Georg Gänswein et l'Islam

Dé(sin)formation médiatique

Le 28 juillet dernier -- sans accès à Internet -- je trouve dans un kiosque à journaux de Strasbourg le Süddeutsche Zeitung, et son supplément hebdomadaire, qui annonce une interview de Georg Gänswein: Georg Gänswein dans le Süddeutsche Zeitung
Enchantée de l'aubaine, je l'achète, je convainc mon mari de me traduire le très long article, ce qu'il fait manuscritement, non sans récriminer sur la lourdeur de la tâche. Je tape donc son travail minutieux (c'est un scientifique!) dans mon traitement de texte habituel, en le relisant forcément avec la plus grande attention, et comme je crois savoir de quoi il parle (en toute modestie!!), il me semble avoir bien saisi ses intentions.
Pour faciliter la lecture, je me permets même de découper l'article, et de rajouter quelques sous-titres extraits du texte-même, car je sais par expérience qu'il est pénible de lire un "bloc" de texte compact.
Comme c'est l'usage dans ce genre d'exercice, il est question d'un peu tout, les questions sont assez convenues, et les réponses suffisamment évasives pour ménager tout le monde. Mgr Gänswein n'est pas un sot, bien sûr, et il se méfie, à juste titre.
Ce que j'ai relevé: On n'apprend rien de nouveau

Je m'arrête en particulier sur la partie concernant la conférence de Ratisbonne, très courte, et noyée dans un ensemble de considérations, dont je retiens (c'est le titre que je lui ai donnée) que Georg Gänswein lui attribue un caractère prophétique. C'est bien vu. Tout juste suis-je assez surprise par le caractère affirmatif des questions --qui n'en sont plus vraiment-- mais connaissant Peter Seewald, qui aime Benoît XVI, je pense qu'il n'a aucune intention malveillante.
Je trouve surtout Georg Gänswein très réservé dans ses réponses (pour parler familièrement, il est clair qu'il marchait sur des oeufs) s'il le devenait davantage, il n'aurait plus besoin de répondre à la moindre interview, sinon portant sur la météo, et encore --il risquerait de déraper sur le "réchauffement de la planète"...!!

Surprise, donc, à mon premier accès à Internet après cet épisode, de lire les compte-rendu de la presse francophone. C'est tout juste si, en filigranne de certains articles, on n'entend pas un "la voix de son maître" ricanant. Quant aux réactions que je qualifierais de droite, c'est une sorte de triomphalisme irresponsable, d'appel au choc des civilisations --dont je SAIS que le Pape le récuse avec force-- du genre de celle-ci: "Au moins, c'est clair ! On attends les réactions des gentils partisans de la religion de Paix et d'Amour!".
Rodomontades inutiles, qui font évidemment plus de mal que de bien!
Bref, une répétition irritante, mais en sens inverse, de l'affaire Bertone, et sa soi-disant caution à l'entrée de la Turquie dans l'UE.

Et justement, ce n'est pas clair du tout. Georg Gänswein n'a absolument rien dit de polémique, et se livrer à des insinuations, c'est lui interdire de s'exprimer à l'avenir! Les mots forts qu'on lui attribue sont simplement les questions du journaliste.
Je me répète, mais dans ce genre d'exercice, l'initiative des questions revient évidemment à l'interviewer. Le secrétaire du Pape ne pouvait rien répondre de plus modéré.

Le problème n'est donc pas de savoir s'il a tort ou raison, encore moins ce qu'il pense réellement, le problème, c'est ce qu'il a dit -- très peu de chose, en vérité -- et ce qui en a été fait.
L'univers médiatique, et cela englobe aujourd'hui celui des blogs, a tendance à faire de tout une lecture sélective, qui l'arrange. C'est ce que les journalistes appellent "décryptage" (découvrir --à notre place!!-- ce qui est caché: quel programme!)
Compte tenu que tout le monde se recopie plus ou moins, on imagine sans peine la formidable caisse de résonnance à la désinformation que ceci constitue. Cela me rappelle un problème de probabilités bien connu des élèves de classe préparatoire, où l'on étudie la transmission d'une information binaire: et il s'agit de calculer la probabilité pour que, à long terme, l'information correcte parvienne à un maillon de la chaîne. (voir ici: (*))

En tout cas, ce que moi j'ai retenu de l'interview, ce n'est pas cela. Pour simplifier, j'ai trouvé tout à fait aussi intéressante la révélation que le Pape était toujours en blanc, et c'est à peine une boutade!!
Et il est clair que ce n'est pas Georg Gänswein, que l'on attaque ici, mais son "patron"...
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Revue de presse ici: Mgr Gänswein "contre l'islamisation de l'Europe"

Humour

A propos du rôle des médias dans la désinformation, je ne résiste au plaisir de recopier dans le livre hilarant de Scott Adams sur le monde de l'entreprise "Le principe de Dilbert" (First Editions) ce paragraphe particulièrement savoureux que Geog Gänswein aurait peut-être dû lire avant de rencontrer Peter Seewald!
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MANIPULER LES MÉDIAS
Les journalistes sont quotidiennement confrontés à un douloureux dilemme : faire de pénibles recherches pour leurs articles ou se contenter d'écrire ce qu'on leur dit. Ce qui revient au même.
Contrairement à ce que vous pensez sans doute, les citations que vous lisez dans les journaux sont rarement fidèles aux propos effectivement tenus et rarement retranscrites dans leur contexte. La plupart sont forgées de toutes pièces par les auteurs en mal de justification de l'idée qu'ils se faisaient de leur article avant même de l'écrire. Lorsqu'on vous interviewe, évitez donc de mentionner tout ce que vous ne souhaiteriez pas qu'on déforme dans vos propos. Par exemple, voyez comment une simple annonce risque d'être déformée, tout en demeurant une citation légitime:

Vous avez dit : « Notre entreprise a habitué la maison-mère à thésauriser ses réserves mais personne ne le dit jamais dans les médias. »
Les médias reprennent : « Notre entreprise a - tué -mère -Te - res - a -.

Toutes les informations sont focalisées soit sur quelque chose de dramatique, soit sur quelque chose de formidable. Mieux vaut aider le journaliste à déterminer ce qui est formidable en ce qui vous concerne, car généralement l'article traite, par défaut, de ce qui est dramatique.


(*) Enigme mathématique - et paradoxe!

Un petit raisonnement très simple prouve qu'après un grand nombre de transmissions, il y a précisément une chance sur deux pour que l'information communiquée au départ parvienne correctement à un élément de la chaîne...
Miracle et harmonie des mathématiques...
De quoi rendre perplexes, ou décourager, tous les acteurs de la désinformation!