Subsidiarité, solidarité, respect de l'identité
Les clés du vivre ensemble. Le Saint-Père a reçu en audience samedi matin les maires italiens membres de l'ANCI (Associazione nazionale comuni italiani) (13/3/2011)
"Aujourd'hui la citoyenneté se situe précisément dans le contexte de la mondialisation, qui se caractérise, entre autres, par de grands flux migratoires. Face à cette réalité... il est nécessaire de savoir combiner la solidarité et le respect des lois, afin que la coexistence sociale ne soit pas bouleversée et qu'on prenne en compte les principes du droit et de la tradition culturelle et aussi religieuse dont tire son origine la nation italienne".
Article original ici: http://press.catholica.va/..
Ma traduction.
Illustri Signori Sindaci,
Je vous adresse à tous mes salutations cordiales, et je vous suis reconnaissant pour votre présence, qui fait partie d'une tradition bien établie au fil du temps, comme en témoignent les audiences accordées par le vénérable Jean-Paul II et les papes précédents, et comme l'a rappelé le président de l'association, que je remercie pour les belles paroles pleines de réalisme, mais aussi de poésie et de beauté, avec lesquelles il a introduit notre rencontre. Ce fait atteste le lien particulier qui existe entre le pape, Evêque de Rome et Primat d'Italie, et la nation italienne, laquelle a dans la multitude de villes et de villages une de ses caractéristiques.
La première idée qui vient à l'esprit en rencontrant les représentants de l'Association nationale des municipalités italiennes, est celle de l'origine des communes, expressions d'une communauté qui se rencontre, discute, fait la fête, et des projets ensemble, une communauté de croyants qui célèbrent la liturgie du dimanche, et ensuite se retrouvent sur les places des antiques cités, ou dans les campagnes, devant la petite église du village.
Un poète italien, Carducci (ndt: poète italien, 1835-1907), dans une ode à la population de la Carnia, rappelle, "del comun la rustica virtù / Accampata all’opaca ampia frescura / Veggo, ne la stagion de la pastura / Dopo la messa il giorno de la festa…".
Aujourd'hui encore, le besoin est toujours vivant de rester dans une communauté fraternelle où, par exemple, les paroisses et les communes furent à un moment les artisans d'un modus vivendi juste et solidaire, même au milieu de toutes les tensions et les souffrances de la vie moderne. La variété des sujets, des situations, n'est pas incompatible avec l'unité nationale, rappelée par le 150e anniversaire (de l'unité italienne) qui est célébré en ce moment.
Unité et diversité sont à différents niveaux, y compris ecclésiologique, deux valeurs qui s'enrichissent mutuellement, si elles sont maintenues dans un équilibre réciproque et juste.
Deux principes qui permettent cette coexistence harmonieuse entre unité et pluralité, sont les principes de subsidiarité et de solidarité, qui sont typiques de la doctrine sociale de l'Église. Cette doctrine sociale a pour objet des vérités qui n'appartiennent pas uniquement au patrimoine du croyant, mais sont accessibles à toute personne rationnelle. J'ai parlé de ces principes dans l'encyclique "Caritas in Veritate" , où le principe de subsidiarité est considéré comme "une expression de la liberté humaine". En effet, "la subsidiarité est avant tout une aide à la personne, à travers l'autonomie des corps intermédiaires. Cette aide est proposée lorsque des individus ou des groupes sont incapables d'agir par eux-mêmes, et implique toujours une finalité émancipatrice, car elle favorise la liberté et la participation en tant que responsabilité assumée"(n. 57). En tant que tel, "il s'agit donc d'un principe particulièrement adapté à gouverner la mondialisation et à l'orienter vers un développement humain véritable" ( ibid. ).
" Le principe de subsidiarité doit être étroitement lié au principe de solidarité et vice versa , car si la subsidiarité sans la solidarité tombe dans le particularisme social, il est également vrai que la solidarité sans la subsidiarité,tombe dans l'assistanat qui humilie celui qui est dans le besoin "( 58).
Ces principes doivent également s'appliquer à l'échelon municipal, dans un double sens: dans le rapport avec les instances publiques, d'état, régionales et provinciales, ainsi que dans celui que les autorités municipales ont avec les organismes sociaux et les corps intermédiaires présents dans la région. Ces derniers accomplissent une activité de grande valeur sociale, étant vecteurs d'humanisation et de socialisation, visant particulièrement les groupes marginalisés et les nécessiteux. Parmi eux, on compte aussi de nombreuses réalités ecclésiales, comme les paroisses, les oratoires, les maisons religieuses, les établissements catholiques d'enseignement et d'assistance. Je souhaite que ce travail précieux rencontre toujours une grande appréciation et des soutiens adéquats, y compris financiers.
À cet égard, je tiens à répéter que l'Église ne demande pas de privilèges, mais de pouvoir exercer librement sa mission, comme l'exige un véritable respect de la liberté religieuse. En Italie, elle consent à la coopération qui existe entre les communautés civiles et ecclésiales. Malheureusement, dans d'autres pays, les minorités chrétiennes sont souvent victimes de discrimination et de persécution. Je tiens à exprimer ma gratitude pour la motion du 3 Février 2011, approuvée à l'unanimité par votre Conseil national, avec l'invitation à sensibiliser les municipalités membres de l'Association à l'égard de ces phénomènes et réaffirmant, dans le même temps, "le caractère indéniable de la liberté religieuse comme la pierre angulaire de la libre et pacifique coexistence entre les peuples. "
Je tiens également à souligner l'importance du thème de la «citoyenneté», que vous avez placé au centre de votre travail. A ce sujet, l'Eglise en Italie développe une riche réflexion, en particulier depuis la rencontre ecclésiale de Vérone, parce que la citoyenneté est l'un des domaines clés de la vie et de la coexistence des peuples. Le prochain Congrès eucharistique national à Ancône consacrera une journée à cette importante question, journée à laquelle seront invités, comme on nous l'a dit, les Maires italiens.
Aujourd'hui la citoyenneté se situe précisément dans le contexte de la mondialisation, qui se caractérise, entre autres, par de grands flux migratoires. Face à cette réalité, comme je l'ai mentionné ci-dessus, il est nécessaire de savoir combiner la solidarité et le respect des lois, afin que la coexistence sociale ne soit pas bouleversée et qu'on prenne en compte les principes du droit et de la tradition culturelle et aussi religieuse dont tire son origine la nation italienne. Cette exigence est particulièrement ressentie par vous qui, comme administrateurs locaux, êtes les plus proches de la vie quotidienne des gens. On attend de vous un dévouement spécial au service public que vous offrez aux citoyens, pour être promoteurs de coopération, de solidarité et d'humanité. L'Histoire nous a laissé l'exemple de maires qui, par leur prestige et leur engagement ont marqué la vie de la communauté; vous avez justement rappelé la figure de Giorgio La Pira (1904-1977), chrétien exemplaire, et administrateur public estimé. Que cette tradition continue à porter ses fruits pour le bien du pays et de ses citoyens! Pour cela, je vous assure de mes prières et je vous exhorte, illustres amis, à faire confiance au Seigneur, parce que - comme dit le psaume - "si le Seigneur ne veille pas sur la ville, la sentinelle veille en vain» (127.1).
Invoquant l'intercession maternelle de la Vierge Marie, vénérée par le peuple italien dans ses nombreux sanctuaires, lieux de spiritualité, d'art et de culture, et des saints patrons François d'Assise et Catherine de Sienne, je vous bénis tous, vos collaborateurs et l'ensemble de la nation italienne.
