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Benoît XVI ira à Assise

Un "appel" au Pape, contre le relativisme et le syncrétisme, signé par de notables catholiques italiens. Et une réponse - pertinente - à travers un article de Paolo Rodari.(12/1/2011)



Grâce à Raffaella, j'ai été alertée d'un "appel au Pape", signé par des catholiques italiens généralement très respectueux du magistère et dont certains ont déjà été rencontrés dans ces pages.
La lettre est reproduite sur IL FOGLIO.
Il s'agit d'une supplique au Saint-Père, lui demandant de ne pas aller à Assise en octobre prochain.
Ma première réaction a été l'indignation, devant l'incongruité de la démarche. On ne tire pas le Pape par la soutane. Et surtout, on n'apprend pas au Pape à faire le Pape. On ne se paie pas le ridicule de lui donner des leçons de théologie.
Mais à la lecture, le texte est respectueux, plutôt argumenté, il pose de vraies questions, qui seront à n'en pas douter soulevées dans neuf mois à Assise. Autant y réfléchir avant, sur un mode non négatif: la lettre peut aider les gens à déjouer les pièges des médias... si tant est qu'elle soit lue par les justes personnes.
J'ai donc traduit ce texte.
Persuadée que le Pape sait exactement ce qu'il fait.

Et puis, sur le même journal, Paolo Rodari y apporte une excellente réponse, citant Gian Maria Vian, le directeur de l'OR.

Grâce à son article, j'ai retrouvé un texte écrit en 2002 par le cardinal Ratzinger, de retour d'"Assise 2" pour la revue 30 Giorni (traduction en cours).

L'appel au Pape

Sainteté, fuyez l'esprit d'Assise
(
Texte en italien)
-------------
Appels de plusieurs catholiques très reconnaissants afin que le Pape ne rallume pas les confusions syncrétistes

Saint-Père Benoît XVI,
nous sommes quelques catholiques très reconnaissants de l'oeuvre accomplie par vous en tant que pasteur de l'Eglise universelle, ces dernières années; reconnaissants pour votre grande estime pour la raison humaine, pour la concession du "motu proprio Summorum Pontificum", pour votre relation fructueuse avec les anglicans qui reviennent dans l'unité, et bien plus encore.

Nous prenons l'audace de vous écrire après avoir entendu, précisément pendant le massacre de chrétiens coptes, votre intention de convoquer à Assise, pour le mois d'Octobre, un grand rassemblement interreligieux, 25 années après "Assise 1986."
Nous nous souvenons tous de cet événement d'il y a si longtemps.
Un événement médiatique comme peu d'autres, qui, indépendamment des intentions et des déclarations de celui (ceux?) qui le convoqua eut un contre-coup indéniable, relançant dans le monde catholique, l'indifférence et le relativisme religieux.
C'est à partir de cet événement que prit effet dans le peuple chrétien l'idée que l'enseignement séculaire de l'Église, «une, sainte, catholique et apostolique», sur le caractère unique du Sauveur, était en quelque sorte à reléguer aux archives.
Nous nous souvenons tous des représentants de toutes les religions dans un temple catholique, l'église de Santa Maria degli Angeli, alignés avec un rameau d'olivier à la main: comme pour signifier que la paix ne passe pas par le Christ, mais, indistinctement, par tous les fondateurs d'un credo quel qu'il soit (Mahomet, Bouddha, Confucius, Kali, le Christ ...)
Nous nous souvenons de la prière des musulmans à Assise, la ville d'un saint qui avait fait de la conversion des musulmans un de ses objectifs.
Nous nous souvenons de la prière des animistes, de leur invocation aux esprits des éléments, et de celle d'autres croyants, ou représentants de religions athées comme le jaïnisme.
Ce "prier ensemble", quel qu'en soit le but, qu'on le veuille ou pas, a eu pour effet de faire croire à beaucoup que tous priaient "le même Dieu", seulement avec des noms différents.
Au contraire, les Écritures sont claires: "Tu n'auras pas d'autre Dieu que moi" (Premier commandements), "Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie: nul ne vient au Père que par moi» (Jean 14, 6).

Ceux qui écrivent ici ne contestent nullement le dialogue, avec chaque personne, quelle que soit sa religion.
Nous vivons dans le monde, et chaque jour nous parlons, discutons, aimons, même ceux qui ne sont pas chrétiens, car athées, incertains, ou d'autres religions. Mais cela ne nous empêche pas de croire que Dieu est venu sur la terre, et s'est laissé tuer, pour nous enseigner, justement, le Chemin, la Vérité, et pas seulement l'un des nombreux chemins et vérités possibles. Le Christ est pour nous chrétiens, le Sauveur; l'unique Sauveur du monde.

