Dégradation

Une punition radicale pour les pasteurs qui ont fauté. C'est celle exposée ici par Aldo Maria Valli, à appliquer au (désormais ex) cardinal McCarrick (29/7/2018)

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Cardinal (!) McCarrick

Une dégradation dans l'armée

Un rite de dégradation? Pourquoi pas?


Aldo Maria Valli
www.aldomariavalli.it/
29 juillet 2018
Ma traduction

* * *

La très triste histoire du cardinal Theodore McCarrick, archevêque émérite de Washington impliqué dans divers cas d'abus sexuels, conduit à une réflexion sur ce que devraient être les conséquences d'une telle faute.
Submergé par le scandale, McCarrick a présenté au pape sa démission, immédiatement acceptée par François, qui lui a ordonné de se consacrer désormais à une «vie de prière et de pénitence». Très bien. Mais on peut se demander: n'est-ce pas trop commode et trop peu? Je veux dire, n'est-ce pas trop commode de s'en sortir avec une lettre au pape ? Et d'autre part, face à un péché aussi grave, l'Église ne devrait-elle pas recourir à des mesures disciplinaires adéquates, y compris d'un point de vue symbolique? De même que les cérémonies d'ordination sont riches en symboles et chargées d'intensité spirituelle, ne serait-il pas nécessaire de prévoir des cérémonies de dégradation tout aussi explicites et intenses?
Je me rends compte qu'en raisonnant de cette manière, on s'expose à la critiques faciles. Envers ses enfants qui commettent des erreurs, peut-on objecter, l'Église n'a pas recours à la vengeance, mais à la miséricorde. Elle veut la justice, pas un règlement de comptes, et cherche à éviter les humiliations inutiles. Un rite de dégradation peut trop ressembler à un pilori.
Ce sont des objections que je comprends, mais je me demande: puisque les cas d'abus sexuels (et ici nous devrions aussi faire la clarté sur ce qui est pédophilie et ce qui est éphébophilie de la part d'homosexuels, mais c'est un autre sujet) sont si graves et si répugnants, et puisque l'Église elle-même parle depuis longtemps de «tolérance zéro"», ne serait-ce pas aussi l'occasion de démontrer de manière explicite que le délinquant a fait un usage aberrant des charismes qui lui ont été donnés pour qu'il puisse exercer un ministère aussi élevé?
Une intervention du Père John Todd Zuhlsdorf (connu des internautes sous le nom de Father Z) m'incite à ces réflexions et dans son blog, il repropose le rite de dégradation d'un évêque comme prévu dans le Pontifical romain du Pape Benoît XIV (1752).
Le texte est en latin, mais facile à comprendre. Il y a d'abord la description de l'action effectuée contre l'évêque à dégrader, puis les mots à prononcer pendant l'action sont indiqués.

Si degrandandus sit Archiepiscopus (come nel caso di McCarrick, ndr), Pontifex degradator aufert ab eo pallium, sic dicendo:
“Praerogativa Pontificalis dignitatis, quae in pallio designatur, te exuimus, quia male usus es ea”.
Deinde, vel si degradandus sit Episcopus tantum, Pontifex degradator amovet ei mitram, dicendo:
“Mitra Pontificalis dignitatis videlicet ornatu, quia eam male praesidendo foedasti, tuum caput denudamus”.
Deinde unus ex Ministris tradit degradando librum Evangeliorum, quem Pontifex degradator aufert de manibus degradandi, dicens:
“Redde Evangelium, quia praedicandi officio, quo spreta Dei gratia te indignum fecisti, te juste privamus”.
Deinde Pontifex degradator amovet annulum de digito degradandi, sic dicens:
“Annulum, fidei scilicet signaculum, tibi digne subtrahimus, quia ipsam sponsam Dei Ecclesiam temere violasti”.
Tum unus ex Ministris tradit degradando in manus baculum pastoralem, quem mox Pontifex degradator tollit de manibus degradandi, dicens:
“Auferimus a te baculum pastoralem, ut inde correctionis officium, quod turbasti, non valeas exercere”.
Deinde extractis sibi per Ministros chirothecis, Pontifex degradator abradit degradando pollices et manus leviter cum cultello, aut vitro, dicens:
“Sic spiritualis benedictionis, et delibutionis mysticae gratia, quantum in nobis est, te privamus, ut sanctificandi et benedicendi perdas officium, et effectum”.
Post haec Pontifex cum eodem cultello et vitro abradit leviter caput degradandi, dicens:
“Consecrationem, et benedictionem, atque unctionem tibi traditam radendo delemus, et te ab ordine Pontificali, quo inhabilis redditus, abdicamus”.
Tum degradando per ministros extrabuntur sandalia (*).


