morales actuelles. C’est certain : pour beaucoup de jeunes garçons, le temps qu’ils passaient à l’école préparatoire des Domspatzen à Etterzhausen ou Pielenhofen était littéralement traumatisant. Toutefois, on doit ajouter pour être juste que la situation là-bas n’était pas différente de celle d’innombrables autres internats allemands des années 1940 à 1970 : on y battait et on y brimait aussi. C’est horrible, c’est condamnable mais c’était ainsi. Ce qui est injuste, c’est de s’en prendre à un seul internat et d’en faire une vraie maison de correction, comme si tous les autres étaient des camps de vacances ! Une autre chose est sûre : Georg Ratzinger n’a jamais enseigné là. Il ne faisait la connaissance des garçons qu’au moment où ceux-ci arrivaient, de l’école préparatoire, au gymnase des Domspatzen. Et là, et sur ce point pratiquement, tous les témoins sont d’accord, il en allait tout autrement, c’était beaucoup plus humain. Le rapport confirme aussi que pratiquement tous les témoins qu’ils citent ont vécu comme une libération le passage de l’école préparatoire au gymnase de Ratisbonne. On lit dans le rapport des expressions comme « paradis », « détente », « monde meilleur » et « ciel » pour décrire Ratisbonne. Un seul parmi les centaines de témoins était d’un avis opposé. C’est dans ce milieu-là que travaillait Georg Ratzinger.

Tkachova : Les garçons ne se sont-ils pas plaints à lui de ce qu’on leur faisait subir ?



Hesemann : Il était tout de même perçu comme faisant partie du système ! De plus, il est né en 1924 et a vécu à une époque où les châtiments corporels étaient monnaie courante. Il était réellement difficile d’estimer quand on dépassait les limites acceptables suivant la perception de l’époque. De fait, le rapport fait état de deux moments où des écoliers l’ont informé de violences excessives commises à Etterzhausen. La première fois, c’était en 1970/1971, au moment où il commençait à s’installer et ne voulait, au dire du témoin, rien savoir de ce qui se passait dans une école où il ne travaillait pas et où il n’avait aucune responsabilité. La deuxième fois, c’était seulement vers 1993. Mais, déjà en 1989, il écrit, au directeur du gymnase des Domspatzen, une lettre reproduite dans le rapport. Il y signale le fait « que, dans l’école préparatoire, se pratiquent encore des châtiments corporels ». Au vu du danger de révélations négatives dans la presse il recommande d’intervenir sans délai. C’était naturellement à une époque où il n’existait plus d’ambiguïté au niveau légal, où les châtiments corporels étaient depuis longtemps interdits en Bavière. Avant les années ‘80, ils se produisaient dans un flou juridique que chacun de nous - je suis né en 1964 - connaît bien. On ne peut en tout cas pas dire qu’il ait toujours fermé les yeux. Ce n’est tout simplement pas vrai.

Tkachova : Un chapitre entier du rapport serait, dit-on, consacré à ses propres gestes violents envers les Domspatzen …