Nous nous rappelons donc avec consternation, revenant 25 années en arrière, les poulets décapités sur l'autel de Sainte-Claire selon des rituels tribaux et le sanctuaire avec une statue de Bouddha placée sur l'autel de l'église de Saint-Pierre, au-dessus des reliques du martyr Vittorino, tué 400 ans après Jésus-Christ, pour témoigner de sa foi.
Nous nous rappelons les prêtres catholiques qui se sont prêtés à des rites d'initiation d'autres religions: une scène horrible, car, si il est "stupide" de baptiser dans la foi catholique un adulte qui ne croit pas, tout aussi absurde est le fait qu'un prêtre catholique ait à subir un rituel dont il ne reconnaît pas la validité ou l'utilité. En faisant ainsi, on finit juste par faire passer une idée: que les rites, tous les rites, ne sont que des gestes humains vides. Que toutes les conceptions du divin se valent. Que toutes les morales, qui émanent de toutes les religions, sont interchangeables.

Voilà, cet "esprit d'Assise", sur lequel les médias et les secteurs les plus relativistes de l'Eglise ont brodé, jetant la confusion. Il nous sembla étranger à l'Evangile et à l'Eglise du Christ, qui jamais, depuis deux mille ans, n'avait choisi de faire de même. Nous aurions voulu réécrire alors ces observations ironiques d'un journaliste français: "En présence de tant de dieux, on croira plus facilement si toutes se valent, ou s'il y en a une seule de vraie. Le parisien moqueur imitera ce collectionneur sceptique, dont l'ami venait de faire tomber une idole d'une table: "Ah, malheureux, ce pourrait être le vrai Dieu" .

Nous trouvons donc un réconfort, à nos perplexités, dans de nombreuses déclarations de papes qui ont toujours condamné un tel «dialogue».
Un congrès de toutes les religions avait déjà été organisé, en effet, à Chicago, en 1893, et à Paris en 1900. Mais le pape Léon XIII était intervenu pour interdire toute participation des catholiques.
La même attitude fut celle de Pie XI, le pape qui condamna l'athéisme nazi et communiste, mais déplora dans le même temps la tentative d'unir les gens au nom d'un sentiment vague et indistinct, sans religion, sans le Christ.
...

Avec le recul, nous pouvons dire que le pape Pie XI avait raison, même au niveau de la simple opportunité: quel a été, en fait, l'effet d' "Assise 1986", malgré les justes déclarations du Pape Jean-Paul II, visant à prévenir une telle interprétation?
Quel est le message relancé par les organisateurs, les médias, et même de nombreux clercs modernistes, désireux de bouleverser la tradition de l'Église?
Ce qui est passé, auprès de beaucoup de chrétiens, à travers les images, qui sont toujours les plus évocatrices, et à travers les journaux et la télévision, est très clair: le relativisme religieux, qui est l'équivalent de l'athéisme.
Si tous prient «ensemble», ont conclu beaucoup, alors toutes les religions sont «égales», mais si c'est le cas, cela signifie qu'aucune d'elles n'est vraie.
À cette époque, vous, cardinal et préfet de la Congrégation de la Foi, avec le cardinal Giacomo Biffi, et avec plusieurs d'autres, avez été parmi ceux qui ont exprimé de sérieux doutes. Pour cette raison, dans les années suivantes, vous n'avez jamais participé aux répliques proposées chaque année par la Communauté de Sant'Egidio.
En fait, comme vous l'avez écrit dans "Foi, Vérité et tolérance. Le Christianisme et les religions du monde" , justement en critiquant l'œcuménisme indifférentiste, "il doit être clair pour les catholiques qu'il n'existe pas "les religions" en général , qu'il n'existe pas une idée commune de Dieu et une foi commune en lui, que la différence ne concerne pas uniquement la portée des images et des formes conceptuelles changeantes, mais les choix ultimes eux-mêmes".
Vous êtes dons parfaitement en accord avec Léon XIII et Pie XI sur le danger de contribuer, par des gestes tels que ceux d'"Assise 1986", au syncrétisme et à l'indifférentisme religieux.
Risque également mis en évidence par les Pères du Concile de Vatican II, qui dans Unitatis Redintegratio, à ce propos de l'œcuménisme non avec les autres religions, mais avec les autres "chrétiens", appela à la prudence: "Toutefois, la communication dans les choses sacrées ne devrait pas être considérée comme un moyen à utiliser sans distinction pour le rétablissement de l'unité chrétienne..."
Vous avez enseigné ces dernières années, pas toujours compris, même par des catholiques, que le dialogue a lieu, et peut avoir lieu, non pas entre les différentes théologies, mais entre les différentes cultures, et non pas entre les religions, mais entre les hommes, à la lumière de ce qui nous distingue tous: la raison humaine.
Sans recréer le Panthéon païen antique; sans que l'intégrité de la foi ne soit compromise par l'amour pour le compromis théologique; sans que la Révélation, qui n'est pas nôtre, ne soit modifiée par les hommes et les théologiens dans le but de concilier l'inconciliable ; sans que le Christ, "signe de contradiction" ne soit mis sur le même plan que Bouddha ou Confucius, qui entre autres choses n'ont jamais dit qu'ils étaient Dieu