Comme on peut le voir, la charge symbolique contenue dans le rite est très forte. C'est un authentique tragédie. La personne dégradée est privée de tout ce que l'Église lui avait donné pour exercer sa plus haute mission: retirés le pallium (dans le cas d'un archevêque métropolitain), la mitre, l'anneau, l'Évangile, le bâton pastoral, les gants, les chaussures. Et puis cet acte de gratter les doigts des mains, afin que les dégradés soient privés de la grâce de la bénédiction et de la capacité d'oindre!
Je le répète: je comprends parfaitement que ces méthodes sont très éloignées de notre sensibilité. Et je comprends que, dans le cas d'un archevêque âgé comme McCarrick (quatre-vingt-huit ans le 7 juillet), l'Église peut penser que ce n'est pas lle moment d'avoir recours à la main lourde. Cependant, l'Église est une mère, et une vraie mère, quand son fils fait une erreur, ne laisse pas courir, mais s'ajuste en conséquence.
Je m'excuse auprès des canonistes si je procède de façon quelque peu expéditive. J'admets que je ne sais même pas si le rite de dégradation a déjà été utilisé. Je me demande cependant si, de la part de l'Église, au point où nous en sommes, une initiative de ce genre ne serait pas nécessaire.

Dans un commentaire au post de Father Z, un lecteur, à propos du rite mentionné ci-dessus, dit: «Un exercice solennel dans un but solennel. Nous devons garder à l'esprit les victimes d'abus et ne jamais les oublier. Leur souffrance est sans fin et beaucoup sont allés jusqu'à s'ôter la vie». C'est vrai. Mais j'ajouterais que nous devons aussi garder à l'esprit la dignité du pasteur. Et nous ne sommes pas seulement sur un niveau formel. Il y a eu une trahison de la part du pasteur et cette dignité a été piétinée. Comment peut-on penser pouvoir tout résoudre avec une lettre et une simple invitation à se retirer dans la prière?
Dans l'Église, nous sommes tous pécheurs et notre Dieu, comme le répète souvent François, n'est pas un juge impitoyable. Mais il me semble que dans un rite comme celui de la dégradation (ou quelque chose de semblable), l'Église ne manifesterait pas tant le désir d'être implacable contre le coupable, que d'avoir à cœur les dons par rapport auxquels le pasteur s'est montré indigne.

NDT


(*) Traduction d'après la traduction en anglais de Father Z :

Si l'homme à dégrader (Degradandus) est un archevêque, l'évêque dégradeur lui enlève le pallium, en disant: Nous vous dépouillons de toute prérogative pontificale, qui est symbolisée dans le pallium, parce que vous l'avez mal utilisé.

Puis, si le Degradandus n'est qu'un évêque, l'évêque dégradeur lui prend la mitre en disant: La mitre étant l'ornement symbolique de la dignité pontificale, parce que vous l'avez malmenée en présidant, nous dénudons votre tête.

Puis l'un des ministres donne au Degradandus un livre des Évangiles, que l'évêque dégradeur arrache des mains du Degradandus, en disant: Rendez l'Evangile, parce que dans l'office de la prédication, ayant méprisé la grâce de Dieu, vous vous êtes rendu indigne et nous vous en privons .

Puis l'évêque dégradeur ôte l'anneau du doigt du Degradandus, en disant: L'anneau, à savoir le signe de fidélité, nous vous le retirons dûment parce que vous avez violé inconsidérément votre Épouse, l'Église de Dieu.

Puis l'un des ministres remet une crosse entre les mains du Degradandus, que l'évêque dégradeur prend tout de suite des mains du Degradandus, en disant: Nous vous prenons le bâton pastoral, pour que désormais vous ne puissiez plus exercer la fonction de correction, que vous avez jetée dans la confusion.

Puis, les gants ayant été enlevés par des ministres, l'évêque dégraseur gratte légèrement les pouces et les mains du Degradandus avec un couteau ou un éclat de verre, en disant: Dans la mesure où elle est en nous, nous vous privons ainsi de la grâce de la bénédiction spirituelle (capacité de bénir), et de l'onction mystique (capacité d'oindre), de sorte que vous perdiez l'office et l'effet de sanctifier et de bénir.

Après cela, l'évêque gratte légèrement la tête du Degradandus avec le même couteau ou éclat de verre, en disant: Par ce grattage, nous mettons fin à la consécration, à la bénédiction et à l'onction qui vous a été donnée, et nous vous rejetons de l'ordre pontifical, car vous vous en êtes rendus indignes.

Puis les chaussures sont ôtées au Degradandus par les ministres.

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