Joseph Ratzinger: la Bavière

Un extrait du livre « Pope Benedict XVI - A biography of Joseph Ratzinger».

Un passionnant éclairage sur les racines spirituelles et culturelles de Joseph Ratzinger.
Traduction d'Hélène, que je remercie pour sa précieuse contribution:


 

La Bavière

Joseph Ratzinger est bavarois presqu’autant que Jean Paul II est polonais. En 1998, lorsqu’il présenta sa nouvelle autobiographie au monde germanophone lors d’une conférence de presse, il le fit dans le monastère Kloster Andech en Haute Bavière. En présentant Ratzinger, Abbot Odilo Lechner déclara en hommage au cardinal, « Vous avez toujours insisté sur le fait qu’en Bavière, le ciel et la terre entretiennent des liens très particuliers».

Au moment de la chute de l’Empire romain, la Bavière fut divisée en trois parties : le nord occupé par les Francs, l’ouest par les Alamans et le sud et l’est par le peuple des Baiuvarii, la tribu qui donna finalement son nom au territoire. Cette division existe encore aujourd’hui puisque la Bavière résulte de la fusion de trois régions différentes : la Franconie au nord, la Souabe à l’ouest et la « vraie Bavière » au sud et à l’est. La famille Ratzinger est issue de cette « vraie Bavière ».

Les rois Wittelsbach de Bavière étaient fermement opposés à la réforme protestante et au cours du XVIe siècle la Bavière devint officiellement un Etat srictement catholique. Aujourd’hui encore celui qui serait parachuté n’importe où en Bavière à un endroit quelconque, aussi isolé et éloigné soit-il, se retrouverait aussitôt à proximité d’une église ou d’une chapelle catholique. Le jésuite Michael Fahey, qui était un étudiant de Ratzinger lorsque celui-ci enseignait à Tübingen, considère ce fait comme étant d’une importance primordiale lorsqu’il s’agit de comprendre Ratzinger. Il est spirituellement et culturellement bavarois, ce qui signifie qu’il se sent tout à fait à l’aise dans un environnement entièrement catholique. En grandissant il n’a pas appris à apprécier la diversité et il continue à avoir une préférence pour l’homogénéité.

Les Wittelsbach n’ont pas toujours été à la tête du territoire constituant la Bavière d’aujourd’hui. L’archevêque de Salzbourg dirigea pendant plusieurs siècles une importante portion de la Haute Bavière, comprenant la plus grande partie du territoire où s’est déroulée la jeunesse de Ratzinger. Celle-ci ne fit partie de la Bavière qu’à l’époque de Napoléon. Ratzinger raconte qu’il a grandi sous le charme de Salzbourg et plus particulièrement de son fils le plus célèbre, Mozart.

Durant la guerre avec l’Autriche, la Bavière combattit la Prusse en 1866 mais les Wittelsbach furent tellement impressionnés par le comportement gracieux de Bismarck lors de sa victoire qu’il se sont joints à sa fédération juste à temps pour se trouver du côté des vainqueurs dans la guerre Franco-Prussienne de 1870. Selon les termes convenus avec la fédération, la Bavière conserva sa propre armée, son service postal et ses chemins de fer. Elle conserva également son service diplomatique et c’est ainsi que le jeune Eugenio Pacelli fut nommé nonce apostolique de Bavière en 1917 avant d’être élu Pape sous le nom de Pie XII en 1939.

En 1918, les alliés forcèrent le dernier roi Wittelsbach à abdiquer et un gouvernement socialiste fut élu sous la conduite de Kurt Eisner. En 1919, toutefois, un soulèvement communiste aboutit au meurtre de Eisner et à la proclamation de la République Communiste de Bavière, le seul gouvernement soviétique qui ait jamais été constitué en Europe Occidentale. Cette brève situation fut rapidement et brutalement renversée par l’armée allemande. Les sanglantes journées de 1919 pesèrent lourdement sur l’imagination politique des bavarois pendant les années à venir ; la naissance de Ratzinger ne se situe que huit ans plus tard et la peur instinctive de la violence d’inspiration marxiste était encore bien ancrée dans l’esprit de ses compatriotes. Pacelli lui-même fut à la merci des armes des membres de la « Garde Rouge » bavaroise qui avait proclamé la république soviétique, une expérience qui renforça son propre sentiment anti-communiste. Il y a toutefois lieu de faire remarquer que la plus grande partie des effusions de sang se sont déroulées en Bavière non pas sous les révolutionnaires communistes mas durant une semaine de terreur qui suivit leur suppression et pendant laquelle l’armée exécuta plus d’un millier de personnes.

Comme la situation empirait, la Bavière se trouva divisée entre les adhérants du Parti Centriste appuyé par les Catholiques et les National-Socialistes, ce qui eut des conséquences minimes mais cependant significatives pour les Sociaux-Démocrates et les Communistes. Lorsque Hitler devint chancellier, la Bavière bénéficia du renouveau économique général qui se répandit dans toute l’Allemagne. Comme la guerre se poursuivait, la Bavière fut écrasée par les bombes des alliés et dut subir les inconvénients de l’occupation ; toutefois, comme la Bavière se trouvait dans la zone d’occupation américaine, les conditions d’après guerre y furent un peu plus favorables qu’ailleurs.

Au cours des décennies qui suivirent, la Bavière présenta les mêmes caractéristiques que le reste de l’Allemagne: elle était conservatrice sur le plan social et politique et prospère d’un point de vue économique. Actuellement la Bavière est considérée comme l’une des régions les plus traditionnalistes sur le plan culturel et conservatrices sur le plan politique. En dépit de son essor économique, la Bavière a remarquablement résisté à l’urbanisation. Au début des années 1990, près de la moitié de la population vivait toujours dans des localités de moins de 5.000 habitants. Ratzinger a grandi dans quelques-uns de ces hameaux bavarois et sa famille a de profondes racines dans le sol de la Bavière.
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Extrait traduit du livre « Pope Benedict XVI » - A biography of Joseph Ratzinger - by John L. Allen, Jr. – Continuum International Publishing Group

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