C'est pourquoi nous sommes ici pour vous exposer nos préoccupations.
Nous craignons que, quoi que vous disiez, les télés, les journaux et de nombreux catholiques l'interpréteront à la lumière du passé et de l'indifférentisme en vigueur; que, quoi que vous affirmiez, l'événement sera lu comme une continuation de la manipulation de la figure de François, transformé par les œcuménistes d'aujourd'hui, en un iréniste, un syncrétiste sans foi. C'est déjà le cas ...
Nous avons peur que quoi que vous direz, pour plus de clarté, les simples fidèles, que nous sommes aussi, partout dans le monde ne verront qu'un fait (et on ne lui montrera que cela, par exemple à la télévision): le Vicaire du Christ non seulement parlant, débattant, dialoguant avec les représentants des autres religions, mais aussi priant avec eux. Comme si la manière et le but de la prière étaient indifférents.
Et beaucoup penseront à tort que l'Église a désormais capitulé, et reconnu, en ligne avec la pensée New Age, que prier le Christ, Allah, Bouddha, ou Manitou est la même chose. Que la polygamie animiste et islamique, les castes hindoues ou le spiritualisme animiste polythéiste peuvent aller avec la monogamie chrétienne, la loi de l'amour et du pardon et du Dieu Un et Trine.

Mais comme vous l'avez aussi écrit dans l'ouvrage cité: "Avec l'indifférenciation entre les religions et l'idée qu'elles sont toutes certes discernables, mais malgré tout égales, on n'avance pas."
Saint-Père, nous croyons qu'avec un nouvel "Assise 1986", aucun chrétien en terres d'Orient ne sera sauvé: ni dans la Chine communiste, ni en Corée du Nord ni au Pakistan ou en Irak ... de nombreux fidèles, au contraire, ne comprendront pas pourquoi justement dans ces pays, il y en a encore qui meurent en martyrs pour ne pas renoncer à leur rencontre non pas avec une religion, mais avec le Christ. Comme les Apôtres sont morts.
En face de la persécution, il existe des voies politiques, diplomatiques, des dialogues personnels et d'Etat: qu'ils se succèdent tous, aussi bien que possible. Avec Votre amour et Votre désir de paix pour tous les hommes.
Mais sans rendre possible pour ceux qui veulent semer la confusion et augmenter le relativisme religieux, antichambre de tous les relativisme, une opportunité, y compris médiatique, aussi appétissante que la réédition d' «Assise 1986."

Avec une dévotion filiale

Francis Agnoli
Lorenzo Bertocchi
Roberto de Mattei
Corrado Gnerre
Alessandro Gnocchi
Camillo Langone
Mario Palmaro

 

Une réponse, grâce à Paolo Rodari

Questions relatives à un tournant
Voici pourquoi Benoît XVI ira cette fois à Assise
Des critiques de 86 au jugement d'aujourd'hui,
Ratisbonne et "Dominus Iesus"

Paolo Rodari

Joseph Ratzinger, en Octobre prochain, ira à Assise, 25 ans après la rencontre de prière interreligieuse pour la paix organisée par Karol Wojtyla.
En 1986, le rassemblement suscita plusieurs critiques,même au sein de la Curie romaine: "On ouvre ainsi la voie à l'indifférentisme et au relativisme religieux", a été l'avis de beaucoup, y compris de celui qui était alors préfet de l'ex Saint-Office (ndt: ce qualificatif commence à dater...).
Et aujourd'hui? Pourquoi Benoît XVI se rend-il à Assise? N'est-ce pas alimenter ainsi l'idée qu'une religion vaut l'autre? Et puis: est-il juste de dialoguer avec l'islam sans un engagement explicite à la reconnaissance de la liberté religieuse pour les chrétiens dans les pays musulmans?

