Pour une théologie à genoux



John Allen revient sur le discours prononcé par Benoît XVI à l'abbaye de HeilenKreuz.
Son avertissement aux théologiens (« Dans son désir d’être reconnue comme une discipline scientifique rigoureuse dans le sens moderne du terme, la théologie peut perdre le souffle vital donné par la foi ») rejoint la préoccupation qu'il avait peu de temps auparavant exprimée devant ses anciens étudiants de la RatzingerSkulKreis ( Avertissement aux théologiens ). Pour lui, la théologie est au service de la foi.
Et on peut dire que lui-même, en tant que théologien, a échappé à la tentation d'en faire une discipline scientifique parmi d'autres: parlant de ses cours, lorsqu'il était professeur à Tübingen, l'un de ses anciens étudiants aura ce mot très beau: «Quand, à Tübingen, j’ai entendu Ratzinger parler de Jésus ou de l’Esprit Saint, j’ai eu l’impression que, par moments, il y avait dans ses paroles comme une prière». Et un autre, évoquant ses cours de Bonn: «La salle de cours était toujours comble, les étudiants l’adoraient. Il parlait un langage beau et simple. Le langage d’un croyant».
Voir ici: Histoire de Joseph Ratzinger, 1969-1977 )

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Article original en anglais ici: DAY THREE: Making space for theology 'on bent knee'

Traduction Catherine.
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Pour une théologie « à genoux »

En 1993, le Cardinal Joseph Ratzinger émettait l’idée que peut-être ce qui est arrivé à la théologie catholique au 12ème siècle, quand elle s’est déplacée des monastères vers les universités européennes nouvellement créées, a semé les graines de la confusion future. Ce déplacement, écrivait Ratzinger, a modifié sa physionomie spirituelle et scientifique.

L’essai se présentait comme une réflexion sur un document de 1990 de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, alors dirigée par Ratzinger et appelé : « instruction sur la vocation ecclésiale du théologien ». Il insistait sur le fait que le « milieu naturel » de la théologie devait être l’Eglise, pas le milieu universitaire sécularisé.

Aujourd’hui comme pape, Benoit XVI a développé ces réflexions, alors qu’il visitait un monastère cistercien en Autriche, dont le programme théologique depuis deux cents ans de former des prêtres et des théologiens a reçu l’appellation d’Académie Pontificale en l’honneur de Benoit XVI.

Une fois de plus, le pape a souligné la nécessité pour la théologie de prendre ses racines dans la foi catholique et l’adoration.

« Dans son désir d’être reconnue comme une discipline scientifique rigoureuse dans le sens moderne du terme, la théologie peut perdre le souffle vital donné par la foi », a mis en garde le pape. Au lieu de cela, paraphrasant le célèbre théologien suisse Hans Urs Von Balthazar, le pape Benoit a appelé à faire de la théologie « à genoux », c'est-à-dire en lien étroit avec une spiritualité vécue.

« La rationalité scientifique et la foi vécue sont deux aspects complémentaires et interdépendants de l’étude », a dit le pape. « Une théologie qui ne tire plus son souffle de la foi cesse d’être une théologie. Elle finit par se réduire à un ensemble de disciplines plus ou moins reliées entre elles. »

Dans le même temps, le pape n’a pas voulu revenir en arrière à la situation qui prévalait avant le 12ème siècle. Alors qu’il applaudissait des initiatives comme celle de l’académie de HeiligenKreuz, le pape Benoit a dit qu’il était également important pour la théologie de faire partie du savoir universitaire par sa présence dans les facultés de théologie catholiques à l’intérieur des universités d’état.

Dans le choix de son nom, le pape Benoit a montré son affection pour le fondateur du monachisme européen, Saint Benoit, mort au 6ème siècle, et pour la vie monastique en général. Cette estime était claire aujourd’hui.

« Comme une oasis spirituelle, un monastère indique au monde d'aujourd'hui la chose la plus importante, et c'est même en fin de compte la seule chose décisive : il existe une ultime raison pour laquelle il vaut la peine de vivre, qui est Dieu et son amour insondable. » [..]

Dans ses remarques aux moines, le pape Benoit les a appelés à être des hommes de prière et d’adoration, ce qui est le premier but de la vie monastique. Entre autres choses, a t-il dit, cela veut dire célébrer les rites de l’Eglise avec soin, en s’assurant que Dieu en est le centre et non la créativité humaine.

« Il n’est pas présomptueux de dire, que dans une liturgie complètement centrée sur Dieu, dans ses rites et dans ses chants, on peut voir une image de l’éternité.

La défense des traditions liturgiques catholiques est au cœur des préoccupations du pape Benoit, qui a récemment autorisé une célébration plus large de la masse latine en service avant le concile Vatican II (1962-65). Un des soucis de longue date du pape avec les changements liturgiques qui ont suivi le concile est le fait que trop d’accent a été mis sur le prêtre, obscurcissant la focalisation commune du prêtre et des fidèles sur Dieu.

« Quand dans nos réflexions, nous sommes seulement préoccupés de rendre la liturgie attractive, intéressante et belle, la partie est déjà perdue », a dit le pape.

S’adressant à tous les autrichiens, le pape Benoit les a appelés à ne pas voir leurs monastères comme seulement des places fortes de la culture et de la tradition, ou même comme de simples entreprises, mais plutôt comme des lieux de force spirituelle.

En faisant référence à un jeu de mots en allemand, le pape Benoit a dit que Österreich, ou Autriche, est aussi Klösterreich, ce qui signifie un royaume de monastères.



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