L'écrivain et essayiste espagnol Juan Manuel de Prada, revient sur l'affaire du " majordome espion ", en rappelant des phrases de l'Apocalypse de Saint Jean. Traduction de Carlota (29/5/2012)
Original ici: http://www.religionenlibertad.com...
JM de Prada fait partie de ceux qui pensent les "scandales [..] ont leur source à l’intérieur de l’Église elle-même"...
La fumée de Satan
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Ces derniers mois arrivent du Vatican des nouvelles qui ressemblent à des thèmes romanesques inventés par un disciple de Dan Brown qui se surpasse: la fuite de documents confidentiels qui dévoilent des trames qui ne sont pas Saintes, la destitution du président de la banque du Vatican, la détention du majordome du Pape, suspect de fouiller dans les propres appartements du Pape… Inévitablement l’on se rappelle cette célèbre et terrible phrase de Paul VI, prononcée le 30 juin 1972 : « par une fente s’est introduit la fumée de Satan dans le temple de Dieu ». Que cette fumée se soit étendue jusque dans les Palais apostoliques s’avère vraiment choquant, un motif de scandale qui réjouit les ennemis de l’Église et qui nous angoisse nous les catholiques conscients, car ce n’est pas en vain que nous sommes membres d’un même corps dont la tête visible est en train de souffrir de continuelles embûches. Ici viendrait à point cette invocation à Saint Michel Archange (1) que Léon XIII introduisit il y a plus d’un siècle à la fin de la messe, après avoir souffert d’une vision horrible dans laquelle des armées infernales se concentraient sur la ville de Rome, une prière qui, mystérieusement, a été supprimée de la liturgie, pour faire place aux "bonismes" et autres déliquescences postconciliaires.
Dans les visions de l’Apocalypse, on nous parle de deux femmes : la femme qui a accouchée, vêtue du soleil de la foi ; et la grande prostituée avec qui ont forniqué les rois de la terre. Toutes deux représentent la religion dans ses deux extrêmes: la religion fidèle, qui sert l’Église, et la religion corrompue, qui se sert d’elle, mélangées comme le blé et l’ivraie. « Forniquer avec les rois de la terre », dans le langage biblique, signifie convoiter les biens transitoires, tromper, établir des alliances avec le pouvoir terrestre, mélanger le Royaume de Dieu avec le monde. Quand Saint Jean contemple la grande prostituée qui porte gravée sur le front le mot Mystère, il confesse son étonnement, c’est que, en effet, même cet homme à qui avaient été révélés les arcanes les plus cachés, est épouvanté par cette énigme de la religion adultère.
Nous aussi, elle nous étonne et effraye ; mais nous savons que ce mystère fait partie de l’Église, sainte et prostituée à la fois: et toutes deux, la sainte et la prostituée, vivent ensemble en un lien inextricable jusqu’au moment de la moisson, où enfin elles seront séparées. Quand se produira cette séparation, ou jugement dernier, nous ne le savons pas, mais ce que nous savons, au contraire, c’est que ce jugement viendra précédé d’une grande tribulation, « la plus grande depuis le déluge », produite par la pire des corruptions qui est la corruption de ce qui est optimal ».
Mais même dans les moments les plus durs de la grande tribulation, jusqu’au moment où le mystère de l’iniquité se sera introduit dans le temple, quelques fidèles peu nombreux persévéreront, avec leur tête visible en avant, sur lesquels tombera la plus furieuse des persécutions. Et même au milieu de cette persécution féroce, « Dieu maintiendra ses promesses au sujet de l’infaillibilité de la doctrine dans le Magistère Suprême, même quand tout paraîtra obscurci, sa lumière brillera », écrit Leonardo Castellani (2).
Personne ne souffre autant à cause de cette religion adultère que le Pape, que nous voyions entouré de fourbes et de corrompus. Nous le voyons ces jours-ci qui bouillonnent d’intrigues vaticanes, nous le voyons en réalité depuis le début de ce pontificat, harcelé par des scandales qui ont leur source à l’intérieur de l’Église elle-même. En cette heure difficile, durant laquelle la fumée dont a parlé Paul VI semble tout assombrir, la nature martyrielle de l’Église fidèle, avec Benoît XVI à sa tête, brille plus que jamais. Que Saint Michel l’Archange le défende dans la lutte.
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Notes de traduction
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(1) Sancte Michael Archangele, defende nos in praelio. Contra nequitiam et insidias diaboli esto praesidium. Imperet illi Deus, supplices deprecamur. Tuque princeps militiae caelestis, Satanam aliosque spiritus malignos, qui ad perditionem animarum pervagantur in mundo divina virtute in infernum detrude.
Traduction en français
Saint Michel Archange, défendez nous dans le combat, contre la malice et les embûches du démon. Que Dieu fasse sentir Son empire, nous vous en supplions et vous, Prince de la milice céleste, repoussez en enfer par la force divine Satan et les autres esprits mauvais, qui œuvrent dans le monde à la perte des âmes.
(2) Leonardo Luis Castellani (1899-1981) est un prêtre argentin jésuite, qui écrivit un nombre considérable d’essais religieux, philosophique et socio-politiques, mais aussi des romans y compris policiers, des contes et de la poésie. Il deviendra rapidement une référence d’un catholicisme d’orientation anti-libérale (ndt je comprends non progressiste ?). Ayant apparu notamment à la demande d’amis sur une liste électorale « Alliance Nationale » en 1946, ce qui accentuera ses relations déjà difficiles avec sa hiérarchie jésuite, il se verra interdit d’exercer son sacerdoce par ses autorités hiérarchiques entre 1949 et 1966. (référence : wikipedia en espagnol et en anglais avec les réserves d’usage).