L'historien Giovanni Maria Vian dirige l'Osservatore Romano.
Il dit:

"La décision d'aller à Assise est une conséquence logique de la ligne que le pape a toujours tenue sur les relations avec les autres religions depuis l'élection: une confrontation amicale, et en même temps, l'insistance sur la nécessité d'assurer à chacun la possibilité d'être eux-mêmes, en un mot, la 'liberté religieuse'".
Assise, en ce sens est un événement symbolique, qui prête toutefois le flanc à des interprétations erronées, clarifiées par la déclaration «Dominus Iesus» de 2000.
En 2002, c'est le cardinal Ratzinger qui accompagna le pape dans la ville de Saint-François.
Le 20 avril 2005, au lendemain de l'élection, Benoît XVI demanda, «un dialogue ouvert et honnête» avec les autres cultures et religions. Le 20 août de cette même année à Cologne, il rencontra des musulmans et réclama la même chose. Il leur dit: «Nous voulons rechercher le chemin de la réconciliation, et apprendre à vivre en respectant chacun l'identité de l'autre. La défense de la liberté religieuse dans ce sens, est un impératif constant, et le respect des minorités est un signe clair de vraie civilisation ».
Après Cologne, en 2006, il y a eu Ratisbonne. Le coeur de la «lectio» papale n'était pas l'islam, mais le lien entre foi et raison. À mon avis, à cette occasion, le pape a été instrumentalisé. Sa ligne était au contraire celle de toujours, ‘Nemo impediatur, nemo cogatur’, a dit Paul VI résumant l'encyclique Dignitatis Humanae. Autrement dit "que nul ne soit empêché, que nul ne soit contraint". En ce sens, il est important que chacun jouisse de la liberté de religion authentique. Mais il est également important de dialoguer. Assise, c'est tout cela".
Antonio Socci dit à ce sujet: "Je pense qu'Assise est en quelque sorte un accomplissement de Ratisbonne, disons l'autre côté de la médaille. En Allemagne, le pape a dit la vérité: il ne peut y avoir de foi sans la raison. Mais il l'a dit en tendant la main à l'islam. Cette main tendue, cependant, n'a pas été saisie. Aujourd'hui à Assise, c'est ce que Ratzinger fait. Il revient tendre la main tout en ne reniant pas la vérité ".

Selon certains critiques, et pas seulement parmi les plus conservateurs de l'Église, prier ensemble peut être source de confusion et pourrait conduire à diluer des identités différentes, l'identité catholique en tête.
Vian dit encore:

"Chaque rencontre entre les religions présente des risques. Mais tout dépend de la façon dont elle est conçue et présentée. Ratzinger sait évidemment ce qu'il fait. N'oublions pas que c'est lui qui a signé la déclaration "Dominus Iesus", dédiée à l'unicité et à l'universalité salvifique de Jésus-Christ et de l'Église. C'était la doctrine de Vatican II et de toujours. Une doctrine sans équivoque. À Assise, tout cela sera bien présent".

À la Curie, beaucoup se souviennent quand Ratzinger se rendit à Assise en 2002 pour une réédition de la rencontre de 1986. Il accompagnait Wojtyla. Au retour, il déclara à Andrea Riccardi, le chef de la Communauté de Sant'Egidio, qui depuis 1986 avait continué à réunir chaque année les chefs religieux: "Je suis très content. Tout est allé dans le bon sens".
Une fois à Rome, le cardinal Ratzinger écrivit ses réflexions pour 30 Giorni, elles semblaient une réponse indirecte à ces critiques. Il expliqua qu'Assise était "un signe merveilleux d'espérance". Il dit que les chrétiens "ne doivent pas craindre" ces rencontres, parce qu'Assise n'était pas "auto-représentation de religions qui seraient interchangeables entre elles. Il ne s'agissait pas d'affirmer une égalité des religions, qui n'existe pas. Assise fut plutôt l'expression d'un chemin et d'une quête de la paix qui n'est telle que si elle est unie à la justice. "

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Note: J'ai retrouvé le texte en italien du Cardinal Ratzinger.
http://www.30giorni.it/it/articolo.asp?id=375
Traduction en cours

Assise en vaut la peine Le Pape défie la banalité du mal