Hesemann : Cela aussi, c’est une invention de la presse. Car ce n’est pas vrai. Il y a exactement huit pages qui lui sont consacrées : une annexe à la fin du troisième paragraphe du chapitre 5 de la deuxième partie, selon la table des matières officielle (« 2.5.3.3. Annexe. Maître de chapelle Ratzinger »). Bien qu’on remarque dans l’exposé l’acharnement avec lequel on a recherché des faits répréhensibles, la plupart de ses élèves donnent un bon témoignage de Ratzinger. Il est décrit comme « très compétent et compréhensif », « amical et même affectueux », « très cordial », « très aimé », « sévère, juste et malgré tout bon » et « estimé par tous les enfants », comme quelqu’un qui, presque chaque après-midi, partageait avec les Domspatzen les morceaux de gâteau, les biscuits et les bonbons qui lui restaient ». « Les enfants n’avaient pas peur de le rencontrer, il était toujours assiégé par des groupes d’enfants ». Au demeurant, c’était aussi un « perfectionniste absolu », qui « se consacrait entièrement à la musique, c’était sa vie » et « il était soumis à la pression de maintenir le niveau du chœur ». C’est grâce à ses efforts que les Domspatzen n’ont jamais disparu du classement mondial des chœurs. Parmi les points négatifs, on a relevé une forte émotivité et une certaine irritabilité, un naturel bouillant, parfois même colérique, qui pouvait revenir très vite au calme. On comprenait cela, à juste titre, comme une expression de « sa passion pour son travail » et de son perfectionnisme, comme « les éclats soudains d’un artiste, auxquels succédait immédiatement une attitude amicale et même affectueuse, qui n’était jamais rancunière. » Car il faut le dire aussi : sans ce perfectionnisme, sans cette exigence d’une discipline absolue, il ne lui aurait pas été possible de transformer en une institution mondialement reconnue les Domspatzen de Ratisbonne, dont la notoriété jusque-là était plutôt locale, d’en faire de véritables ambassadeurs de l’Europe et de sa tradition musicale, qui sont allés deux fois en tournée aux USA (1983 et 1987) et au Japon (1988 et 1991). Ce n’est pas seulement avec des biscuits et des bonbons que l’on peut transformer des garçons récalcitrants en grands chanteurs et, dans tous les domaines, un succès ne s’obtient que par la discipline, la passion et la victoire sur soi-même.

Tkachova : Quelles méthodes disciplinaires aurait-il employées ?

Hesemann : Si nous nous limitons au rapport officiel de l’enquête et laissons de côté les exagérations démesurées de la presse de boulevard, il n’a rien fait d’autre que ce que chacun de nous, pourvu qu’il soit né avant 1968, a connu lorsqu’il était à l’école. Même ses accusateurs les plus virulents (par ailleurs une minorité : des 124 « victimes » interrogées, seulement 55 ont eu quelque chose de négatif à rapporter à son sujet) ont décrit en définitive les mesures disciplinaires qui étaient malheureusement courantes à l’époque : de bonnes gifles, tirer les cheveux, lancer des diapasons, des baguettes et le trousseau de clés. Il avait par contre fermement renoncé au bâton, dont usaient les enseignants de l’école préparatoire. Lorsqu’en 1980 on interdit en Bavière les punitions corporelles, il respecta strictement cette interdiction. Dès lors le rapport reconnaît également : « Il faut, malgré tout, remarquer que, contrairement à ce qui se passe pour bon nombre d’autres accusés, beaucoup de victimes ont apprécié l’humanité générale de Georg Ratzinger et, pour cette raison et malgré des actes de violence (sic !), associent à sa personne des souvenirs positifs. » C’est pourquoi les enquêteurs, Weber et Baumeister, en viennent eux aussi à la conclusion que l’on peut seulement reprocher à Ratzinger « un défaut de réactions lorsqu’il a eu connaissance de cas de violence physique ».

Tkachova : Quelle est alors la conclusion que vous tirez de l’analyse du rapport ?

Hesemann : Une citation libre d’Horace : Les montagnes sont en travail, la presse fait beaucoup de bruit et ce qui naît …. non pas un canard (all. Ente, qui signifie aussi « canular »), mais une souris. Encore une fois : je ne veux pas justifier ce qu’on a infligé en fait de violence et d’actes ignobles à d’innocentes âmes d’enfants. Tout cela est absolument horrible et je suis content qu’on vide enfin l’abcès. Mais, en même temps, je dois défendre Georg Ratzinger, car tout cela n’avait rien à faire avec lui. Et cela n’a rien à faire non plus avec l’Eglise catholique comme telle. C’étaient des méthodes d’éducation courantes autrefois. Nous pouvons être heureux d’avoir, depuis bien longtemps, dépassé cette époque. Mais il est extrêmement injuste de faire d’un homme, simplement parce qu’il est connu et qu’il a un frère encore plus connu, le bouc émissaire des médias. Car c’est bien là l’intention mauvaise, trop évidente, qui se cache derrière tout cela. En réalité, le rapport qui vient d’être publié le disculpe. Maintenant la décence commanderait de laisser enfin en paix un vieillard de 93 ans, qui s’est acquis de grands mérites et sans qui personne, hors de Bavière, ne connaîtrait les Domspatzen de Ratisbonne.

Tkachova: Merci, Herr Dr. Hesemann.